Dans une série de conférences données pour AKADEM, que l'on peut visionner avec les liens ci-dessous, les conférenciers dont Denis Charbit reviennent sur l'histoire du sionisme et d'Israël.

Le mouvement sioniste continue de diviser et les antisionistes sont légion, sans que leur motivations soient d'ailleurs toujours strictement politiques, loin de là.

Né à la fin du XIXe siècle, le mouvement sioniste a perduré et mené à la création de l''État d'Israël.

Pour certains, le mouvement n'a plus lieu d'être, Israël existant, pour d'autre c'est Israël qui n'a pas lieu d'être, car le nouvel État en 1948 est né sur les cendres de l'État palestinien qu'il y aurait du avoir.

Israël qui a des adversaires et s'ils concentrent aujourd'hui leurs critiques sur l'occupation de la Cisjordanie (des territoires disputés pour les israéliens) et le blocus conjoint de Gaza, ils considèrent généralement que l'État d'Israël est né de la volonté des puissances impérialistes et colonialistes de l'époque, déclaration Balfour et plan de partage à l'appui.

A l'inverse, Israël est considérée comme une nation-refuge pour les survivants de la Shoah. La réalité est plus complexe que cela. Les historiens, loin des débats passionnés, nous permettent de lire le fil de l'histoire plus sereinement.

 

Liens vers les conférences d'Akadem :

L'histoire vraie du sionisme, par Denis CHARBIT
 
 

 

Les autres conférences sur le sionisme sont en lien ci-dessous :

 

 
Du rêve à la réalité
 

 

De la Shoah à l'Etat d'Israël
 
 

 

 
Du prophétisme au sionisme
 

 

Du laïc au religieux
 
 

 

 
De la diaspora au multiculturalisme
 

 

D'une guerre à l'autre
 
 

 

 
De l'antisémitisme à l'antisionisme
 

 

De la guerre à la paix
 
 

 

 
De la Bible à la littérature
 

 

D'Israël aux Nations
 
 
 



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Le sionisme avant le sionisme (13 mn)

En général lorsqu'on lit des ouvrages sur le sionisme, on a droit à un découpage historique. On va parler des premiers sionistes, de Herz, des différents courants sionistes, et en général on s'arrête avec la création de l'État d'Israël.

Je voudrai proposer un autre découpage,, une autre manière d'aborder ce sujet passionnant. Je voudrais finalement réfléchir sur le projet sioniste comme un projet à cinq volets :

le premier c'est le volet territorial, il n'y a pas de projet sioniste sans l'idée d'un territoire pour les juifs.

Le deuxième volet c'est qu'il n'y a pas de sionisme sans nation, sans nation juive.

Le troisième volet que nous aborderons tourne autour du politique,il n'ya a pas de sionisme sans la construction d'un État qui va s'appeler à partir de 1948, l'État d'Israël.

Enfin, il n'y a pas de sionisme sans un projet linguistique et culturel qui est lié à la renaissance éclatante de l'hébreu, l'hébreu comme langue moderne, comme langue quotidienne, comme langue matérielle.

Et enfin le dernier volet est un volet humanitaire. Il n'y a pas de sionisme sans le rassemblement des exilés, sans le rassemblement des enfants de la diaspora vers l'État d'Israël

Voila les cinq dimensions sans lesquelles il n'y a pas de sionisme.

A partir de là, il peut y avoir différentes versions, mais ces différentes versions touchent toutes au terrtoire, à l'Etat , à la culture e à la langue et à ce projet de rassemblement des exilés.

Voilà le cadre.

Nous allons réfléchir sur quelques éléments fondamentaux et à commencer par le nom, sionisme. Et je trouve que dans le nom même qui a été donné, et je préciserai qu'il a été donné en 1890 par un sioniste de l'époque qui s'appelait Nathan Birnbaum qui a forgé le mot Zionismus. Et pourquoi je voudrais commencer une réflexions sur le mot même de sionisme parce qu'il me parait refléter cet alliage très particulier qui est à l'oeuvre dans le sionisme entre ce qu'on dirait facilement, clairement, l'ancien et le nouveau. Pourquoi ? Parce que dans le sionisme, vous avez très clairement ce préfixe de Sion et Sion est une référence géographique et culturelle dans la littérature biblique. Sion c'est le nom de Jérusalem quand on le considère de l'extérieur. Et n'oublions pas de ce point de vue là que le sionisme est une idée qui est née en diaspora, elle n'est pas née dans le Ychouv, dans la communauté juive de Palestine, elle est née en diaspora d'où le nom de Sion, donc une référence à cette antiquité là du rapport des juifs à cette terre. Et puis le suffixe -isme, suffixe par excellence de la modernité, avec notamment des idéologies politiques. Et c'est vrai que de ce point de vue là le sionisme c'est l'alliance en un seul terme d'une référence ancienne et d'une référence nouvelle, d'une référence à un lieu et d'une référence à quelque chose de l'ordre de l'idée et du politique. Et celq concentre en un seul mot toutes tensions, toutes les contradiction, tous les paradoxes, toutes les nuances qu'on va trouver derrière tous ceux qui se sont réclamés dans le passé, dans le présent, et dans le futur, de ce mot auberge judeo-espagnol, si vous voulez, qu'est le sionisme.

 

Alors, il faut bien comprendre le sionisme émerge comme solution politique à la question juive mais ce n'est pas la première solution qui apparait. Il y a en deux autres. Le sionisme s'inscrit dans ce terrain là, déjà balisé par deux autres solutions politiques à la question juive qui vont être embrassées par l'ensemble des juifs tant en Europe centrale et orientale qu'en Europe occidentale.

 

C'est d'une part l'émancipation. L'émancipation est la première solution politique à s'être proposée au bon vouloir des Juifs. Ça commence en 1791 avec l'émancipation des Juifs et c'est l'idée que les Juifs sont les citoyens des pays dans lesquels ils vivent, remplissent leur devoir religieux comme ils l'entendent , comme une affaire qui relève de la conscience privée. Mais ils n'existent pas comme entité collective. Je fait référence à la fameuse phrase de Clermont-tonnerre lors des débats sur l'émancipation à l'Assemblée Nationale : "tous les droits aux Juifs comme individu, aucun droits comme Nation", Comme nation, c'est à dire comme collectivité excepté l'idée de communauté religieuse. Bien entendu selon les principes de la tolérance, ils peuvent continuer d'exister comme communauté confessionnelle.

La deuxième solution politique qui s'ouvre aux Juifs c'est la révolution : C'est notamment le cas en Russie Tsariste, où on estime qu'après les persécutions, après les pogroms des années 1880 qui continuent également par la suite, après les mesures vexatoires et discriminatoires contre les Juifs, c'est pas émigrer qu'il faut faire comme le font beaucoup de Juifs, près de deux à trois millions de Juifs le font à cette époque, ce qu'il faut c'est rester en Russie et adhérer au programme de la révolution socialiste. Les Juifs vont se retrouver dans tous les courants de cette révolution. Vous allez trouver des Juifs parmi les anarchistes, parmi les trotskystes, parmi les léninistes, les communistes, les socialistes, la SPD en Allemagne à Leon Blum en France.

Voila la deuxième solution est l'idée d'adhérer à un mouvement révolutionnaire qui par la question sociale va résoudre la question juive. Et le sionisme s'intègre comme troisième solution. Cette troisième solution c'est le regroupement des Juifs en terre d'Israël et la création d'un État.

A coté de ces trois solutions, vous avez bien entendu le bloc massif encore à cette e époque là ceux qui pensent que les Juifs doivent rester dans un strict respect de la tradition, et cette tradition implique, exige d'attendre que Dieu intervienne pour résoudre en quelque sorte la question juive par le messianisme.

ous distinguons en général, avant de parler de sionisme proprement dit, nous évoquons en général ce que l'on appelle les protosionismes, mot un peu barbare qui désigne tout simplement ceux qui étaient sionistes avant que le mot existe, avant que le mouvement soit constitué, comment des premiers auteurs ont pensé quelque chose qui était finalement tout à fait semblable, pour ne pas dire similaire et identique à ce qu'est le sionisme tel qu'on l'entend aujourd'hui et nous avons effectivement tout au long du XIXe siècle des personnalités plus ou moins connues, plus ou moins méconnues qui ont publié dans le contexte du XIXe siècle des écrits qui ont appelé à la renaissance et au rassemblement des Juifs sur la terre d'Israël. Par exemple, et sans les citer tous, Moses Hess écrit en 1862 un livre qui s'appelle Rome et Jérusalem parce qu'il est convaincu qu'après la renaissance italienne, la renaissance de Rome, le temps est venu de la renaissance de Jérusalem. Ce n'est pas un écrit politique, c'est un roman prenant la forme d'une correspondance, un échange de lettres, mais ou encore une fois cette idée que les Juifs doivent revenir en terre d'Israël est clairement affirmée. Seulement à cette époque là, au milieu du XIXe siècle, le monde juif, surtout en Europe, est dans une épopée absolument extraordinaire qui est celle de l'émancipation. Depuis 1791, depuis l'émancipation des Juifs, tous les pays d'Europe, occidentale, centrale et orientale à l'exception de la Russie, vont accorder l'émancipation aux Juifs. Et donc comme quelqu'un comme Moses Hess, aussi réputé soit-il écrit 'Rome et Jérusalem', ça tombe dans l'oreille d'un sourd, ça ne suscite aucun écho particulier parce que l'époque ne s'y prête pas.

Mais en revanche au début des années 1880, commence à surgir en europe centrale et orientale, mais aussi occidentale, ce mouvement qu'on va caractériser là aussi par un mot nouveau qu'est celui d'antisémitisme, cette ère radieuse, ce paradis heureux des Juifs qui enfin après des siècles de persécution ou de marginalisation vont trouver enfin leur place dans la société. Quand on est dans ce surgissement de l'histoire, dans cet antisémitisme qui n'est plus l'antijudaïsme traditionnel même s'il s'appuie en partie sur lui, des personnalités qui vont aller dans cette idée qu'il faudrait recréer une patrie pour les Juifs vont trouver un écho. Et cet écho va être renvoyé de façon assez significative par Leon Pinsker en 1891, dans un opuscule dont le titre est 'auto-émancipation'. Pinsker va être le premier à dire qu'il faut rassembler les Juifs. On parle de proto-sionisme parce qu'il ne dit pas que cela doit être en Terre d'Israël. Il dit que si elle est disponible, alors tant mieux, mais à défaut, tant pis, il faut que les Juifs aient une patrie.

Il faut aussi mentionner l'apparition de Rabbins, le rabbin Kalisher et le rabbin Alkelai, qui eux aussi font des comptes messianiques et considèrent que le temps est venu pour ce rassemblement des Juifs sur la Terre d'Israël. Ils ne parlent pas d'État,mais ils ont la conviction cette conviction que l'heure est propice à une transformation de la condition juive à la lumière de la tradition et c'est très important parce que la réaction de beaucoup de religieux à cette époque là sera réservée pour ne pas dire hostile. Eh bien ce sont eux aussi les premiers dans leur contexte à avoir conçu que l'on concilier ce rassemblement des juifs en terre d'Israël avec le respect du à la tradition.

Voila ce qui se passe dans cette période là de la deuxième moitié du XIXe siècle et tout ceci va aboutir au milieu des années 90 avec l'apparition et le surgissement de Théodor Herzl, qui est un juriste, mais qui est surtout connu comme dramaturge et feuilletoniste à Vienne, et qui est correspondant de son quotidien viennois à Paris et va assister à l'affaire Dreyfus. Il a quitté Vienne parce qu'on a procédé à des élections municipales pour la première fois dans l'empire Austro-Hongrois et que le Maire qui gagne [Karl Lueger ], le premier maire qui gagne les élections de Vienne est un maire antisémite. Herzl dit qu'il y a quelque chose qui ne va pas. A Vienne c'est un maire antisémite qui a été élu, et il va à Paris pensant qu'en allant dans la patrie de l'émancipation, au moins la question de l'antisémitisme ne pose plus. Et il va découvrir qu'avec l'affaire Dreyfus, elle se pose. Herzl va écrire l'État des Juifs, qui est au sionisme ce que le manifeste du parti communisme de Karl Marx et d'Engels est au communisme, un petit livre dans lesquel il va dresser le plan : Comment on va aboutir, pourquoi l'État des Juifs est une nécessité objective, pas simplement un désir culturel ou religieux. C'est une nécessité politique objective et surtout comment procéder pour y arriver.

Quand Herzl va publier son livre, il va susciter de l'écho. Un peu partout. Pas une majorité, ce n'est pas le livre que tous les juifs attendaient mais le livre suscite un peu partout de l'intérêt. Donc il décide, car c'est un homme de théâtre, de rassembler le premier parlement juif de l'histoire moderne, le premier congrès sioniste [ 1897 ] où vont venir des délégations de nombreux pays d'Europe, d'Algérie et des États-Unis, pour comprendre ce qui se cache derrière cette idée d'un État des Juifs. C'est ainsi qu'est lancé ce premier mouvement politique, qui s'appellera par la suite l'organisation sioniste mondiale.