« Mes chers concitoyens, dimanche dernier, pour marquer Yom HaShoah, j’ai écouté ici-même, à Beit HaNasi [résidence du président], et avec une grande attention le témoignage choquant qui a été soumis par l’ancien président de la Cour suprême, le juge Aharon Barak, sur son enfance passée dans le ghetto de Kovno. Pendant qu’il racontait son histoire, alors même qu’il en décrivait les moments les plus terribles, les plus effroyables, en évoquant la sélection des enfants dans le ghetto, en parlant de la vie passée derrière le mur de l’habitation d’un fermier lituanien, Aharon Barak a conservé sa sérénité. Mais sa voix a tremblé quand il a rappelé ses rencontres avec les soldats de la Brigade juive – qui portaient sur les manches de leur chemise le badge du drapeau bleu et blanc.

L’État d’Israël ne doit pas être tenu pour acquis. Il n’a certainement pas été tenu pour acquis pendant toute l’histoire du peuple juif, et il ne l’était pas il y a seulement 75 ans. Nous avons entre nos mains, vous avez entre vos mains, vous, les citoyens d’Israël, le plus grand trésor du peuple juif. Votre décision, votre vote, est ce qui détermine la nature même de ce pays, et ce que sera son avenir. Le jour des élections, le jour des électeurs, le peuple, le public confie à ses représentants le pouvoir de prendre des décisions concernant une vaste gamme de problématiques.

Mais il y a des choses que même 120 membres de la Knesset ne peuvent pas changer. 120 membres de la Knesset ne peuvent pas saper les fondations démocratiques de l’État d’Israël. Et 120 membres de la Knesset ne peuvent pas non plus saper la nature juive de l’État d’Israël. C’est dans cette tension, dans ce trait d’union entre Juif et démocratique, que notre discours se prononce – et qu’il continuera à être prononcé. Parfois, il penchera vers la droite et parfois, il penchera vers la gauche : Mais il assurera toujours la liaison entre les deux marges.

J’avais été élu président de l’État d’Israël par une majorité de membres siégeant à la 19e Knesset. Depuis, pendant cette période de sept années, il y a eu cinq nouvelles élections à la Knesset, quatre d’entre elles en l’espace de moins de deux ans. Je n’avais rien imaginé de tel et je ne m’attendais pas à ce que, encore et encore, à cinq occasions, la tâche difficile de décider de la personnalité la plus à même de former un gouvernement me serait confiée.

J’aurais aussi apprécié que Beit HaNasi ne soit pas impliqué de manière si directe dans le système politique. Mais c’est mon rôle et dans le cadre de mes fonctions, j’entreprends cette tâche. La Loi fondamentale : Le gouvernement me donne l’obligation, en tant que président de l’État d’Israël, de confier la responsabilité de former un gouvernement à un membre de la Knesset qui acceptera d’assumer cette responsabilité.

La démocratie en Israël se nourrit pleinement de la volonté des électeurs. Le rôle tenu par le président dans la sélection d’un candidat à qui la tâche de former un gouvernement sera confiée est l’une des toutes premières concrétisations de la volonté des électeurs. En conséquence, et comme je l’ai dit de manière répétée au cours des précédentes campagnes électorales, et encore une fois au cours des derniers jours, la principale considération que les présidents israéliens doivent conserver à l’esprit lorsqu’ils décident de la personnalité qui aura pour mission de former un gouvernement est de déterminer le candidat qui aura la plus grande chance de rassembler un gouvernement qui jouira de la confiance de la nouvelle Knesset.

Les résultats des consultations, qui ont été ouvertes à tous, m’ont amené à estimer qu’aucun candidat n’a une chance réaliste de rassembler un gouvernement qui jouira de la confiance de la Knesset. En fait, et si la loi m’y autorisait, j’accorderais mon pouvoir de décision aux représentants du peuple, à la Knesset. Mais comme je l’ai dit, la loi m’interdit de le faire. Dans la situation dans laquelle nous nous retrouvons aujourd’hui, la loi m’oblige de confier la tâche de former un gouvernement à un candidat.

Après avoir consulté les représentants de toutes les factions représentées à la Knesset, c’est l’image suivante qui s’est esquissée : 52 députés ont demandé que je confie la mission de former un gouvernement au député Benjamin Netanyahu. 45 ont demandé que je confie la mission de former un gouvernement au député Yair Lapid. 7 ont demandé ont demandé que je confie la mission de former un gouvernement au député Naftali Bennett. 16 députés ne m’ont soumis aucune recommandation.

Je sais quelle est la position adoptée par de nombreuses personnes – que le président ne devrait pas donner ce rôle à un candidat actuellement traduit devant les juges mais, c’est ce que disent la loi et les décisions des tribunaux, un Premier ministre peut être maintenu à sa fonction même lorsqu’il est mis en examen.

De plus, la problématique concernant l’attribution de ce rôle à un candidat mis en cause devant la justice a été l’un des désaccords politiques et publics les plus intenses lors des campagnes électorales récentes. Et à cause de cela, j’ai pensé que le président devait éviter de prendre une décision basée sur cette considération, par sens de la responsabilité à l’égard de l’institution de la présidence et de la confiance portée à cette institution par le peuple. Le président de l’État d’Israël ne se substitue pas au Parlement, ni au système judiciaire. C’est le rôle de la Knesset de décider de la question substantielle et éthique de l’aptitude d’un candidat mis en examen à servir au poste de Premier ministre.

Au vu de cette situation, alors qu’il n’y a pas de majorité de 61 députés soutenant un candidat particulier au Parlement, et sans considération supplémentaire susceptible d’indiquer plus clairement les chances des éventuels candidats à former un gouvernement, j’ai pris une décision basée sur les chiffres des recommandations, des chiffres qui laissent penser que le député Benjamin Netanyahu a une chance légèrement plus élevée de réussir à rassembler un gouvernement. Et j’ai donc décidé de lui confier la tâche de le faire.

Ce n’est pas une décision facile pour moi sur une base à la fois morale et éthique. Comme je l’ai dit au début de cette allocution, l’État d’Israël n’est pas tenu pour acquis. Et j’ai des craintes pour mon pays. Mais je fais ce qui est mon devoir en tant que président de l’État d’Israël, conformément à la loi et conformément aux jugements des tribunaux, et en réalisant la volonté du seul souverain – le peuple d’Israël.

Mes chers compatriotes israéliens, permettez-moi de conclure mes propos en citant le président des Etats-Unis, Abraham Lincoln, tout comme l’avait fait celui qui fut mon professeur et mon guide, Menachem Begin, dans son discours de victoire en 1977 : « Avec aucune malice, avec la charité pour tous, avec la fermeté dans le droit que Dieu nous donne de voir, efforçons-nous d’achever le travail dans lequel nous sommes, de panser les blessures de la nation ».