Le terme Sionisme a été forgé en 1890 par Nathan Birnbaum.

" Né à Vienne en 1864, Nathan Birnbaum est le cofondateur, en 1882, de la première organisation d’étudiants juifs, Kadima. En 1884, il publie « La maladie de l’assimilation1 : un mot à l'adresse de ceux qu'on appelle Allemands, Slaves, Magyars, etc de confession mosaïque, par un étudiant de nationalité juive », un des premiers textes à développer des thèses sionistes. La même année, il fonde le périodique Selbst-Emancipation ! (« Auto-émancipation »), qui reprendra, entre autres, les idées de Léon Pinsker, l’autre précurseur du sionisme. C’est dans ce cadre qu’il crée les termes « sioniste », « sionisme » et « sionisme politique ». Ses idées seront plus tard reprises et développées par Theodor Herzl. Il est partisan d'un sionisme culturel, non politique.

Le terme est repris dans les délibérations et les décisions du premier congrès sioniste de 1897 à Bâle, sous l'impulsion et la présidence de Theodor Herzl dont l'ordre du jour est le suivant :

la présentation des plans de Theodor Herzl ;

la fondation de l'Organisation sioniste ;

la déclaration des objectifs du sionisme, le programme de Bâle.

Le texte suivant, écrit par Max Nordeau2 est proposé aux congressistes :

" Le sionisme vise à établir pour le Peuple juif une patrie en Palestine qui soit garantie par le droit public."
Suite aux discussions, est adoptée la définition suivante :
" Le sionisme vise à établir pour le Peuple juif une patrie reconnue publiquement et légalement en Palestine. Pour atteindre cet objectif, le congrès considère que les moyens suivants peuvent être utilisés :
1. La promotion de l'établissement en Palestine d'agriculteurs, artisans et marchands juifs ;
2. La fédération de tous les Juifs, en groupes locaux ou nationaux en fonction des lois de leurs différents pays ;
3. Le renforcement du sentiment juif, et de la conscience juive ;
4. Toute mesure préparatoire à l'obtention des accords gouvernementaux qui sont nécessaires à la réalisation de l'objectif sioniste. 

Les promoteurs de cette aspiration, ont souhaité dès le départ qu'elle soit assurée par des moyens légaux. Ce projet a pris naissance, à une époque et dans un espace moyen-oriental sans frontières étatiques, inclus dans l’Empire ottoman. A ce propos est souvent citée la phrase attribuée à Israël Zangwill, dramaturge et poète anglais :

" Une terre sans peuple pour un peuple sans terre ",

mais l'auteur en serait un membre du clergé de l'église d’Écosse, Alexander Keith, qui dans son ouvrage 3édité en 1843 écrivit 

" que les Juifs étaient un peuple sans pays, et même [exilés] de leur propre pays qui, comme il sera ensuite démontré, est, dans une large mesure, un pays sans peuple."

La « Terre sans Peuple » n'est pas inhabitée et ses habitants, même sous le joug ottoman n'attendent pas d'être gouvernés par un État Juif. Certains sionistes en sont conscient. Ainsi en 1891, Ahad Haam4 (1856-1927), sioniste russe et leader des Amants de Sion écrit :

" Nous avons pris l'habitude de croire à l'étranger que la Palestine est une terre entièrement désolée, un désert non cultivé, un champ en friche, où quiconque désireux d'acheter des terrains pourrait se rendre et en acquérir à sa guise.

En réalité, elle ne l'est pas : sur toute cette terre il est difficile de trouver un champs de terre arable non semée (…) le jour où la présence de notre peuple prendra une dimension telle qu'elle empiète, de peu ou de beaucoup, sur les positions des autochtones, ce n'est pas de bon gré qu'ils nous cèderont leur place."5

Programme de Bâle , proposé lors du

premier congrès sioniste en 1897

Les Congrès suivants, année après année, organisent le mouvement sioniste. Ils créent une Banque nationale juive (la jewih Colonial Trust devenue depuis la Bank Leumi) qui a été l'instrucment financier du sionisme politique.

à l'initiative du chimiste Chaïm Weizmann, qui deviendra en 1949 le premier président de l'État d'Israël, est créé en 1905 un Fonds national juif pour l'achat de terres agricoles en Palestine, et, plus tard, la Commission sioniste (qui deviendra l'Agence juive) avec plusieurs filiales pour l'étude et l'amélioration des conditions sociales et économiques pour les Juifs en Palestine.

Le congrès sioniste s'est réuni chaque année de 1897 à 1901, puis, à l'exception des années de guerre, tous les 2 ans entre 1903 et 1913 puis 1921 et 1939.

Le fondateur du mouvement sioniste crée un hebdomadaire à Vienne, Die Welt, et, en 1902, publie un roman d'anticipation qui évoque la vie dans le futur État. Intitulé en allemand Altneuland (Terre ancienne, terre nouvelle), le roman décrit le sionisme comme «un poste avancé de la civilisation, un rempart de l'Europe contre l'Asie, s'opposant à la barbarie».

Mortelle menace

Theodore Herzl multiplie les contacts avec les chefs d'État, y compris le pape Pie X, le sultan Habdul-Hamid III, l'empereur Guillaume II et le ministre britannique Joseph Chamberlain. En 1903, celui-ci lui offre d'installer l'État juif... en Afrique, sur le territoire de l'Ouganda, alors possession britannique.

Theodore Herzl, insensible à la composante religieuse du sionisme et craignant de ne jamais avoir gain de cause en Palestine, veut se saisir sans tarder de cette offre, faute de mieux. Il est suivi par Éliezer Ben Yéhouda, le créateur de l'hébreu moderne, et par le mouvement religieux ultranationaliste Mizrahi.

Épilogue

Épuisé par son inlassable activité et les conflits au sein de son mouvement, Theodor Herzl meurt le 3 juillet 1904, à l'âge de 44 ans. Son rêve va recevoir une impulsion décisive avec la déclaration Balfour du 2 novembre 1917 qui apporte aux sionistes l'appui officiel de la couronne britannique. Il trouvera son aboutissement en novembre 1947, peu après le génocide des juifs européens, lorsque l'assemblée générale des Nations Unies votera le partage de la Palestine en deux États, l'un arabe, l'autre juif. L'État d'Israël sera officiellement proclamé le 14 mai 1948 par David Ben Gourion. -

Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, les réunions du congrès juif ont eu lieu environ tous les quatre ans, et depuis la création de l'État d'Israël, le Congrès a lieu à Jérusalem.

1 Die Assimilationsucht

2 Max Nordeau, fils d'un poète en langue hébraïque est un médecin et écrivain né à Pest en 1849. Il est cofondateur avec Herzl de l'organisation sioniste mondiale.

3 'La terre d'Israël selon le contrat passé avec Abraham, Isaac et Jacob'

4 Ahad Haam de son vrai nom Asher Hirsch Ginberg ne souhaite pas un État juif qu'il pense irréalisable mais l'établissement d'un centre spirituel en Palestine. Il s'oppose au sionisme politique de Herzl. Il s’installe à Tel-Aviv en 1922.

5Cité par Vincent Lemire – Jérusalem 1900, p.243