Le 11 octobre 1947
Position des États-Unis sur la question palestinienne (1)

Déclaration de Herschel V. Johnson, représentant adjoint des États-Unis auprès des Nations Unies, 11 octobre 1947 (2)


1. Le problème du futur gouvernement
de Palestine confronte l'Assemblée générale des Nations Unies à une responsabilité lourde et complexe. L'Assemblée générale, ayant assumé la responsabilité de faire des recommandations au Royaume-Uni en la matière, doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour trouver une solution pratique conforme aux principes énoncés dans la Charte des Nations Unies.


2. La délégation des Etats-Unis estime que l'urgence du problème est telle que l'Assemblée générale doit recommander une solution à la présente session. Le degré d'urgence a été porté à notre attention par la persistance de la violence en Palestine, par le contexte du rapport du Comité spécial(3) et par la déclaration du délégué du Royaume-Uni concernant les recommandations du Comité et les futures responsabilités britanniques en Palestine.


3. Au cours des dernières semaines, ce Comité a bénéficié des
point de vues de plusieurs membres de ce Comité et a entendu des déclarations des représentants du Haut Comité arabe et de l'Agence juive pour la Palestine au nom des peuples principalement concernés. La délégation des Etats-Unis estime que cette discussion a été d'une aide matérielle et espère qu'elle se poursuivra sur la base la plus large possible.

4. Il convient de rappeler qu'à la suite de la Première Guerre mondiale, une grande partie du Proche-Orient, y compris la Palestine, a été libérée et un certain nombre d'États ont obtenu leur indépendance. Les Etats-Unis, ayant contribué par leur sang et leurs ressources à la victoire de cette guerre, estimaient qu'ils ne pouvaient se décharger d'une certaine responsabilité quant à la manière dont les territoires libérés étaient administrés, ni quant au sort des peuples libérés à cette époque. Elle était d'avis que ces peuples devaient être préparés à l'autonomie gouvernementale et qu'un foyer national pour les Juifs devait être établi en Palestine. Le Gouvernement des États-Unis entretient depuis longtemps des relations amicales avec les États indépendants qui ont été créés au Proche-Orient et note avec satisfaction que la plupart d'entre eux sont membres des Nations Unies et ont des représentants présents à cette réunion.

5. Il convient de rappeler, en ce qui concerne la Palestine, qu'en 1917, le Gouvernement du Royaume-Uni, dans la déclaration connue sous le nom de Déclaration Balfour, a annoncé qu'il considérait avec faveur l'établissement en Palestine d'un foyer national pour le peuple juif et qu'il ferait de son mieux pour faciliter la réalisation de cet objectif, étant clairement entendu que rien ne devrait être fait qui pourrait porter préjudice aux droits civils et religieux des communautés non juives existantes en Palestine ou aux droits et statut politique des Juifs dans tout autre pays. En 1923, les objectifs énoncés dans cette Déclaration ont été incorporés dans le mandat de la Société des Nations pour la Palestine qui a été confié au Gouvernement du Royaume-Uni à titre mandataire. Les États-Unis n'étant pas membres de la Société des Nations, une convention a été conclue entre les États-Unis et le Royaume-Uni en 1924 au sujet des droits américains en Palestine.

Le mandat de la Palestine est inscrit dans le préambule de la présente Convention. Les États-Unis ont consenti à ce mandat. Les membres de ce Comité sont conscients de la situation qui s'est ensuite développée en Palestine et des nombreux efforts qui ont été faits pour parvenir à un règlement. Nous sommes maintenant saisis d'un rapport du Comité spécial des Nations Unies sur la question de Palestine.

6. La délégation des États-Unis appuie les principes de base des recommandations unanimes et du plan majoritaire qui prévoit le partage et l'immigration. Elle est toutefois d'avis que certaines modifications et modifications devraient être apportées au plan majoritaire afin de donner plus précisément effet aux principes sur lesquels ce plan est fondé. Ma délégation estime que certaines modifications géographiques doivent être apportées. Par exemple, Jaffa devrait être inclus dans l'État arabe parce qu'il s'agit principalement d'une ville arabe.

Ma délégation suggère que l'Assemblée générale pourrait peut-être prévoir que tous les habitants de Palestine, quels que soient leur nationalité ou leur lieu de résidence, se voient garantir un accès non discriminatoire aux ports et aux installations hydrauliques et électriques ; que des garanties constitutionnelles, notamment des garanties concernant l'égalité des chances économiques, soient accordées aux Arabes et aux Juifs, et que les pouvoirs du Conseil économique conjoint soient renforcés. Toute solution que le Comité recommande devrait non seulement être juste, mais aussi réalisable et de nature à susciter l'approbation de l'opinion mondiale.

7. La délégation des États-Unis souhaite formuler certaines observations sur la mise en œuvre des recommandations que l'Assemblée générale pourrait formuler au sujet du futur gouvernement de la Palestine.

En inscrivant ce point à son ordre du jour, l'Assemblée générale ne s'est pas engagée à assumer la responsabilité de l'administration de la Palestine pendant le processus de transition vers l'indépendance. La responsabilité du gouvernement de Palestine incombe désormais au pouvoir mandataire. Toutefois, l'Assemblée générale ne s'acquitterait pas pleinement de son obligation si elle ne prenait pas soigneusement en compte le problème de l'application.

8. Tant le rapport majoritaire que la déclaration du représentant du Royaume-Uni au sein de cette Commission soulèvent le problème de la mise en œuvre des recommandations de l'Assemblée générale. Nous notons, par exemple, que le rapport de la majorité indique plusieurs points sur lesquels la majorité pense que l'ONU pourrait être utile. Il a été suggéré que l'Assemblée générale approuve certaines mesures pendant la période de transition, que l'Organisation des Nations Unies garantisse certains aspects du règlement concernant les lieux saints et les droits des minorités, que le Conseil économique et social nomme trois membres du Conseil économique mixte et que l'Organisation des Nations Unies accepte la responsabilité d'administrer la Ville de Jérusalem sous tutelle internationale.

9. Les États-Unis sont disposés à participer à un programme de l'ONU visant à aider les parties impliquées dans l'établissement d'un règlement politique viable en Palestine. Nous faisons référence à l'aide fournie par l'intermédiaire de l'ONU pour faire face aux problèmes économiques et financiers et au problème de l'ordre public interne pendant la période de transition. Ce dernier problème pourrait nécessiter la mise en place d'une force de gendarmerie ou de police spéciale recrutée sur une base volontaire par l'ONU. Nous ne parlons pas de la possibilité d'une violation par un membre de ses obligations de s'abstenir dans ses relations internationales de recourir à la menace ou à l'emploi de la force. Nous supposons qu'il y aura respect de la Charte.

10. En dernière analyse, c'est au peuple de Palestine qu'il appartient de résoudre le problème de la mise en œuvre de toute solution. Si l'on veut que les nouvelles institutions politiques perdurent, il faut qu'elles permettent à la population elle-même d'assumer rapidement la responsabilité de son propre ordre intérieur. Des actes de violence contre l'autorité constituée et contre des éléments rivaux de la population locale sont apparus en Palestine depuis de nombreuses années et ont considérablement accru les difficultés à trouver une solution viable à ce problème complexe. Certains éléments ont eu recours à la force et à la terreur pour atteindre leurs objectifs particuliers. Évidemment, cette violence doit cesser si l'on veut que l'indépendance soit plus qu'une phrase vide de sens en Terre Sainte.

11. Monsieur le Président, nous devons maintenant réfléchir à la façon dont le comité va passer à l'étape suivante dans le traitement de cette question. Si le comité est favorable aux principes du plan majoritaire, nous devrions établir un sous-comité pour élaborer les détails d'un programme que nous pourrions recommander à l'AG[Assemblée générale].

12. Les recommandations formulées par l'AG représenteront l'opinion collective mondiale. Jusqu'à présent, le problème n'a pas trouvé de solution parce que les parties, principalement intéressées, n'ont pas été en mesure de parvenir à une base d'accord. Il s'agit là d'un problème pour lequel l'opinion mondiale peut être la plus utile.

 

Notes :

(1) Bulletin du département d'État du 19 octobre 1947, p. 761-762. La question de Palestine a été portée à l'attention de l'Organisation des Nations Unies par le Gouvernement du Royaume-Uni dans une lettre datée du 2 avril 1947 adressée au Secrétaire général, dans laquelle celui-ci priait le Secrétaire général d'inscrire la question de Palestine à l'ordre du jour de l'Assemblée générale à sa prochaine session ordinaire. Retour

(2) Déclaration faite à la réunion du Comité ad hoc sur la Palestine de l'Assemblée générale le 111 octobre 1947, et remise à la presse par la Mission des États-Unis auprès de l'Organisation des Nations Unies le même jour. Herschel V. Johnson était le représentant adjoint des États-Unis auprès des Nations Unies. Retour

(3) Pour les recommandations de ce rapport (UN Doc. A/364, 3 septembre 1947), voir Bulletin du Département d'État du 21 septembre 1947, p. 546. Retour

 

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