Le président Trump entretient un suspens depuis plusieurs mois sur un plan de paix pour le proche-orient susceptible de régler le conflit israélo-palestinien. Sa conception en est confiées à son gendre Jared Kushner. Sa présentation est retardée à plusieurs reprises, notamment pour cause d'élection en Israël, et sans doute du fait de l'impréparation dudit plan. L'autorité palestinienne a refusé le plan a priori, avant même son élaboration. Elle marque ainsi son refus de considérer les États-Unis comme un interlocuteur valable, suite au transfert de son ambassade à Jérusalem en mai 2019.

La conférence s'ouvre à Bahreïn. Il s'agit de présenter le volet économique, qualifié de 'deal du siècle » par Donald Trump.

Les palestiniens n'y envoient aucun représentant et aucun officiel israélien n'est convié. Sept journalistes israéliens sont cependant accrédités par Washington. A l'initiative d'un journaliste du Times of Israël, un office est même célébré dans la synagogue de Manama en présence d'une quinzaine de fidèles

 Bahreïn est un émirat à majorité chiite dont le pouvoir, proche de Ryad est sunnite. Il s'oppose donc fortement à Téhéran ce qui le rapproche, toutes proportions gardées, d'Israël.

En mai 2018, une vingtaine de roquettes iraniennes avaient tirés sur Israël depuis la Syrie. Israël avait répliqué et le ministre bahreïni des Affaires étrangères, cheikh Khaled ben Ahmed Al-Khalifa, avait déclaré sur Twitter : « N’importe quel Etat, y compris Israël, a le droit de se défendre en détruisant les sources de danger ».

En Février 2019, un reportage de la Treizième chaîne avait indiqué que Manama avait informé Israël il y a plus de deux ans que le Bahreïn était intéressé par la normalisation de leurs relations le ministre des Affaires étrangères du Bahreïn Khalid bin Ahmed Al Khalifa avait aussi déclaré que son pays « finirait par » établir des relations diplomatiques avec l’Etat juif.

Avant même la conférence, Mahmoud Abbas déclare qu'il est certain que la conférence est vouée à l'échec. Au cours d'un essai de contre-conférence organisé à l'ONU, Il ajoute «  Nous ne serons ni les esclaves ni les serviteurs de (Jason) Greenblatt, (Jared) Kushner et (David) Friedman. Nous avons besoin de (soutien) économique, d’argent et d’aide, mais avant tout, il faut une solution politique .Nous ne pouvons accepter que l’Amérique transforme cette cause qui est politique en une cause économique

Finalement, Jared Kushner présente son plan à l’hôtel Four Seasons de Manama. Pour l'essentiel, il s'agit d'injecter 50 milliards de dollars dans l'économie de Gaza et de la Cisjordanie, pour doubler le PIB et créer un million d'emploi. Les fonds seraient acquis, une fois le cadre d'une paix fixé entre les beligérants.

Sa présentation powerpoint à la manière d'un chef d'entreprise prête à sourire. Les Palestiniens le jugent « incompétent », et ne veulent pas être « achetés ».

Kushner réplique :

« Tous les participants à cette réunion [de Bahreïn] ont estimé que ces réformes sont possibles...Les dirigeants palestiniens n'ont fait qu'accuser Israël et tout le monde d'être responsables des problèmes de leur peuple, alors qu'en fait tous s'accordent à penser que tout cela est faisable si leur gouvernement accepte ces réformes »1

Les termes choisis par Kushner dans ce document sont vivement critiqués. Pour le Times of Israël,

Le plan économique de l’Administration américaine pour améliorer l’économie palestinienne – la première étape d’un plan de paix en deux parties – compte de nombreuses phrases et expressions ronflantes qui permettent habilement de ne rien dire de spécifique : donner du pouvoir au peuple, débloquer du potentiel, améliorer la gouvernance et la capacité à lancer des programmes, et parle de cadre politique institutionnalisé pro-croissance.

Le document de 40 pages publié samedi, qui promet d’investir 50 milliards de dollars pour développer l’économie palestinienne – après l’aboutissement des négociations de paix avec les Israéliens – est le premier élément tangible des efforts de paix de l’administration Trump, après plus de deux ans de rencontres, de promesses et de retards.

Le plan choisit soigneusement d’éviter des termes comme « Palestine », « Etat », « solution à deux Etats », « Etat juif », « implantations », « occupation » ou « annexion ». Il mentionne Israël six fois, et seulement dans le contexte des pays voisins de la « Cisjordanie et de Gaza ». Le texte évite l’emploi de termes comme « Territoires palestiniens », et ne mentionne pas les zones A, B et C entre lesquelles la Cisjordanie est actuellement divisée, en respect des accords d’Oslo. 2

Des manifestations sont organisés dans le monde arabe contre cette conférence. C'est le cas au Maroc ou en Jordanie, où l'on scande « mort à Israël », ou « Non à la normalisation avec Israël » tout en brûlant des drapeaux israéliens. Israël reste le meilleur ennemi de la rue arabe. Pour l'Iran, le plan est une « grande trahison », comme il l'annonçait un mois avant le début de la conférence :

«Le but de cette conférence est de réaliser un plan traître et ignoble des Etats-Unis sur la Palestine», a dit le guide iranien lors de la prière de l'Aïd al-Fitr diffusée par la télévision d'Etat.

«"L'accord du siècle" est une grande trahison du monde islamique. Si Dieu le veut, il ne se concrétisera jamais. Nous espérons que les dirigeants de Bahreïn et d'Arabie saoudite se rendront compte du bourbier dans lequel ils se sont engagés »3

Le Hamas publie sur son site un communiqué déniant à quiconque le droit de représenter les Palestiniens.

« Les parties et les États réunis à Manama n’ont aucun droit ni mandat pour prendre des décisions au nom du peuple palestinien.

Par conséquent, toute résolution prise ou position adoptée à la conférence est nulle et non avenue et n’est pas l’émanation du peuple palestinien. De telles décisions ou positions ne sont que des tentatives désespérées de liquider la question palestinienne et n’ont rien à voir avec le peuple palestinien »

...le peuple palestinien ne capitulera ni ne cédera face aux pressions ou interventions, en particulier « l’accord du siècle » qui vise à liquider le problème palestinien.

...La conférence de Bahreïn est une étape alarmante et va à l’encontre des constantes et des positions des nations arabes. En effet, cela ouvre la voie à une nouvelle réalité extrêmement dangereuse pour la question palestinienne et pour toute la région.

La conférence s’efforce de transformer la cause palestinienne d’une question politique en une question humanitaire.

...Le Hamas réitère son rejet total et indéfectible « l’accord du siècle » et de la conférence de Bahreïn. Nous allons agir pour déjouer cette intrigue.

..La Palestine, toute la Palestine, nous appartient. »4

1Le Figaro, Falsh-actu, 26/06/2019

2Times of Israël

3Le Figaro, 05 juin 2019

4Publié et traduit par le site chronoiquePalestine.com

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