Le Plan Bevin est proposé suite au rejet du plan Morrisson - Grady, par le ministre britannique des affaires étrangères Ernest Bevin. Ce plan là aussi est rejeté.

Son rejet est à l'origine de la décision de la grande-Bretagne de s'en remettre à l'ONU pour le futur du la Palestine.

L'AG de l'ONU votera le 29 novembre 1947 la résolution n°181 qui propose un plan de Partage de la Palestine.

 

Plan Bevin

1946 – 1947

Source : Propositions pour l'avenir de la Palestine - juillet 1946-février 1947, Cmd. 7044

 

Propositions soumises par la Délégation britannique à la Conférence sur la Palestine le 7 février 1947, et également communiquées aux représentants de l'Agence juive.

1. L'article 2 du Mandat pour la Palestine définit les responsabilités du Pouvoir Mandataire dans les termes suivants :

(a) Placer le pays " dans des conditions politiques, administratives et économiques propres à assurer l'établissement du foyer national juif, comme le prévoit le préambule ".

b) Placer le pays dans des conditions propres à "assurer le développement d'institutions autonomes".

c) Sauvegarder les droits civils et religieux de tous les habitants de Palestine, sans distinction de race ou de religion.


L'article 6 du Mandat, qui traite de l'immigration juive et de l'établissement des Juifs sur le territoire, se lit en partie comme suit : "L'Administration de la Palestine, tout en veillant à ce que les droits et la situation des autres groupes de la population ne soient pas lésés, facilite l'immigration juive dans des conditions appropriées".

2. Au cours des vingt-cinq dernières années, des efforts ont été faits par le Gouvernement Mandataire pour associer la population du pays à son Administration, mais ces efforts ont toujours été vains parce qu'il n'a pas été possible de trouver une base de coopération acceptable tant pour les Arabes que pour les Juifs. Il n'a donc pas été possible de mettre en place des institutions politiques menant à l'autonomie gouvernementale.

3. L'heure est venue où le développement vers l'autonomie gouvernementale ne peut plus être retardée. Tant que le gouvernement est imposé de l'extérieur, ni l'une ni l'autre communauté n'est incitée à développer ce sens des responsabilités sans lequel les deux peuples de Palestine ne peuvent vivre ensemble en harmonie. Il faut donc mettre en place des formes de gouvernement qui ont leurs racines dans la population du pays et qui offrent une perspective de pleine indépendance dans un délai raisonnablement court.

4. A cette fin, il est proposé que la population du pays se voie confier une large part de responsabilité dans les affaires locales et soit associée au gouvernement central dès que la nouvelle politique sera mise en œuvre ; que la participation britannique au gouvernement ne continue pas plus longtemps que nécessaire pour assurer la transition de la tutelle à l'indépendance complète ; et qu'un délai précis soit fixé pour cette période transitoire. La période suggérée est de cinq ans. En d'autres termes, il est proposé que le Gouvernement de Sa Majesté administre une tutelle de cinq ans sur la Palestine, dans le but déclaré de préparer le pays à son indépendance.

5. En vertu de ces propositions, le gouvernement de Sa Majesté s'acquitterait des obligations qui lui incombe déjà en vertu du mandat. Dans le même temps, il attend avec impatience la dissolution anticipée du Fonds et agiront en pleine conformité avec les dispositions de l'Article 76 de la Charte des Nations Unies.i

S'il ressortait des discussions actuelles que le lancement d'une telle politique nécessite l'assentiment substantiel des deux communautés de Palestine, des dispositions provisoires en harmonie avec cette politique pourraient sans aucun doute être prises avant son approbation officielle par les Nations Unies.

6. Les caractéristiques essentielles de l'accord de tutelle proposé sont décrites dans les paragraphes qui suivent.

 

Gouvernement local

7. Les zones d'administration locale seraient délimitées de manière à inclure dans chacune d'elles une majorité substantielle d'Arabes ou de Juifs. Le gouvernement central déléguerait aux administrations locales un large éventail de pouvoirs, législatifs, administratifs et financiers, y compris une partie de la responsabilité de la police.

Comme les limites administratives locales n'auraient pas le caractère de frontières d'Etat, il ne s'ensuivrait pas nécessairement que tous les territoires arabes ou juifs devraient être contigus.


8. Les droits de la population juive dans les régions arabes et ceux de la population arabe dans les régions juives seront protégés. Les droits de ces minorités incluraient : a) une représentation adéquate dans les assemblées législatives locales ; b) une proportion raisonnable de postes dans l'administration locale ; c) la liberté de pratique religieuse conformément au statu quo, y compris le maintien de tribunaux religieux distincts pour les questions de statut personnel ; d) le droit de maintenir leurs propres établissements d'enseignement ; e) le droit d'utiliser leur propre langue dans leurs communications avec l'administration et devant les tribunaux judiciaires.

Il incomberait tout particulièrement au Haut-Commissaire d'assurer le maintien de ces droits.

Immigration

9. La délégation britannique ne peut accepter l'affirmation des représentants de l'Agence juive selon laquelle le taux d'immigration juive en Palestine dans son ensemble devrait être déterminé par les seuls Juifs. Ils ne peuvent pas non plus accepter l'exigence des délégations arabes que toute immigration juive en Palestine cesse immédiatement. Ils n'envisagent ni un établissement qui mettrait fin au développement du foyer national juif, ni l'admission d'immigrants juifs sans tenir compte de l'effet de leur entrée sur les droits et la situation de la population du pays. Toute disposition prise en vue d'une future immigration juive doit reposer sur la prise en compte du bien-être de la Palestine dans son ensemble.

10. A cette fin, l'accord de tutelle prévoirait l'immigration juive, à raison de 4.000 par mois, pour une période de deux ans. Cela garantirait l'entrée d'environ 100 000 immigrants juifs supplémentaires. Pendant le reste de la période de tutelle, le maintien de l'immigration et le taux d'entrée seraient déterminés, compte dûment tenu du principe de la capacité d'absorption économique, par le Haut-Commissaire en consultation avec son Conseil consultatif ; en cas de désaccord, la décision finale reviendrait à un tribunal arbitral nommé par les Nations Unies.

Transferts de terres

11. Le contrôle des transferts de terres, y compris le pouvoir de modifier le règlement actuel sur les transferts de terres, serait conféré aux autorités locales.

Gouvernement central

12. Le Haut-Commissaire continuera d'exercer le pouvoir législatif et exécutif suprême. Il s'efforcerait toutefois de former un Conseil consultatif composé de représentants non seulement des administrations locales arabes et juives, mais aussi des syndicats et d'autres intérêts organisés. Malgré cette composition, il est probable que le vote au sein du Conseil consultatif aura d'abord tendance à suivre une ligne commune. Toutefois, étant donné que les fonctions du Conseil seront consultatives et non législatives, le Haut-Commissaire sera tenu d'accorder l'attention voulue aux vues des minorités. la conclusion de l'accord de tutelle, les membres juifs du Conseil consultatif remplaceront l'Agence juive pour la Palestine en tant que canal officiel de communication entre la communauté juive et le Haut Commissaire.

13. Pendant la période de tutelle, le Haut Commissaire introduira des Palestiniens dans son Conseil exécutif et augmentera progressivement la proportion de membres palestiniens dans ce Conseil.

14. Il serait du devoir du gouvernement central de stimuler le développement économique du pays par l'intermédiaire de conseils de développement comprenant à la fois des membres arabes et juifs.

15. Le Gouvernement central serait chargé de veiller à ce que les administrations locales prennent les dispositions voulues pour faire appliquer les taux du salaire minimum et les conditions de travail.

Résiliation de l'accord de tutelle

16. Au bout de quatre ans, une Assemblée constituante serait élue. Si la majorité des représentants juifs et la majorité des représentants arabes à l'Assemblée constituante parviennent à un accord, le Haut-Commissaire prendra immédiatement toutes les mesures nécessaires pour créer les institutions de l'État indépendant.

17. En cas de désaccord au sein de l'Assemblée constituante, les différents projets établis pour examen et le compte rendu de ses débats seront soumis au Conseil de tutelle qui sera chargé de donner son avis sur la procédure future.

Conclusion

18. Tout au long de la période de régime mandataire en Palestine, le Gouvernement de Sa Majesté a eu pour objectif de jeter les bases d'un État palestinien indépendant dans lequel les Arabes et les Juifs jouiraient de droits égaux.

L'état de tension entre les deux peuples qui a existé jusqu'à présent n'a cessé de contrecarrer les tentatives de la Puissance mandataire de progresser dans ce sens. Le gouvernement de Sa Majesté n'est pas prêt à continuer indéfiniment à gouverner la Palestine elle-même simplement parce que les Arabes et les Juifs ne peuvent s'entendre sur les moyens de partager son gouvernement entre eux. Les propositions contenues dans le présent Mémorandum visent à donner aux deux peuples l'occasion de démontrer leur capacité à travailler ensemble pour le bien de la Palestine dans son ensemble et à fournir ainsi une base stable à un État indépendant.

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i Article 76 de la charte des nations unies

Conformément aux buts des Nations Unies, énoncés à l'Article 1 de la présente Charte, les fins essentielles du régime de tutelle sont les suivantes :

a. affermir la paix et la sécurité internationales;

b. favoriser le progrès politique, économique et social des populations des territoires sous tutelle ainsi que le développement de leur instruction; favoriser également leur évolution progressive vers la capacité à s'administrer eux-mêmes ou l'indépendance, compte tenu des conditions particulières à chaque territoire et à ses populations, des aspirations librement exprimées des populations intéressées et des dispositions qui pourront être prévues dans chaque accord de tutelle;

  c. encourager le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion, et développer le sentiment de l'interdépendance des peuples du monde;

  d. assurer l'égalité de traitement dans le domaine social, économique et commercial à tous les Membres de l'Organisation et à leurs ressortissants; assurer de même à ces derniers l'égalité de traitement dans l'administration de la justice, sans porter préjudice à la réalisation des fins énoncées ci-dessus, et sous réserve des dispositions de l'Article 80.