Discours prononcé par le ministre soviétique des Affaires étrangères Andrei Gromyko devant le Conseil spécial de l'ONU Comité sur la Palestine (14 mai 1947)



(Documents A/307 et A/307/Corr.1) - http://unispal.un.org/UNISPAL.NSF/0/D41260F1132AD6BE052566190059E5F0

M. GROMYKO (Union des républiques socialistes soviétiques) (traduit du russe) : Le déroulement du débat, tant en séance plénière de l'Assemblée générale qu'à la Première Commission, a montré que la question palestinienne est devenue un problème politique aigu. Apparemment, cette opinion est partagée par toutes les délégations qui ont pris part à la discussion. Cette conclusion est corroborée par le fait même que cette question fait l'objet de discussions aux Nations Unies.

Toutefois, le fait que la question palestinienne soit devenue un sujet de discussion à l'Assemblée générale montre non seulement que la question est aiguë, mais impose également à l'ONU la responsabilité de sa solution. Ce fait nous oblige à étudier la question sous tous ses angles et nous devons être guidés par les buts et principes de notre Organisation et par les intérêts du maintien de la paix et de la sécurité internationale.

... nous ne pouvons manquer de noter, tout d'abord, le fait important que le système mandataire d'administration de la Palestine, établi en 1922, ne s'est pas justifié. Il n'a pas réussi le test.

...A cet égard, il convient de rappeler qu'en 1937, la Commission Peel britannique, après avoir étudié la situation en Palestine, a déclaré qu'il était impossible d'exécuter le mandat.

...Le fait même que le Gouvernement du Royaume-Uni ait lui-même soumis cette question à l'examen de l'Assemblée générale est extrêmement révélateur. Ce fait ne peut être considéré que comme un aveu qu'il est impossible que la situation actuelle en Palestine continue.

... la délégation de l'Union des républiques socialistes soviétiques juge essentiel, à cet égard, d'appeler l'attention de l'Assemblée générale sur l'importante situation suivante. L'expérience passée, en particulier au cours de la Seconde Guerre mondiale, montre qu'aucun État d'Europe occidentale n'a été en mesure de fournir une aide suffisante à l'assistance au peuple juif dans la défense de ses droits et de son existence même contre la violence des Hitlériens et de leurs alliés. C'est un fait désagréable, mais malheureusement, comme tous les autres faits, il faut l'admettre. Le fait qu'aucun Etat d'Europe occidentale n'ait été en mesure d'assurer la défense des droits élémentaires du peuple juif et de le protéger contre la violence des bourreaux fascistes explique les aspirations des juifs à établir leur propre Etat. Il serait injuste de ne pas en tenir compte et de nier le droit du peuple juif de réaliser cette aspiration. Il serait injustifiable de refuser ce droit au peuple juif, surtout au vu de tout ce qu'il a subi pendant la Seconde Guerre mondiale.

...Il est essentiel de garder à l'esprit le fait indiscutable que la population palestinienne est composée de deux peuples, les Arabes et les Juifs. Tous deux ont des racines historiques en Palestine. La Palestine est devenue la patrie de ces deux peuples, dont chacun joue un rôle important dans l'économie et la vie culturelle du pays.

... Une solution équitable ne peut être trouvée que si l'on tient suffisamment compte des intérêts légitimes de ces deux peuples. Tout cela conduit la délégation soviétique à la conclusion que les intérêts légitimes des populations juive et arabe de Palestine ne peuvent être dûment sauvegardés que par la création d'un Etat arabo-juif indépendant, double, démocratique et homogène. Un tel Etat doit être fondé sur l'égalité des droits des populations juive et arabe, ce qui pourrait jeter les bases d'une coopération entre ces deux peuples dans leur intérêt et avantage mutuel. Il est bien connu que ce plan pour la solution de l'avenir de la Palestine a ses partisans dans ce pays même.

...la solution du problème palestinien par la création d'un seul Etat arabo-juif avec des droits égaux pour les juifs et les arabes peut être considérée comme l'une des possibilités et l'une des méthodes les plus remarquables pour résoudre ce problème complexe. Une telle solution du problème de l'avenir de la Palestine pourrait constituer une base solide pour la coexistence pacifique et la coopération des populations arabe et juive de Palestine, dans l'intérêt de ces deux peuples et dans l'intérêt de l'ensemble de la population palestinienne et de la paix et de la prospérité de l'humanité de la sécurité au Proche-Orient.

Si ce plan s'avérait impossible à mettre en œuvre, compte tenu de la détérioration des relations entre les Juifs et les Arabes--et il sera très important de connaître l'avis du comité spécial sur cette question--alors il faudrait considérer le deuxième plan qui, comme le premier, a ses partisans en Palestine, et qui prévoit la partition de la Palestine en deux États autonomes indépendants, un juif et un arabe. Je répète qu'une telle solution du problème palestinien ne se justifierait que si les relations entre les populations juive et arabe de Palestine s'avéraient effectivement si mauvaises qu'il serait impossible de les réconcilier et d'assurer la coexistence pacifique des arabes et des juifs.

 

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