26 juillet 1956 Nationalisation du Canal de Suez

 

L'Egypte a construit de ses mains un canal dont les capitaux lui échappent. A partir de  1859, les six chantiers ouverts pour ce projet pharaonique de 160 kilomètres de long, 54 mètres de largeur et 8 mètres de profondeur vont employer 1,5 millions d'Egyptiens dont 125 000 mourront de Choléra. Agrandi le canal fait maintenant 194 kilomètres et sa largeur moyenne a été portée à 345 mètre.

Le canal de Suez cristallise les tensions depuis cinq ans.En 1951, le premier ministre égyptien Moustapha el-Nahhas Pacha avait dénoncé le traité anglo-égyptien.

De plus , Washington, Londres et la Banque mondiale refusent d'accorder une aide financière à l’Égypte pour construire le barrage d'Assouan. Nasser aurait alors dit: Eh bien nous financerons le barrage avec les revenus du Canal

Le barrage est vital pour l'Egypte, car il permettra l'irrigation de 840 000 hectares et abritera une centrale hydroélectrique d'importance. Seulement son cout s'élève à 1, 3 milliards de dollars.

 

« Le Royaume-Uni refuse de quitter ses bases du canal et renforce ses effectifs à terre à 64 000 hommes au 31 décembre 1951.Des émeutes violentes, actes de guérillas, sabotage de la part des Frères musulmans, communistes et police égyptienne envers les Britanniques et la répression de ces derniers feront des centaines de morts dont 405 militaires britanniques jusqu'au 19 octobre 1954 . Le retrait militaire britannique s'acheva en juillet 1956 avec la fin de la crise du canal de Suez. »1

L’Égypte expulse tous les 'conseillers occidentaux' et place maintenant ses amitiés de l'autre côté du rideau de fer.Le barrage sera construit entre 1960 et 1970 grâce aux fonds soviétiques.

Le 26 juillet 1956, Nasser annonce à Alexandrie, lors du discours anniversaire de la destitution du Roi Farouk qu'il nationalise la compagnie du Canal de Suez. Le patrimoine du Canal appartient alors à la Compagnie Universelle maritime du Canal de Suez dont les principaux actionnaires sont les anglais et les français. Il transfère ce patrimoine à  la Suez Canal Autorithy avant le terme à échoir du bail de 99 ans dont l'issue était 1968.

 

« Pour que de Lesseps se désiste de certains avantages, l’Egypte a payé des dommages; l'Angleterre a acheté des actions du Canal pour quatre millions de livres.

[…] Jusqu'à présent, elle se considère comme Compagnie internationale, c'est-à-dire un Etat dans l'Etat. Les différends qui surgissent entre la Compagnie et les autres institutions relèvent des tribunaux égyptiens, et l'amitié qui a régné lors du creusement du Canal a eu pour résultat l'occupation de l’Egypte en 1882.

L'Egypte a été obligée de vendre sa part qui a été achetée par l'Angleterre, et Ismail se désista des bénéfices de l'Egypte. Ainsi, les actions prises par l’Angleterre lui sont revenues sans aucun débours.

Voici les faits de l'histoire, et l'on s'aperçoit que les mêmes faits reviennent. L'histoire se répète; et il n'est pas possible, pour nous, que nous laissions cette histoire se répéter pour l’Egypte. Nous sommes tous là, aujourd'hui, pour mettre une fin absolue à ce sinistre passé et si nous nous tournons vers ce passé, c'est uniquement dans le but de le détruire. Nous ne permettrons pas que le Canal de Suez soit un État dans l’État.

Aujourd'hui, le Canal de Suez, est une société égyptienne, des fonds desquels l'Angleterre a pris 44 % de ses actions. L'Angleterre profite, jusqu'à présent des bénéfices de ces actions; le revenu de ce Canal en 1955 a été évalué à 35 millions de livres, soit 140 millions de dollars, desquels il nous revient un million de livres, soit 3 millions de dollars. La voici donc la société égyptienne qui a été créée pour l'intérêt de l’Égypte, tel que l'a déclaré le firman.

La pauvreté n'est pas une honte, mais c'est l'exploitation des peuples qui l'est.

Nous reprendrons tous nos droits, car tous ces fonds sont les nôtres, et ce canal est la propriété de l’Égypte. La Compagnie est une société anonyme égyptienne, et le canal a été creusé par 120.000 Égyptiens, qui ont trouvé la mort durant l'exécution des travaux. La Société du Canal de Suez à Paris ne cache qu'une pure exploitation. Eugène Black est venu en Égypte dans le même but que de Lesseps. Nous construirons le Haut-Barrage et nous obtiendrons tous les droits que nous avons perdus. Nous maintenons nos aspirations et nos désirs. Les 35 millions de livres que la Compagnie encaisse, nous les prendrons, nous, pour l’intérêt de l'Egypte.

Je vous le dis donc aujourd'hui, mes chers citoyens, qu'en construisant le Haut-Barrage, nous construirons une forteresse d'honneur et de gloire et nous démolissons l’humilité. Nous déclarons que l’Égypte en entier est un seul front, uni, et un bloc national inséparable. L’Égypte en entier luttera jusqu'à la dernière goutte de son sang, pour la construction du pays. Nous ne donnerons pas l’occasion aux pays d'occupation de pouvoir exécuter leurs plans, et nous construirons avec nos propres bras, nous construirons une Egypte forte, et c'est pourquoi j'assigne aujourd'hui l'accord du gouvernement sur l'étatisation de la Compagnie du Canal. »1

 

Voir le discours complet de Nasser

 

Le 12 août, Nasser refuse de participer à la conférence de Londres consacrée au problème de Suez et rejette le 29 le plan proposé par les Britanniques.

Le jeu d'alliance entre l’Égypte, la Syrie, l'Arabie Saoudite et la Jordanie d'une part, la France, la Grande-Bretagne et Israël d'autre part se met en place préparant l'affrontement de la Guerre du Sinaï qui débute le 29 octobre 1956.

 

 Expédition de Suez (dite aussi expédition franco-britannique)

 

 

Suite à la nationalisation, Israël ne peut plus utiliser le Canal.

De plus, l'Egypte renforce le blocus qu'elle impose sur le détroit de Tyran, seul accès à la mer rouge pour Israël.

Les incidents aux frontières sont légions et le Sinaï est utilisé comme base arrière d'opération pour l'Egypte dont le Raïs exprime dans des discours enflammés les intentions belliqueuses.

Dans son discours du 26 juillet, où il annonce la nationalisation du Canal, il dit par exemple :

« Aujourd'hui, nous avons l'occasion de poser les bases de la dignité et de la liberté et nous viserons toujours à l'avenir de consolider ces bases et de les rendre encore plus fortes et plus solides.

L'impérialisme a essayé par tous les moyens possibles de porter atteinte à notre nationalisme arabe. Il a essayé de nous disperser et de nous séparer et, pour cela, il a créé Israël, œuvre de l'impérialisme. »

 

Le 23 octobre 1956 : La Jordanie rejoint l’alliance formée par l’Égypte, la Syrie et l’Arabie saoudite.

 

Tandis que les Accords secrets de Sèvres (suite aux rencontres du 21 au 24 octobre) scellent l'alliance entre entre la France, la Grande-Bretagne et Israël :

 

« L'État hébreu attaquera l'Égypte le 29 octobre 1956 dans la soirée et foncera vers le canal de Suez. Profitant de cette agression « surprise », Londres et Paris lanceront le lendemain un ultimatum aux deux belligérants pour qu'ils se retirent de la zone du canal. Si l'Égypte ne se plie pas aux injonctions, les troupes franco-britanniques entreront en action le 31 octobre. »

Le protocole comporte sept points :

 

« 1- Les forces israéliennes lancent dans le 29 octobre 1956 , dans la soirée une opération d’envergure contre les forces égyptiennes, en vue d’atteindre le lendemain la zone du canal.

2 - Les gouvernements britannique et français constatent ces évènements adressent respectivement et simultanément dans le journée du 30 octobre 1956 au gouvernement égyptien et israélien les deux appels répondant aux lignes directrices suivantes :

 

A/ Au gouvernement égyptien :

a. Arrêter toute action de guerre.

b. Retirer toutes ses tro upes à la distance de

10 milles du canal

. c. Accepter l’occupation temporaire des positions clés sur le canal

par les forces anglo - française pour garantir la liberté du transit sur le canal par les navires de toutes Nations jusqu’à un règlement

 

B / Au gouvernement israélien :

a. Arrêter toute action de guerre.

b. Retirer toutes ses troupes à la distance de

10 milles à l’est du canal.

Par ailleurs le Gouvernement israélien sera informé de ce que les Gouvernements Français et Britannique ont demandé au Gouvernement égyptien d’accepter l’occupation temporaire des

positions clés sur le canal par les Forces anglo -

française. Il est entendu que si l’un des deux Gouvernements refusait, ou ne donnait pas son accord, dans un délai de 12H, les Forces anglo - française interviendraient avec les moyens nécessaires pour que leurs demandes soient acceptées.

 

C/

- Les représentants des trois Gouvernements sont d’accord pour que le Gouvernement Israélien ne soit pas tenu d’accepter les clauses

de l’appel qui lui est adressé, dans le cas ou le Gouvernement égyptien n’accepterait pas celles de l’appel qui lui est adressé d’autre part.

3. Dans le cas ou le Gouvernement ÉGYPTIEN, n’aurait pas dans les délais fixés donné son accord aux clauses de l’appel qui lui a été adressé, les Forces anglo -française déclencheront le 31 octobre dans les premières heures de la matinée les opérations militaires contre les Forces égyptiennes.

4. Le Gouvernement Israélien enverra des Forces afin d’occuper la côté OUEST du Golfe d’AKABA, et le groupe des Iles TIRANE et SANAFIR pour assurer la liberté de navigation dans le golfe d’AKABA.

5. Israël s’engage à ne pas attaquer la JORDANIE pendant la période des opérations contre l’Égypte. Mais, au cas ou dans la même période la JORDANIE attaquerait Israël, le Gouvernement britannique s’engage à ne pas venir en aide à la JORDANIE. »

6. Les dispositions du présent PROTOCOLE doivent demeurer rigoureusement secrètes.

7. Elles entreront en vigueur après l’accord des trois Gouvernements

 

La partition est donc écrite. Israël doit attaquer l'Egypte en premier, , laissant le soin à la France et au Royaume-Uni d'intervenir ensuite,

 

Suite à la nationalisation du Canal de Suez, les français débarquent à Port-Saïd.

 

Le 29 octobre, l'opération mousquetaire conjointe est engagée par les Français, les Anglais et Israël contre l’Égypte.

A l'issue de cette guerre du Sinaï : 

- les Israéliens qui l'occupent sont sommés par l'ONU et les Américains d'évacuer le territoire égyptien. Ce qui est fait le 16 mars 1957.

- Israël retrouve les lignes d'armistice des accords de Rhodes de 1949. Après 50 jours, Sharm el-Cheik et la bande de Gaza sont remises à l’Égypte sous le contrôle de Casques bleus.

- Nasser accepte le libre passage des bateaux israéliens par le canal de Suez et la mer Rouge..

L'opération est habituellement considérée comme la dernière guerre coloniale (avec la guerre d'indépendance de l'Algérie).