L'école de Khan Al-Ahmar accueille 170 enfants de villages environnants

Ce village de moins de 173 âmes (35 familles) est plutôt un bidonville, « village de tôles et de toiles » ,car il ne comporte pas de constructions en dur et jouxte dangereusement la nationale. Reste que des familles bédouines y habitent.

Sa construction s’est faite sans permis de construire. Les autorités israéliennes ont donc décidé de le démonter, ce qui a été confirmé par la cour suprême israélienne.

l’origine de la communauté installée à Khan Al-Ahmar se trouve dans le Negev, à Tel Arad. La tribu ’Jahalin’, une centaine de personnes, avait été expulsée de son village dans les années 50 par l’armée israélienne. Elle avait alors gagné ce qui est maintenant Kfar Adumim à l’Est de Jérusalem. Elle avait alors acheté des terres dans le désert de Judéen à un propriétaire arabe d'Anata1. Mais l’installation de colons et la construction puis l'élargissement de Kfar Adumim les a encore poussé à partir, les terres ayant été confisquées par l'Etat. D’où leur arrivée à Khan al-Ahmar, à 1,5 kilomètres de Kfar Adumim.2

Khan al-Ahmar est située en zone C. Suite aux accords d’Oslo, cette zone est contrôlée directement par les Israéliens.

l’affaire dure depuis 2012. Mais un sursis avait été obtenu suite à la visite du général Eltan Dangot, alors coordinateur des activités gouvernementales dans les Territoires,. Il s‘était entretenu avec les chefs de la tribu opposés à ce déplacement, avant de rencontrer Bassam Erekat, le responsable pour la région de Jérusalem du ministère de l’Éducation palestinien.

“ « Soixante-quinze pour cent de nos problèmes ont commencé au milieu des années 1990 après Oslo », commente Khamis, expliquant que ce village de bergers était tombé dans la zone C contrôlée par les Israéliens, où le gouvernement s’efforce de limiter l’empreinte des ressortissants palestiniens (…) L’importance stratégique de la zone pour le gouvernement a mené Israël à refuser les requêtes de permis des résidents pour les structures existantes ou futures.

Selon Khamis, les soldats de l’armée israélienne venaient dans le village tous les deux ou trois ans pour démolir des structures semblables à des tentes qui, selon eux, avaient été illégalement construites.

Alors que les habitants se sont habitués à une nouvelle pression judiciaire en faveur de leur expulsion, Khan al-Ahmar a connu une augmentation significative en 2009 lorsque les travaux se sont achevés pour une nouvelle école élémentaire, qui avait été illégalement construite, à destination des 170 enfants de Khan al-Ahmar et des communautés bédouines environnantes. 3

Les enjeux de cette démolition sont humains bien sûr, juridiques et stratégiques.

Humainement, les habitants vont perdre leur habitation. Le gouvernement a proposé de les reloger. Une première proposition (en 2012) consistait à les installer dans un village de tentes relié à l’eau courante à Abu Dis. Mais les bédouins avaient jugé que le lieu ne pouvait convenir à l’élevage dont ils vivent. Selon Abu Khamiss, un porte-parole des habitants de Khan al-Ahmar,

 le projet de relocalisation que propose Israël serait une vraie prison pour nous. Nous serions entourés de colonies israéliennes, d’un check-point et de camps d’entraînements militaires. Nous n’aurions pas la place de poursuivre nos activités traditionnelles d’élevage. Ils prévoient en effet de regrouper plus de 10 000 Bédouins au même endroit ! 4

 

La Zone E1 relie Jérusalem et Maalé Adumim

La tribu Jahalin avait alors annoncé attendre d’autres propositions. Une seconde proposition de relogement à Mitzpe Yeriho, distante de quelques kilomètres avait également été refusée par les résidents.

Juridiquement se pose la question du permis de construire. Certes les habitants ont construit sans l’avoir obtenu…Pour les avocats de résidents, les autorisations de construire n’étant accordé que rarement à des résidents arabes, ceux-ci n’ont d’autre choix que de construire sans permis.

Stratégiquement, le village est situé au carrefour de deux implantations israéliennes à l’est de Jérusalem, Maalé Adumim et Kfar Adumim. Il est implanté au coeur de la zone E1, espace de 12 km² que les autorités réservent à l’extension de Jérusalem en Cisjordanie.

Ce village reste le seul endroit non totalement juif dans cette zone Sa disparition signifierait l’isolement de Jérusalem-Est du reste de la Cisjordanie. De fait la ville sainte ne pourrait plus sans aberration géographique faire partie de l’État Palestinien, si celui-ci voit le jour en Cisjordanie.

“ Pour Israël, l’intérêt de la zone E1, que la communauté internationale tend à ignorer, ne se limite pas à relier Jérusalem-Ouest à Maalé Adoumim. Il permettra également de conserver un passage vers la mer Morte à l’est, qui servira aussi de ceinture de sécurité pour les banlieues juives de la capitale. S’il en perd le contrôle, Israël craint de voir une recrudescence de constructions palestiniennes dans ce secteur menacer Jérusalem, bloquer le développement de la ville du côté est, et affaiblir le contrôle israélien sur la route menant à Jéricho. Cette artère revêt en effet une importance stratégique majeure pour Israël, puisqu’elle permet, en temps de guerre, de transporter troupes et équipements vers l’est et le nord, via la vallée du Jourdain. 5

En juillet, la Haute cour de justice israélienne avait gelé le projet de démolition suite à une pétition déposée par les avocats de résidents.

Mais le 1er août, la même cour confirme la décision de démolition.

Entre l’autorité palestinienne et le gouvernement israélien, c’est la guerre des communiqués.

Saëb Erekat, secrétaire général de l’OLP condamne,

“ dans les termes les plus forts cette action israélienne de démolition et de nettoyage ethnique de la communauté bédouine ”.

Tandis que les pour les Israéliens,

Les habitants n’ont pas utilisé les procédures qui leur étaient offertes bien que sachant qu’en cas contraire, les constructions illégales seraient détruites. 

Le cas du village est comme d’habitude lorsqu’il s’agit d’Israël et des territoires palestiniens l’objet de toutes les attentions internationales.

En mai 2018, le secrétaire d’État britannique chargé du Proche-Orient, Alistair Burt, avait demandé à Israël de ne pas démolir ce village, déclarant que toute réinstallation forcée “pourrait être considérée comme un transfert de population en ce qui concerne les Nations unies”, ce qui est considéré comme une violation de la Convention de Genève.

 

Le village de Khan al-Ahmar

 

En juillet 2018, plusieurs pays européens et organismes internationaux ont demandé à Israël de surseoir au projet de démolition. Pour Nikolay Mladenov, le Coordonnateur spécial des Nations Unies pour le processus de paix au Moyen-Orient.

“ De telles actions sont contraires au droit international et sapent la solution à deux États ,

Pour l’Union européenne

“ les démolitions ainsi que les projets de construction de nouvelles colonies pour les Israéliens dans la même région sapent la viabilité de la solution à deux États et les perspectives d’une paix durable. 

Avigdor Lieberman, ministre de la défense , répond dans une lettre envoyée aux ambassadeurs :

“ L’idée que déplacer un groupe de personnes dans un rayon de cinq kilomètres empêcherait la résolution d’un conflit historique si complexe est un non-sens hystérique. 

Il élargit ensuite le propos à toute intervention politique étrangère dans les affaires intérieures d'Israël

“ Israël s’attend à ce que ses affaires intérieures et ses institutions judiciaires soient traitées avec la même mesure de dignité et de respect qu’escompte fort justement chacun de vos gouvernements.»

ajoutant qu'une attitude différente à l’égard de son pays constituerait

“ une forme d’injustice et de discrimination, indigne de nos relations bilatérales amicales » et des normes diplomatiques entre « nations souveraines. 

Le courrier évite cependant d'évoquer la situation particulière du territoire où est situé Khan al-Ahmar. Pour le ministre, la Cisjordanie et les sujets relatifs relèvent donc strictement d’affaires intérieures à Israël. L'autorité Palestinienne n’a pas forcément le même point de vue.

Le 13 septembre, Le Parlement Européen adopte une résolution6 dénonçant la décision israélienne de démolition. l’UE réclame la restitution d’une somme de 315 000 €, correspondant à des sommes versées au profit du village, utilisées notamment pour la construction d’une école. La résolution est adoptée par 320 voix pour et 277 contre. Elle insiste la difficulté pour les bédouins a obtenir légalement le droit de construire :

E.  considérant que les autorités israéliennes imposent une politique de construction extrêmement restrictive aux habitants palestiniens de la zone C de la Cisjordanie; que cette politique rend quasiment impossible toute activité légale de construction palestinienne dans cette zone et sert à expulser les Palestiniens et à intensifier les activités de colonisation; que les colonies israéliennes sont illégales au regard du droit international et constituent un obstacle majeur aux efforts de paix; qu’en vertu du droit international, toute tierce partie, y compris les États membres de l’Union européenne, a l’obligation de ne pas reconnaître, aider ou assister les colonies implantées dans un territoire occupé, ainsi que de s’y opposer efficacement;

Début octobre, Angela Merkel annonce qu’elle ne fera le déplacement prévu en Israël en cas de destruction. Les pays occidentaux se mobilisent :

“ La France, l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie et le Royaume-Uni appellent Israël à renoncer à détruire le village bédouin, érigé par ses défenseurs en symbole du sort de ces communautés confrontées à l’occupation en Cisjordanie.l’appel conjoint des cinq pays européens, publié sur Internet par leurs services diplomatiques, intervient alors que ce village, situé près de Jérusalem, peut être démoli à partir de mercredi à minuit, suivant une autorisation de la Cour suprême israélienne. 7

Ils disent se joindre à la cheffe de la diplomatie de l’Union européenne, Federica Mogherini,
pour appeler de nouveau le gouvernement israélien à ne pas donner suite à son plan de démolition de ce village, y compris de son école, et de déplacement de ses résidents.Les conséquences qu’une démolition et qu’un déplacement auraient sur les résidents de cette localité, notamment sur leurs enfants, ainsi que sur les perspectives de la solution des deux États, seraient très graves
La confusion règne sur le sort du village au sein du gouvernement israélien. Au cours du week-end de 20 et 21 octobre, Netanyahu annonce un report de l'évacuation mais devant les réactions des députés nationalistes qui trouvent cette décision 'scandaleuse' et 'révoltante', il promet que le village sera évacué8, proposant de le déplacer à une centaine de mètres, afin de l'écarter un peu de l'autoroute qu'il jouxte
'Khan al-Ahmar sera évacué. C’est la décision qui a été prise par le tribunal, c’est notre politique, et cette évacuation sera menée à bien. Je n’ai aucunement l’intention de la reporter indéfiniment, contrairement à ce que la presse annonce, mais je ne l’ai ajournée que pour une courte période, limitée dans le temps.'
Le ministre de l'agriculture, Uri Ariel, trouve quant à lui inadmissible que seules les implantations juives puissent être démantelées sans tollé international. Uri Ariel est un résident de Kfar Adumim.
En octobre 2020, la Haute Cour, saisie par le mouvement pro-implantion Regavim demande à l’État de mettre en œuvre la démolition. L’État a répondu qu’il avait besoin d’un délai supplémentaire de quatre mois pour mettre en œuvre la demande de la Cour. Il s’agit de faire «  un effort supplémentaire pour terminer les protocoles en cours auprès de l’administration civile pour examiner davantage d’options et formuler un plan d’ensemble convenu »

3I24 news, 05/08/2018

5 Jérusalem Post, édition française , 2012 , les enjeux de la Zone E1

7Le Figaro 11/09/2018

8 Conférence de presse avec le secrétaire du Trésor américain Steven Mnuchin

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