L’affaire est pour certains le symbole de la barbarie israélienne.

Ibrahim Abu Turhaya est un palestinien de 29 ans qui a été abattu alors qu’il manifestait près du mur de séparation entre Gaza et Israël. La polémique prend vite de l’ampleur, car outre la mort d’un jeune homme, c’est une personne lourdement handicapée qui a été tuée. Le Hamas en fait un symbole et le célèbre. Le correspondant du journal Le Monde dresse un portrait et une description des faits  :

Ibrahim Abou Thouraïa est mort, et Gaza célèbre son nom. Sans le savoir, un soldat israélien a exaucé son vœu. Ce Palestinien de 29 ans rêvait depuis longtemps de mourir en martyr. De donner sa vie pour la cause palestinienne. Vendredi 15 décembre, il se trouvait une nouvelle fois en première ligne, à l’est de Shejaia, parmi des dizaines de jeunes venant défier les soldats israéliens, de l’autre côté de la clôture de sécurité. Une balle l’a atteint à la tête.

Après sa mort, il a suffi de quelques heures pour qu’Ibrahim Abou Thouraïa devienne une icône sur les réseaux sociaux, avec sa casquette et sa barbe noire drue. Montages photos, vidéos, dessins… Samedi, des milliers de personnes ont participé à ses funérailles. Ismaïl Haniyeh, le chef du bureau politique du Hamas, était l’un de ceux qui portaient le linceul. Les factions rivalisent d’ardeur pour revendiquer sa mémoire, alors qu’il n’avait jamais été encarté.

... Ses jambes étaient amputées au-dessus des genoux. Il ne représentait aucun danger. Il se déplaçait en chaise roulante. Dans la zone tampon accidentée près de la clôture, il avançait sur ses mains. Contre tout instinct d’auto-préservation, vendredi, il voulait jeter des pierres vers les soldats, le drapeau palestinien à la main.

dignement. « Vendredi matin, il nous a dit qu’il ne reviendrait pas, dit son frère Mohammed, 19 ans. Il a expliqué qu’il se sacrifierait pour Jérusalem et la Palestine. ... L’histoire insensée du jeune homme a permis de donner un visage aux protestations déclenchées le 6 décembre par la décision des États-Unis. Son père, Naïef Abou Thouraïa, le comprend. « Je suis fier que mon fils ait fait face aux Israéliens le torse bombé, et sans armes, dit-il. Il a donné sa vie pour Jérusalem. »

Ibrahim Abou Thouraïa voulait périr

...« Au début de la deuxième Intifada [2000], se souvient Naïef Abou Thouraïa, il n’avait que douze ans mais a participé à un rassemblement près d’Erez [point de passage vers Israël]. Il a été blessé au bras et à la jambe. Pourtant, six jours après, il était de retour sur place, et a été de nouveau atteint à une jambe. » Au total, son père recense cinq blessures par balles dans la vie de son fils, à défaut de diplômes. « Je lui ai souvent dit de ne pas sortir. Un jour, lorsque j’avais fermé la porte, il était parti par la fenêtre. Une autre fois, j’avais tenté de lui attacher les jambes. »

 

Abu Thurhaya, tué lors des émeutes contre Israël à la frontière de Gaza.

 

Le 11 avril 2008, Ibrahim Abou Thouraïa se trouve avec des amis à l’est du camp de réfugiés de Bourej, lors d’un raid aérien de l’armée israélienne. Un éclat lui cisaille les deux jambes, qui seront amputées... Ibrahim a 22 ans, sa vie se fera en fauteuil, avec une pension d’invalidité payée par l’Autorité palestinienne.

Ce drame ne va en rien refroidir sa détermination….1

Dans un communiqué ce 19 décembre 2017, le Haut commissaire des Nations unies Zeid Ra’ad Al-Hussein s’est dit «véritablement choqué» par sa mort.

Pour le chef de l’unité de Coordination des Activités Gouvernementales dans les Territoires (CAGT), le Major-général Yoav Mordechaï,

aucune information ne montrait qu’Ibrahim Abou Thouraya soit mort à cause d’un tir israélien. Il y a eu des affirmations mensongères concernant des tirs directs et délibérés supposés d’un tireur d’élite.

Pour l’armée israélienne, devant la violence "extrême" des manifestations auxquelles Ibrahim Abou Thouraïa prenait part, elle avait eu recouru à des moyens anti-émeutes censés être non-létaux, mais qu’elle avait aussi procédé à "quelques tirs contrôlés" à balles réelles contre les "principaux instigateurs".

il est impossible de déterminer si Abou Thouraya a été atteint par les moyens anti-émeutes ou ce qui a causé sa mort. Aucune faute morale ou professionnelle n’a été identifiée... l’armée a fait preuve de retenue dans l’usage de la force.

Des avertissements par haut-parleur ont été adressés aux émeutiers sur le danger de s’approcher de la barrière de sécurité. L’utilisation de tirs à balle réelle n’a lieu que lorsque les soldats sont en danger de mort ou en situation critique.

Ces émeutiers sont encouragés par l’organisation terroriste du Hamas. Le Hamas envoie des civils le long de la bordure de sécurité et incite à la violence contre les soldats de Tsahal. Toute tentative de destruction ou de franchissement de la barrière de sécurité est considérée comme une violation de la souveraineté israélienne.

 

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1 Piotr Smolar, 18/12/2017, A Gaza, un militant handicapé tué par l’armée israélienne devient le symbole des protestations