Voir aussi :

Stèle de Merenptah : - 1210 (texte et commentaire)
Stèle de Tel Dan : environ -900 -800 (texte commenté)

 

- 850 ; Stèle de Mesha 

Stèle de basalte découverte à Dhiban en Jordanie, en 1868 et sur laquelle est gravée une inscription remontant à l'époque du roi moabite Mesha (IXe siècle av. J.-C.). La stèle ne comporte pas de représentation figurée comme les autres stèles du proche-orient ancien.

La pierre, arrondie à son sommet, fait 124 cm de hauteur pour 71 cm de largeur et de profondeur. Elle a été découverte en août 1868 par le révérend F. A. Klein, missionnaire allemand à Jérusalem, sur le site de Dibon (Dhiban en Jordanie).

Le texte de trente-quatre lignes (l'inscription la plus longue découverte jusqu'à présent pour cette époque de l'ancienne Palestine), est écrit en moabite. Datée de 850 av. J.-C. environ, elle relate les victoires de Mesha au cours de sa révolte contre le royaume d'Israël qu'il entreprit après la mort de son suzerain Achab. Le nom d'Israël est mentionné six fois. Le roi d'Israël Omri est aussi mentionné, comme la tribu de Gad.

La stèle décrit :

Comment le royaume de Moab a été conquis par Omri, roi d'Israël, en conséquence de la colère du Dieu Kemoch. Les victoires de Mesha sur le fils d'Omri (dont le nom n'est pas mentionné) et sur les hommes de la tribu de Gad à Ataroth, Nebo et Jehaz.

Ses édifices publics, la restauration des fortifications, la construction d'un palais ainsi que de réservoirs d'eau.

Ses guerres contre les Horonaim.

 

Si l'on excepte quelques légères variations, par exemple -in pour -im dans les pluriels, le langage moabite de l'inscription est identique à la forme primitive de l'hébreu. L'alphabet moabite est le type phénicien le plus ancien de l'alphabet sémitique. La forme des lettres utilisées apporte des informations importantes et très intéressantes à propos de la formation de l'alphabet, ainsi que, incidemment, des arts pratiqués pendant cette période sur la terre de Moab.

La stèle est au Louvre, département des antiquités orientales (levant)

La stèle se présente aujourd’hui avec des manques importants, probablement disparus à jamais, complétés en plâtre grâce à l’estampage qui en a été effectué avant sa destruction partielle. La fin a disparu.

 

 



 

Texte

"Je suis Mesha, fils de Kamosh, roi de Moab, le Dibônite. Mon père a régné sur Moab pendant trente ans et moi je suis devenu roi après mon père. J’ai fait ce haut lieu pour Kamosh dans Qarhôh car il m’a sauvé de tous les rois et m’a fait jouir de la vue de tous mes ennemis.

Omri avait été roi d’Israël et il avait opprimé Moab pendant longtemps car Kamosh s’était mis en colère contre son pays. Son fils lui avait succédé, lui aussi : « J’opprimerai Moab ! »

De mon temps, il avait parlé ainsi mais j’ai joui de sa vue et de celle de sa dynastie : Israël a été anéanti à jamais ! Or Omri avait pris possession du pays de Madaba et l’avait colonisé de son temps et pendant la moitié du temps de ses fils : quarante ans, mais Kamosh l’a restitué de mon temps. J’ai rebâti Qiryaten. Les Gadiens avaient habité depuis toujours dans le pays d’Atarot et le roi d’Israël s’était bâti Atarot mais j’ai combattu contre la ville et l’ai prise ; j’en ai tué tous les gens et la ville appartint à Kamosh et à Moab ; j’en ai rapporté l’autel des holocaustes de leur dieu bien aimé et l’ai traîné devant Kamosh à Qeriyot. J’y ai installé des gens de Sharon et de Maharot. Kamosh m’a dit : « Va, prends Neboh sur Israël ! » et je suis allé de nuit. J’ai combattu contre elle depuis le lever de l’aube jusqu’à midi ; je l’ai prise et j’en ai tué tous les habitants, sept mille hommes et garçons, femmes et filles et même les femmes enceintes car je les avais vouées à Ashtar-Kamosh. Et j’y ai pris les autels des holocaustes de Yahvé et les ai traînés devant Kamosh.

Le roi d’Israël avait bâti Yahats et l’avait colonisée en combattant contre moi mais Kamosh l’a chassé devant moi. J’ai pris de Moab une troupe de deux cents hommes en tout, je les ai portés contre Yahats et l’ai prise pour l’annexer à Dibôn. C’est moi qui ai bâti Qarhôh, la muraille des parcs et la muraille de la citadelle. C’est moi qui ai bâti ses portes et c’est moi qui ai bâti ses tours. C’est moi qui ai bâti le palais royal et c’est moi qui ai fait les digues du réservoir pour les eaux de l’intérieur de la ville. Il n’y avait pas de citerne à l’intérieur de la ville à Qarhöh, alors j’ai dit à tous les gens : « Faites-vous chacun une citerne dans votre maison ! » Je fis creuser les fossés pour Qarhôh par les prisonniers d’Israël.

C’est moi qui ai bâti Aroër et c’est moi qui ai rebâti Bet Bamôt car elle était détruite. C’est moi qui ai rebâti Betser, car c’étaient des ruines avec cinquante hommes de Dibôn car tout Dibôn m’était soumis. C’est moi qui ai régné sur la centaine de villes que j’ai annexées au pays. C’est moi qui ai bâti le temple de Madaba et le temple de Diblaten et le temple de Baalmeôn et j’y ai érigé mes sanctuaires pour sacrifier le petit bétail du pays. Quant aux Hôronen, y habitait… et Kamosh m’a dit : « Descends, combats contre Hôronen ! » Et je suis descendu et j’ai combattu contre la ville et l’ai prise. Et Kamosh l’a restituée de mon temps et j’ai remonté de là dix…C’est moi qui…"
(traduction A. Lemaire, 1986)
1

C'est moi, Mesha, fils de Kamosh(gad), roi de Moab, le Dibonite. Mon père a régné trente ans sur Moab et moi, j'ai régné après mon père. J'ai construit ce sanctuaire pour Kamosh de Qerhoh, (sanctuaire) de salut car il m'a sauvé de tous les agresseurs et il m'a fait me réjouir de tous mes ennemis.

Omri fut roi d'Israël et opprima Moab pendant de longs jours, car Kamosh était irrité contre son pays. Son fils lui succéda et lui aussi il dit : "J'opprimerai Moab". De mes jours, il a parlé (ainsi), mais je me suis réjoui contre lui et contre sa maison. Israël a été ruiné à jamais. Omri s'était emparé du pays de Madaba et (Israël) y demeura pendant son règne et une partie du règne de son fils, à savoir quarante ans : mais de mon temps Kamosh l'a habité.

J'ai bâti Ba'al-Me'on et j'y fis le réservoir, et j'ai construit Qiryatan.

L'homme de Gad demeurait dans le pays d'"Atarot depuis longtemps, et le roi d'Israël avait construit "Atarot pour lui-même. J'attaquai la ville et je la pris. Je tuai tout le peuple de la ville pour réjouir Kamosh et Moab. J'emportai de là l'autel de Dodoh (ou bien Autel de David) et je le traînai devant la face de Kamosh à Qeriyot où je fis demeurer l'homme de Saron et celui de Maharot.

Et Kamosh me dit : "Va, prends Neboh à Israël". J'allai de nuit et je l'attaquai depuis le lever du jour jusqu'à midi. Je la pris et je tuai tout, à savoir sept mille hommes et garçons, femmes, filles et concubines parce que je les avais voués à "Ashtar-Kamosh. J'emportai de là les vases de Yahwé et je les traînai devant la face de Kamosh.

Le roi d'Israël avait bâti Yahas et il y demeura lors de sa campagne contre moi. Kamosh le chassa de devant moi. Je pris deux cents hommes de Moab, tous ses chefs, et j'attaquai Yahas et je la pris pour l'annexer à Dibon.

J'ai construit Qerhoh, le mur du parc et celui de l'acropole, j'ai construit ses portes et ses tours. J'ai bâti le palais royal et j'ai fait les murs de revêtement du réservoir pour les eaux, au milieu de la ville. Or, il n'y avait pas de citerne à l'intérieur de la ville, à Qerhoh, et je le dis à tout le peuple : "Faites- vous chacun une citerne dans votre maison". J'ai fait creuser les fossés (autour) de Qerhoh par les prisonniers d'Israël. J'ai construit Aro'er et j'ai fait la route de l'Arnon. J'ai construit Bet-Bamot, car elle était détruite. J'ai construit Bosor, car elle était en ruine, avec cinquante hommes de Dibon, car tout Dibon m'était soumis.

J'ai régné… cent avec les villes que j'ai ajoutées au pays. J'ai construit… Madaba, Bet-Diblatan et Bet-Ba'al-Me'on. J'ai élevé là…troupeaux du pays.

Et Horonan où demeurait… Et Kamosh me dit : "Descends et combats contre Horonan". J'allai (et je combattis contre la ville et je la pris ; et) Kamosh y (demeura) sous mon règne… de là… C'est moi qui…

 

Ce texte éclaire le contexte du conflit qui opposa Moab au royaume d'Israël, et qui est relaté en des termes très différents par le Deuxième livre des Rois (II Rois 3.4-27), dont la rédaction est en outre beaucoup plus tardive :

"Méscha, roi de Moab, possédait des troupeaux, et il payait au roi d’Israël un tribut de cent mille agneaux et de cent mille béliers avec leur laine. À la mort d’Achab, le roi de Moab se révolta contre le roi d’Israël. Le roi Joram sortit alors de Samarie, et passa en revue tout Israël. Il se mit en marche, et il fit dire à Josaphat, roi de Juda : Le roi de Moab s’est révolté contre moi ; veux-tu venir avec moi attaquer Moab ? Josaphat répondit : J’irai, moi comme toi, mon peuple comme ton peuple, mes chevaux comme tes chevaux. Et il dit : Par quel chemin monterons-nous ? Joram dit : Par le chemin du désert d’Édom. Le roi d’Israël, le roi de Juda et le roi d’Édom, partirent ; et après une marche de sept jours, ils manquèrent d’eau pour l’armée et pour les bêtes qui la suivaient. Alors le roi d’Israël dit : Hélas ! l’Éternel a appelé ces trois rois pour les livrer entre les mains de Moab.

Mais Josaphat dit : N’y a-t-il ici aucun prophète de l’Éternel, par qui nous puissions consulter l’Éternel ? L’un des serviteurs du roi d’Israël répondit : Il y a ici Élisée, fils de Schaphath, qui versait l’eau sur les mains d’Élie.

Et Josaphat dit : La parole de l’Éternel est avec lui. Le roi d’Israël, Josaphat et le roi d’Édom, descendirent auprès de lui. Élisée dit au roi d’Israël : Qu’y a-t-il entre moi et toi ? Va vers les prophètes de ton père et vers les prophètes de ta mère. Et le roi d’Israël lui dit : Non ! car l’Éternel a appelé ces trois rois pour les livrer entre les mains de Moab.

Élisée dit : L’Éternel des armées, dont je suis le serviteur, est vivant ! si je n’avais égard à Josaphat, roi de Juda, je ne ferais aucune attention à toi et je ne te regarderais pas. Maintenant, amenez-moi un joueur de harpe. Et comme le joueur de harpe jouait, la main de l’Éternel fut sur Élisée. Et il dit : Ainsi parle l’Éternel : Faites dans cette vallée des fosses, des fosses ! Car ainsi parle l’Éternel : Vous n’apercevrez point de vent et vous ne verrez point de pluie, et cette vallée se remplira d’eau, et vous boirez, vous, vos troupeaux et votre bétail. Mais cela est peu de chose aux yeux de l’Éternel. Il livrera Moab entre vos mains ; vous frapperez toutes les villes fortes et toutes les villes d’élite, vous abattrez tous les bons arbres, vous boucherez toutes les sources d’eau, et vous ruinerez avec des pierres tous les meilleurs champs.

Or le matin, au moment de la présentation de l’offrande, voici, l’eau arriva du chemin d’Édom, et le pays fut rempli d’eau. Cependant, tous les Moabites ayant appris que les rois montaient pour les attaquer, on convoqua tous ceux en âge de porter les armes et même au-dessus, et ils se tinrent sur la frontière. Ils se levèrent de bon matin, et quand le soleil brilla sur les eaux, les Moabites virent en face d’eux les eaux rouges comme du sang. Ils dirent : C’est du sang ! les rois ont tiré l’épée entre eux, ils se sont frappés les uns les autres ; maintenant, Moabites, au pillage ! Et ils marchèrent contre le camp d’Israël. Mais Israël se leva, et frappa Moab, qui prit la fuite devant eux.

Ils pénétrèrent dans le pays, et frappèrent Moab. Ils renversèrent les villes, ils jetèrent chacun des pierres dans tous les meilleurs champs et les en remplirent, ils bouchèrent toutes les sources d’eau, et ils abattirent tous les bons arbres ; et les frondeurs enveloppèrent et battirent Kir-Haréseth, dont on ne laissa que les pierres. Le roi de Moab, voyant qu’il avait le dessous dans le combat, prit avec lui sept cents hommes tirant l’épée pour se frayer un passage jusqu’au roi d’Édom ; mais ils ne purent pas.

Il prit alors son fils premier-né, qui devait régner à sa place, et il l’offrit en holocauste sur la muraille. Et une grande indignation s’empara d’Israël, qui s’éloigna du roi de Moab et retourna dans son pays."

 

Voir aussi l'article de wikipedia, très complet dont un paragraphe est reproduit ci-dessous :

Points controversés

La surface de la stèle est très érodée et beaucoup de lettres ne sont pas lues avec une certitude absolue. Bien que l'ensemble du texte ait fait l'objet d'un estampage avant sa dégradation, il y avait déjà des lacunes que les épigraphistes ont comblées avec des conjectures. C'est ainsi que, périodiquement, des spécialistes peuvent réexaminer le document et faire de nouvelles propositions.

Charles Bruston, épigraphiste et professeur de théologie à la faculté de Montauban est le premier chercheur français à en proposer une traduction.

 

En 1994, après avoir examiné au musée du Louvre la pierre ainsi que l'impression qui en avait été faite, l'épigraphiste André Lemaire rapporta que la ligne 31 de la stèle de Mesha contenait la phrase "la maison de David". Lemaire dut ajouter une lettre supplémentaire pour pallier la destruction de celle-ci, cette lettre étant le D de David. La ligne 31 complète pouvait alors être lue "Comme pour Horonen, ils vivaient dans la maison de [D]avid" וחורננ. ישב. בה. בת[ד]וד. La plupart des chercheurs confirmèrent qu'aucune autre lettre ne permettait d'apporter un autre sens possible à cette phrase. Baruch Margalit essaya une autre combinaison en incluant la lettre M dans l'espace manquant, ainsi que d'autres lettres à la place d'autres blancs. La lecture qui résultait de ses travaux donnait "Now Horoneyn was occupied at the en[d] of [my pre]decessor['s reign] by [Edom]ites."10. Cependant, les hypothèses de Margalit ne reçurent aucun soutien parmi la communauté scientifique.

 

En 2001, un autre chercheur français, Pierre Bordreuil, rapporte dans un essai que lui et quelques autres chercheurs ne pouvaient confirmer la lecture que Lemaire avait fait de la ligne 31, à savoir "la maison de David".

 

Il a été découvert plus tard une autre inscription relative à la maison de David sur la stèle de Tel Dan, celle-ci plus récente, écrite par un roi Araméen ennemi des Moabites et relative elle aussi à une victoire. Si Lemaire a raison, il y a maintenant deux références anciennes à la dynastie de David, une sur la stèle de Mesha (milieu du IXe siècle av. J.-C.) et une autre sur la stèle de Tel Dan (entre le IXe siècle av. J.-C. et le VIIIe siècle av. J.-C.).

 

En 1998, un autre chercheur, Anson Rainey, traduit un ensemble de deux mots à la ligne 12 de la stèle, אראל. דודה, par "its Davidic altar-hearth" (son autel Davidien).

 

Les identifications des bibliques Mesha, roi de Moab, et Omri, roi du royaume nord d'Israël, sur la stèle de Mesha, font généralement consensus parmi la communauté des chercheurs, surtout parce que ce qui est dit d'eux sur la stèle rejoint ce qui est écrit dans les chroniques bibliques des rois.

 

L'identification de David sur la stèle de Mesha demeure quant à elle controversée. Ce doute découle de la ligne 31, assez fragmentaire. En Europe, P. R. Davies, Thomas L. Thompson et Niels P. Lemch montrent un rejet certain de l'histoire biblique alors qu'André Lemaire, K. A. Kitchen, Jens Bruun Kofoed et d'autres chercheurs européens font exception à cette tendance. En général, les chercheurs nord-américains et israéliens sont plus enclins à accepter l'identification du roi biblique David sur la stèle de Mesha. En revanche, cette controverse est plus présente lorsque la discussion porte sur la stèle de Tel Dan plutôt que sur la stèle de Mesha.

1Cf notice sur le site du Louvre : http://www.louvre.fr/oeuvre-notices/stele-de-mesha