Quelque 300 000 Palestiniens vivent au Liban. Ils descendent pour la plupart de personnes ayant fui leur domicile il y a près de soixante ans à la suite de la création de l’État d’Israël et de la guerre israélo-arabe de 1948, ou sont eux-mêmes arrivés au Liban à cette période.

Constituant l’une des populations de réfugiés les plus anciennes du monde, ils se trouvent durablement dans une situation juridique précaire.

Ils n’ont pratiquement aucun espoir, dans un avenir proche, d’être autorisés à regagner leurs maisons et les terres qu’ils ont quittées, situées essentiellement dans ce qui est aujourd’hui Israël et, dans une bien moindre mesure, dans les territoires palestiniens occupés, bien que leur droit au retour soit explicitement reconnu par le droit international.

Ils sont par ailleurs soumis au Liban, pays hôte, à toute une série de restrictions qui les empêchent d’exercer pleinement leurs droits fondamentaux, alors que la plupart d’entre eux sont nés au Liban et y ont grandi.

Des milliers de ces réfugiés ont été de nouveau déplacés à l’intérieur du Liban. C’est le cas des 30 000 personnes qui ont subi le contrecoup des affrontements survenus dans le camp palestinien de Nahr el Bared entre mai et septembre 2007, entre le groupe armé Fatah al Islam et l’armée libanaise.

Le présent rapport (cf rapport complet ici) traite de la situation socioéconomique désastreuse de ces réfugiés, dont la plupart (environ 53 p. cent) vivent dans des camps misérables, ravagés par la guerre et délabrés. Depuis près de soixante ans, les gouvernements qui se sont succédé en Israël, au Liban et dans les autres pays de la région, ainsi que la communauté internationale dans son ensemble, n’ont ni respecté ni protégé les droits de ces réfugiés. Ils n’ont pas su trouver une issue juste et pérenne à leur situation déplorable.

La discrimination et la marginalisation infligées aux réfugiés palestiniens prennent notamment la forme de restrictions relatives au marché du travail, ce qui se traduit par un taux de chômage élevé, de bas salaires et de mauvaises conditions de travail. La pauvreté qui en résulte est exacerbée par les restrictions à l’accès à l’enseignement public et aux services sociaux. Le traitement discriminatoire infligé aux Palestiniens est en grande partie lié à leur statut d’apatrides, que les autorités libanaises utilisent pour leur refuser l’égalité des droits non seulement avec la population libanaise mais aussi avec d’autres résidents étrangers au Liban.

Les conflits et les violences que connaissent périodiquement le Liban et d’autres pays de la région ont rendu encore plus tragique le sort des réfugiés palestiniens au Liban. Citons la guerre civile libanaise de 1975 à 1990, l’invasion israélienne de 1982 suivie de l’occupation du sud du pays jusqu’en 2000 et le conflit entre Israël et le Hezbollah en 2006. Le sort tragique des réfugiés palestiniens au Liban a été mis en lumière au niveau international à partir du 20 mai 2007, date à laquelle des affrontements qui avaient éclaté à Tripoli, dans le nord du Liban, se sont étendus au camp voisin de Nahr el Bared. Les affrontements ont opposé à l’armée libanaise des membres du Fatah al Islam (groupe armé islamiste qui, après avoir pénétré dans le camp, y avait mis en place des positions armées).

Ces combats mettaient la population en danger. Au moins 23 civils palestiniens ont été tués et de très nombreux autres ont été blessés durant les douze premiers jours d’affrontements1, au cours desquels l’armée libanaise a procédé à des tirs d’artillerie lourde qui, dans certains cas, semblaient sans discrimination. Les combats ont duré quinze semaines, jusqu’au 2 septembre, date à laquelle les forces armées libanaises ont pris le contrôle du camp. Selon les autorités libanaises, ces affrontements ont coûté la vie à 166 soldats de l’armée libanaise et 220 combattants du Fatah al Islam. Quarante-deux civils au moins y auraient trouvé la mort. Le camp a été presque totalement détruit. En raison du conflit, environ 30 000 réfugiés palestiniens de Nahr el Bared ont été déplacés. La plupart d’entre eux ont été réinstallés au camp de réfugiés palestiniens de Baddaoui, à une quinzaine de kilomètres de là. Ils ont trouvé à se loger dans des écoles, des magasins désaffectés, des bâtiments abandonnés, ou dans les maisons des réfugiés déjà présents. Cette augmentation de la population du camp met à rude épreuve ses infrastructures.

Amnesty International constate que les autorités libanaises ont accueilli plusieurs centaines de milliers de réfugiés palestiniens. Elle est consciente du coût élevé qui en résulte pour le Liban sur différents plans, dont le plan économique. L’organisation reconnaît également que la responsabilité des souffrances des réfugiés palestiniens n’incombe pas au seul Liban mais aussi à la communauté internationale, qui a exclu les Palestiniens depuis presque soixante ans du système international mis en place pour protéger les réfugiés. Israël et la communauté internationale ne sont pas parvenus à trouver une solution appropriée, viable, durable et conforme au droit international, aux problèmes rencontrés par les millions de réfugiés palestiniens dispersés dans le monde.

Amnesty International constate aussi que le gouvernement libanais actuel s’est montré plus disposé que ceux qui l’avaient précédé à améliorer les conditions de vie des réfugiés palestiniens. En 2005, les autorités ont assoupli certaines des restrictions imposées aux réfugiés palestiniens, notamment en leur accordant la possibilité d’exercer un nombre plus important de métiers tout en précisant que quelques professions leur restaient interdites. Les autorités se sont également efforcées d’améliorer les conditions de logement des réfugiés et elles ont exprimé leur intention de trouver une solution pour les Palestiniens dépourvus de documents d’identité, dont la situation est particulièrement précaire. Ces réfugiés, au nombre de 3 000 à 5 000, ne sont inscrits ni auprès de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), ni auprès des autorités libanaises.