Le Chemin Qu'Il Faut Suivre à Présent

Abdallah II de Jordanie

 


in New York Times



AMMAN, Jordanie


De temps en temps, l'histoire connaît des moments de grand potentiel, où nous pouvons regarder avec espoir vers l'avenir, même lorsque nous avons connu la crise et l'incertitude. Dans le conflit arabo-israélien, il est possible qu'un tel moment soit tout simplement arrivé. Avec le triste décès de Yasser Arafat, les Palestiniens ont perdu un dirigeant qui a préservé pendant plus d'un demi-siècle leur espoir d'indépendance. Aujourd'hui, dans une partie du monde qui a vu trop couler de sang, une occasion est là d'honorer le meilleur de cet héritage, en prenant une nouvelle voie vers le progrès et la paix.


Aujourd'hui, le conflit arabo-israélien reste le défi central du monde. Israéliens et Palestiniens ont tous deux besoin de mettre fin à cette violence féroce. Besoin partagé par les millions de part le monde qui souffrent de ces dommages collatéraux caractérisés par une violence extrémiste persistante et un profond cynisme de la justice internationale.

En 2002, les pays arabes ont fait un grand pas en avant, en s'engageant vers une solution à deux états qui donnait des garanties de sécurité à Israël pour vivre en paix avec ses voisins ; une Palestine souveraine et démocratique ; et un processus qui conduise à un accord complet, ouvrant la voie vers les prochaines étapes, la Syrie et le Liban.

Cette solution de deux états reconnaît ce que moi-même et feu mon père, le Roi Hussein, avons défendu pendant longtemps. Pour que la paix soit durable, Israël doit être complètement intégré dans la région, qui va du Maroc au Yémen. Mais pour cela, il faut créer un état palestinien indépendant, dont le peuple serait enfin capable de vivre dans la dignité et l'espoir. Tant que cela n'arrive pas, il n'y aura aucune acceptation régionale d'Israël et aucune paix réelle.


En 2003, le parties se sont mises d'accord sur la feuille de route pour la paix. Les Etats-Unis et les huit principales nations industrialisées font aussi partie de ce comité. Mais le processus a été pris en otage par un cycle de violence continu. Maintenant, les événements apportent de nouvelles occasions. Une nouvelle direction palestinienne peut promouvoir la vision d'une Palestine viable et indépendante en apportant les réformes qu'implique un statut d'état : une gouvernance compétente, des investissements dans la protection sociale, la lutte contre la corruption, une sécurité plus stricte contre le terrorisme et un réel partenariat autour de la table de paix.


En Israël, le gouvernement peut renvoyer la feuille de route en commission et avancer rapidement pour se retirer de Gaza et prendre d'autres mesures pour construire la confiance, ce qui permettrait de réfuter l'accusation selon laquelle sa politique récente est faite dans l'intention de mettre de côté le processus de paix et de diviser encore plus les peuples de la région. Les deux parties peuvent maintenant faire les compromis qu'une paix complète et juste nécessite.


Tout aussi important, avec leur processus électoral qui a pris fin, les Etats-Unis peuvent maintenant se recentrer sur cette question critique. La démocratie la plus puissante du monde, la plus visible, a l'occasion d'envoyer un message fort au peuple de la région, surtout en direction de sa jeunesse - un message d'actions, pas de paroles. Cela veut dire respecter la promesse d'un Irak reconstruit, dépourvu de toute violence, démocratique et souverain. Et pour le cœur spirituel de la région cela veut dire conduire le processus de paix et insister pour que les deux côtés s'engagent dans un dialogue sincère et s'en tiennent à leurs engagements exposés dans la feuille de route - celle qui, selon le Président Bush, peut conduire à la création d'un état palestinien l'année prochaine.

Les Américains savent combien il est important de toucher le monde musulman. Dans l'après 11 septembre, les dirigeants américains ont plaidé pour que la guerre contre le terrorisme ne soit pas la guerre contre l'Islam. Ils ont reconnu l'engagement de l'Islam en faveur de la paix ainsi que la grande contribution des 1,2 milliards de Musulmans dans le monde. Ils ont appelé les peuples de toutes confessions à s'unir, et toutes les nations à rejoindre les Etats-Unis. Dans son combat.

Et pour de bonnes raisons. Nous ne pouvons pas gagner la guerre contre le terrorisme si nous n'agissons pas ensemble. Nous, les Musulmans, avons été les premières cibles des extrémistes, dont le but avéré était de renverser les gouvernements modérés et de mettre fin à la progression de la démocratie au sein de la société civile. Mon pays a joué un rôle significatif dans l'alliance globale contre le terrorisme, et de plus : nous avons conduit une initiative régionale de réformes et de développement afin de contrer les voix de la haine et du cynisme. Des rapports internationaux ont classé notre pays en première place dans la région pour les réformes d'éducation. En ce qui concerne l'économie, nous avons encouragé la croissance et les opportunités ; dans la vie publique, nous avons mis l'accent sur les droits de l'homme et la bonne gouvernance.

La vision de mon pays est une société moderne ancrée dans les valeurs arabo-islamiques. Le Coran enseigne : " Etre juste : vient juste après la piété. " En tant que descendant du prophète Mahomet, que la paix soit avec lui, je me suis engagé à me battre pour la tolérance et le progrès. Je crois que la voie jordanienne montre que le modèle arabo-islamique qu'elle a cultivé peut accomplir la naissance du développement, du combat contre l'extrémisme et fournir un nouvel espoir.


A la fin de la journée, le succès de la réforme régionale dépendra d'un engagement renouvelé en faveur de la paix et du progrès, soutenu par une Amérique courageuse. Cet accomplissement apportera une guérison globale. Il est possible qu'aujourd'hui, dans un moment constitué de perte et d'espoir, le temps soit venu pour cela.

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Traduit de l'anglais (américain) par Jean-François Goulon