...nous avons décrit, sous le titre de plan C, le meilleur plan de partition que nous avons pu élaborer.

La Taille de l'Etat juif proposé

...Toute solution acceptable devrait donc priver les Arabes du plus petit nombre possible des lieux auxquels ils attachent une valeur particulière, soit parce qu'ils sont leur foyer actuel, soit pour des raisons religieuses. En outre, les zones attribuées aux Juifs devraient être suffisamment étendues, fertiles et bien situées du point de vue des communications par mer et par terre pour permettre un développement économique intensif, et par conséquent un peuplement dense et rapide.....

 

Lire aussi le résumé complet du rapport de la commission en anglais et français (26 pages)

 

Les faits présentés dans notre rapport montrent que ces objectifs sont inconciliables. Si les Arabes doivent être privés du plus petit nombre possible de leurs foyers et si le plus petit nombre possible d'Arabes doivent être inclus dans l'État juif, comme l'exige notre mandat, l'État juif ne peut pas être un grand État, ni contenir des zones susceptibles de développement et de colonisation au sens que la Commission des mandats permanents avait manifestement en tête.

Ce fait à lui seul rend-il le plan impraticable ? Nous ne le pensons pas, tant que des dispositions pourront être prises pour la poursuite de l'immigration juive, sous contrôle, dans la plus grande partie des domaines que nous proposons de maintenir sous mandat britannique, et pour le développement de ces domaines en vue d'y installer des Juifs, également sous contrôle.

L'attitude des Arabes et de Juifs

Nous avons dit qu'à notre avis, il existe une hostilité profonde à toute forme de partition au sein de la population arabe de Palestine, et que nous sommes convaincus que le plan recommandé par la Commission royale entraînerait une rébellion générale qui ne pourrait être réprimée que par des mesures militaires sévères et peut-être prolongées. Mais quelle sera la réaction des Arabes au plan C que nous ne connaissons pas. Parmi les témoins officiels dont nous avons demandé l'avis sur le plan C peu avant de quitter la Palestine au début du mois d'août, on a estimé que, quel que soit le plan adopté, les Arabes y résisteraient avec violence.

...Malheureusement, aucun Arabe ne s'est présenté devant nous pour exprimer le point de vue arabe, et bien que le plan C exige des Arabes beaucoup moins de sacrifices que les autres plans que nous avons examinés, nous pensons que la seule conclusion prudente est que, tant que le plan C ne sera pas publié, il est impossible de dire quelle sera l'attitude des Arabes envers lui.

Les résolutions du vingtième Congrès sioniste à Zurich, en août 1937, comprennent les passages suivants -

Le Congrès rejette l'affirmation de la Commission royale d'enquête palestinienne1 selon laquelle le mandat s'est avéré irréalisable et exige son exécution. Le Congrès ordonne à l'Exécutif de résister à toute atteinte aux droits du peuple juif garantis internationalement par la Déclaration Balfour et le Mandat.

Le Congrès déclare que le plan de partition proposé par la Commission royale est inacceptable

La minorité arabe dans l'État juif

 La Commission royale a supposé que des dispositions seraient prises pour le transfert de la majeure partie de la population arabe de l'État juif, si nécessaire par contrainte dans le cadre d'un régime à convenir entre les deux États. Mais dans sa dépêche du 23 décembre 1937, votre prédécesseur a clairement indiqué que le gouvernement de Sa Majesté n'avait pas accepté la proposition de transfert obligatoire et qu'il nous était impossible de supposer que le problème des minorités serait résolu par un transfert volontaire de la population.

...il est impossible de tracer des frontières de manière à n'inclure aucun Arabe dans l'État juif.

 

 

Lire aussi l'article sur la commission royale PEEL

 

 

Défense

489. L'État juif du plan C, bien que petit, est compact et aussi facilement défendable que n'importe quel État dans lequel la Palestine pourrait être divisée. Mais les autorités militaires nous ont fait comprendre qu'aucune frontière à l'ouest du Jourdain n'offre une ligne stratégique satisfaisante, à en juger par les conditions de la guerre moderne. Le mieux que l'on puisse faire dans le cadre d'un plan de partition est de trouver une ligne tactiquement défendable contre les tirs de fusils et de mitrailleuses, et ce n'est que de ce point de vue que l'on peut considérer que la frontière du plan C offre une sécurité suffisante pour les zones proposées. La seule véritable sécurité pour toute zone de partition en Palestine est de vivre en paix et en amitié avec son voisin

Finances

C'est une difficulté majeure. Au chapitre XVIII, nous avons constaté qu'il était impossible, quelles que soient les frontières que nous puissions recommander, de créer un État arabe qui devrait être autonome

 Intérêts économiques

 ...nous avons dû abandonner l'idée d'une union douanière entre États indépendants comme solution aux problèmes financiers et économiques du partage.

...Si un État juif est créé, pleinement responsable de la politique d'immigration, le risque d'une dépression économique d'une gravité exceptionnelle en Palestine doit, à notre avis, être reconnu. Les mêmes témoins juifs ont fait valoir que, même ainsi, les dépressions ne durent pas éternellement et qu'il est raisonnable de s'attendre à ce que l'État juif retrouve finalement sa prospérité, comme d'autres pays l'ont fait, et qu'en tout état de cause, la communauté juive estimerait sans aucun doute que les avantages politiques l'emporteront sur les risques, aussi grands soient-ils. Du point de vue du Gouvernement de Sa Majesté, cependant, la question est de savoir si les risques pour la population arabe, pour l'administration des territoires sous mandat et pour le Gouvernement britannique en arrière-plan sont tels qu'il est déconseillé de procéder au partage.

...Et s'il est probable que la tendance économique générale de L’État juif sera à l'accroissement de la richesse et de la prospérité au fil du temps, les Arabes sont susceptibles de gagner plutôt que de perdre à long terme par une association économique étroite avec l'État juif.

L'accroissement de la population

Nous avons vu au chapitre III qu'en raison du taux anormalement élevé d'accroissement naturel de la population arabe sous administration obligatoire, on peut déjà dire que la situation économique de cette population sera menacée à l'avenir, à moins que l'une ou l'autre des évolutions suivantes ne se produise : une augmentation du niveau des cultures, permettant de maintenir une population plus importante sur la terre une augmentation de l'activité industrielle, offrant des possibilités d'emplois secondaires une limitation du nombre des familles ou une immigration. Dans le cadre de la partition, la situation économique de l'État arabe continuera d'être soumise aux mêmes conditions menaçantes. La possibilité de trouver un emploi secondaire dans l'État juif leur sera refusée ; et les chances d'améliorer le niveau de culture seront minces, car les fonds qui seraient nécessaires pour réaliser cette amélioration ne seront plus disponibles. Il n'est pas non plus probable que la taille de la famille soit limitée ou que le taux d'accroissement naturel de la population de l'État arabe soit réduit par une augmentation marquée du taux de mortalité due à une baisse sensible du niveau des services administratifs. Si, en effet, l'État arabe était obligé de compter entièrement sur ses propres ressources et qu'il n'y avait pas de migration, on pourrait s'attendre à ce que le taux de mortalité augmente en temps voulu en raison de la pression sur les moyens de subsistance.

...

Les conclusions suivantes se dégagent de ces observations

a) Il n'y a aucune raison de supposer que le taux élevé actuel d'accroissement naturel de la population musulmane diminuera dans l'État arabe après la partition, à moins que l'augmentation du taux de mortalité ne soit due à une famine positive.

b) En raison de cette augmentation continue de la population, la situation économique de l'État arabe, si elle était entièrement laissée à ses propres ressources, deviendrait de plus en plus grave avec le temps.

c) Il est donc d'autant plus nécessaire d'offrir des possibilités d'emplois supplémentaires à la population arabe excédentaire dans les territoires sous mandat.

d) Mais cet emploi ne peut être fourni en quantité suffisante que par l'importation de capitaux juifs, apportés par des immigrants juifs, dans les territoires sous mandat. Il est donc urgent pour les Arabes eux-mêmes que cette immigration soit autorisée, et même encouragée

...si nous devions nous en tenir strictement à notre mandat, nous n'aurions d'autre choix que de signaler que nous ne sommes pas en mesure de recommander des limites pour les zones proposées qui donneraient une perspective raisonnable de la création à terme d'États arabes et juifs autonomes. Mais nous ne pensons pas qu'il serait conforme à vos souhaits, ni à l'intérêt public, que nous terminions notre enquête par une conclusion purement négative. Nous proposons donc d'aller un peu plus loin, même si, ce faisant, nous dépassons d'un certain point notre mandat.

506. Nous suggérons donc que, plutôt que d'abandonner l'idée d'une partition tout à fait impraticable, le Gouvernement de Sa Majesté pourrait bien penser que, comme condition de la renonciation au mandat existant, qui ne doit pas être modifiée ultérieurement sans l'approbation de la Société des Nations, les États arabes et juifs proposés devraient être tenus de conclure une union douanière avec les territoires autorisés, selon les modalités suivantes -

(i) Le service des douanes pour l'ensemble de la Palestine devrait être administré par le gouvernement mandataire.

...Il resterait alors au gouvernement de Sa Majesté à examiner si, si le plan de partition que nous avons proposé leur paraît équitable et réalisable à d'autres égards, il vaut mieux accepter la responsabilité financière qu'il implique que de rejeter entièrement la partition en faveur d'une autre alternative.

...

S'il fallait un terme pour décrire la procédure constitutionnelle que nous avons suggérée, il pourrait s'agir du " fédéralisme économique " ; et c'était en fait le terme utilisé pour désigner un schéma similaire par un témoin juif qui avait fait une étude spéciale à ce sujet. Le même témoin, lorsqu'on lui a demandé pourquoi il ne se contentait pas que les États soient mis en place sous partition et ensuite laissés pour former une fédération économique s'ils le souhaitaient, a répondu : " Je suis convaincu... que ce serait une politique de suicide. La première chose qui se produirait inévitablement serait l'attraction de l'État arabe vers Damas et Bagdad plutôt que vers Jérusalem et Haïfa. C'est inévitable."

...

Nous sommes loin de vouloir entraver un mouvement vers une union plus étroite entre l'État arabe et les autres pays arabes, mais nous sommes convaincus que si cela devait se produire, il serait dans l'intérêt de l'État juif de faire en sorte qu'ils puissent être inclus dans le même cercle politique et économique. Il nous semble que l'un des avantages du plan que nous venons de proposer est que, si les perspectives politiques d'une telle évolution sont favorables, mais qu'il serait prudent d'agir avec prudence et d'encourager les parties à conclure un accord économique dans un premier temps, un tel arrangement sera beaucoup plus facile à réaliser si les régions comprenant la Palestine et la Jordanie sont déjà réunies dans une union douanière que si elles avaient été économiquement isolées. La critique qui a souvent été formulée à l'encontre de la partition, selon laquelle, considérée simplement comme une politique abstraite, elle est régressive, a de la force. Que le fédéralisme économique conduise finalement à une fédération politique, nous ne pouvons pas nous risquer à prophétiser ; mais qu'il le fasse ne serait pas tout à fait surprenant ; et nous pensons qu'entre-temps les juifs et les arabes peuvent être disposés, après la lutte lasse et âpre de l'année passée, à envisager avec une certaine faveur un plan qui prévoit que, dans un sens au moins, la Palestine restera entière et sans division, même sous la seule forme d'une union douanière et d'un système commun de communications.

CONCLUSION

509. Nous pouvons maintenant résumer la situation. La question de savoir si la partition est praticable implique deux types de considérations : pratiques et politiques.

Les premières concernent principalement les finances et l'économie ; les difficultés administratives sont grandes, mais elles ne peuvent être qualifiées d'insurmontables, si la volonté de trouver une solution est présente. Mais les difficultés financières et économiques, telles que décrites dans ce chapitre, sont d'une nature telle que nous ne pouvons trouver aucun moyen possible de les surmonter dans le cadre de notre mandat. Plutôt que de signaler que nous n'avons pas élaboré de plan réalisable, nous avons proposé, au paragraphe 506, une modification de la partition qui, tout en jouissant d'une autonomie fiscale par rapport aux États arabes et juifs, nous semble, sous certaines réserves, constituer une base de règlement satisfaisante, si le Gouvernement de Sa Majesté est prêt à accepter la très lourde responsabilité financière en jeu.

Il reste les difficultés politiques. Nous ne pouvons ignorer la possibilité que l'une ou l'autre des parties ou les deux puissent refuser d'opérer la partition dans n'importe quelles conditions. Il n'est pas de notre devoir, en tant que Commission d'établissement des faits, de donner des conseils sur ce qui devrait être fait dans ce cas. Mais il est toujours possible que les deux parties soient prêtes à accepter un compromis raisonnable. Nous ne pouvons pas être sûrs que cela se produira, mais nous avons présenté les propositions de ce chapitre dans l'espoir qu'elles puissent servir de base à un règlement par la négociation.