L'article de Faisal Bodi, qui est décrit comme "un journaliste musulman", a été publié en 2001 par le Guardian, journal de gauche britannique proche du Labour.

Faisal Bodi anime un blog sur le site IHRC, le comité islamique des droits de l'homme.

53 ans après l'indépendance d'un pays dont l'existence a été proposée à l'ONU et votée par 33 pays malgré une opposition de 17% des pays votants, tous ou presque arabo-musulmans (à l'exception de l'Inde,  la Grèce et Cuba), l'opposition à l'existence même de ce pays où vivent 8 millions d'habitants est toujours présente, cas unique au monde. Et des journaux comme le Guardian relayent ce type d'opinion.

 

 

La paix pourrait avoir une chance réelle sans les revendications bibliques des Israéliens

The Guardian

Mar 2 Jan 2001 20.04


Heureusement, ma notoriété dans les cercles juifs s'est depuis dissipée à tel point que j'ai récemment donné une conférence interreligieuse parrainée par le Collège Leo Baeck, même si mes opinions sont restées les mêmes. Israël n'a pas le droit d'exister.

Je sais que c'est une chose extrêmement démodée à dire et que, dans l'état actuel du processus de paix, certains trouveront aussi irresponsable. Mais c'est un fait que j'ai toujours considéré comme central dans toute véritable formule de paix.
L'existence d'Israël n'est certainement pas fondée sur le plan moral. Israël est la réalisation d'une déclaration biblique. Sa raison d'être a été définie par l'ancienne première ministre Golda Meir. "Ce pays existe comme l'accomplissement d'une promesse faite par Dieu Lui-même. Il serait absurde d'invoquer sa légitimité."
Cette promesse biblique est la seule revendication d'Israël à sa légitimité. Mais quoi que Dieu ait voulu dire quand il a promis à Abraham que "j'ai donné à ta postérité ce pays, depuis le fleuve d'Égypte jusqu'au grand fleuve, l'Euphrate", il est douteux qu'il ait voulu l'utiliser comme une excuse pour prendre par la force et la chicane un pays légalement habité et appartenant à autrui.
Il ne sert à rien de brosser ce fait, aussi inconfortable qu'il puisse être, sous la table. Mais c'est l'échec d'Oslo. Lorsqu'elle a signé l'accord, l'OLP a commis l'erreur fondamentale de supposer que l'on pouvait enterrer la hache de guerre en réécrivant l'histoire. Elle a accepté comme point de départ qu'Israël avait le droit d'exister. Le problème, c'est que cela signifiait aussi, par extension, l'acceptation de la légitimité de la façon dont Israël a vu le jour. Comme les derniers troubles l'ont montré, les Palestiniens ordinaires ne sont pas prêts à suivre leurs dirigeants dans cet exploit d'amnésie intellectuelle.

L'autre prétention potentielle d'Israël à la légitimité, la reconnaissance internationale, est tout aussi douteuse. Les deux pactes qui scellèrent l'avenir de la Palestine furent tous deux conclus par la Grande-Bretagne.

Nous avons d'abord signé l'accord Sykes-Picot avec la France, s'engageant à partager le butin ottoman dans le Levant.

Un an plus tard, en 1917, la Déclaration Balfour promettait un foyer national pour le peuple juif. En vertu du droit international, la déclaration était nulle et non avenue puisque la Palestine n'appartenait pas à la Grande-Bretagne - en vertu du pacte de la Société des Nations, elle appartenait à la Turquie.
Au moment où l'ONU a accepté une résolution sur le partage de la Palestine en 1947, les Juifs constituaient 32 % de la population et possédaient 5,6 % des terres. En 1949, en grande partie grâce aux organisations paramilitaires telles que la Haganah, l'Irgoun et le gang Stern, Israël contrôlait 80% de la Palestine et 770.000 non-juifs avaient été expulsés de leur pays.


Telle est donc l'histoire des iniquités entourant sa propre naissance qu'Israël doit reconnaître pour que la paix ait une chance. Après des années de guerre, la paix vient du pardon, sans oublier ; les gens n'oublient jamais, mais ils ont une capacité extraordinaire de pardonner. Il suffit de regarder l'Afrique du Sud, qui a montré au monde qu'une vérité cathartique doit précéder la réconciliation.
Loin d'être une force de libération et de sécurité après des décennies de souffrance, l'idée qu'Israël est une sorte de droit de naissance religieux n'a fait qu'emprisonner les Juifs dans un cycle sans fin de conflits. La "promesse" engendre une arrogance qui institutionnalise l'infériorité des autres peuples et génère des atrocités contre eux avec une régularité alarmante. Il permet aux soldats de défier leur conscience et de faire sauter des écoliers désarmés. Elle donne lieu à une législation visant à empêcher l'acquisition de territoire par des non-juifs.

 

Plus important encore, cette promesse limite la capacité d'Israël à rechercher des modèles de coexistence fondés sur l'égalité et le respect des droits de l'homme. Un État fondé sur une légitimité aussi exclusive ne peut que concevoir la séparation comme une solution. Mais la séparation n'est pas la même chose qu'une paix durable ; elle ne fait que séparer les parties belligérantes. Elle ne guérit pas de vieilles blessures, et encore moins ne répare pas les torts historiques.
Cependant, enlever la droite biblique et soudainement la coexistence mutuelle, même une solution à un seul État, ne semble pas si farfelue. Le nom que prendra cette coexistence est moins important que le fait que les peuples ont pardonné et qu'une certaine mesure de justice a été rétablie. Les Juifs continueront à vivre en Terre Sainte - selon la promesse - sur un pied d'égalité avec ses autres habitants légitimes.

Si ce genre de reproche est à venir, Israël peut s'attendre à ce que les Palestiniens soient indulgents et magnanimes en retour. L'alternative est la guerre perpétuelle.

 

Faisal Bodi est un journaliste musulman.