L'invasion arabe de l'Égypte trouva un support non seulement chez les Coptes et les autres Chrétiens, mais aussi chez les Juifs, tous mécontents de l'administration corrompue du patriarche Cyrus d'Alexandrie. Les Juifs n'eurent aucune raison de se comporter de façon bienveillante avec les anciens maîtres de l'Égypte. En 629, l'empereur Héraclius chassa les Juifs de Jérusalem, ce qui conduisit à des massacres de Juifs d'un bout à l'autre de l'empire, y compris en Égypte. Le "Traité d'Alexandrie" du 8 novembre 641, qui scella la conquête arabe de l'Égypte, stipula expressément que les Juifs furent autorisés à rester dans la ville; et lors de la conquête de la ville, Amru ben al-As, dans sa lettre au calife relata qu'il y eut trouvé 40 000 Juifs.
Sous les califes omeyyades et abbassides (641-868), on ne connut que très peu de choses du sort des Juifs en Égypte, mais la règne des Fatimides fut dans son ensemble favorable aux Juifs, à l'exception de la dernière période, sous le règne d'Al-Hakim. Ce fut l'époque où des écoles talmudiques furent crées, et où des Juifs purent accéder à des positions élevées dans la société égyptienne, comme Ya'qub Ibn Killis.
Au commencement du XIIe siècle, un Juif du nom d'Abu al-Munajja ibn Sha'yah, fut nommé à la tête du département de l'agriculture. Il était spécialement connu comme le constructeur d'une écluse du Nil en 1112 qui porta son nom "Bahr Abi al-Munajja". Sous le vizir Al-Afdhal (1137), le ministre des finances était un Juif, dont on ignore le nom.
La vie des communautés juives d'Égypte au XIIe siècle, fut connue par les témoignages de certains érudits juifs et par les voyageurs qui visitèrent le pays. Vers 1160 Benjamin de Tudèle était en Égypte, et écrivit un témoignage général sur les communautés juives qu'il y rencontra. Au Caire, il y avait environ 2000 Juifs, à Alexandrie environ 3000, dans le Fayoum, il y avait 20 familles, à Damiette 200, à Bilbeis, à l'Est du Nil, 300 personnes et à Damira 700.
L'orthodoxie rigide de Saladin (1169-1193) ne sembla pas avoir affecté les Juifs de son royaume. En 1166, Maïmonide se rendit en Égypte et s'installa à Fostat où il devint très renommé en tant que médecin. Il soigna la famille de Saladin et plus tard celles des successeurs de Saladin. Le titre de "Ra'is al-Umma" ou de "al-Millah" (Chef de la Nation ou Chef de la Foi), lui fut accordé. A Fostat, il écrivit son " Mishné Torah" ("Répétition de la Torah") en 1180 et le "Moré Névoukhim" ("Guide des égarés").
Sous la dynastie mamelouke des Baharites (1250-1390), les Juifs menèrent une existence relativement paisible, bien qu'ils soient obligés de payer de lourdes taxes pour l'entretien des équipements militaires, et qu'ils soient harcelés par les cadis et les oulémas de ces musulmans rigoureux.
Le 22 janvier 1517, le sultan turc, Selim Ier, prit le pouvoir en écrasant Tuman Bey, le dernier sultan mamelouk. Il effectua des changements radicaux dans l'organisation des communautés juives et nomma Abraham de Castro "Maître de la Monnaie". Pendant le règne de Soliman le Magnifique, successeur de Selim, le vice-roi d'Égypte, Ahmed Pasha, projeta en 1524 de s'établir comme souverain indépendant. De Castro partit à Constantinople pour en avertir le sultan. Ahmed Pasha décida alors de se venger des Juifs en emprisonnant plusieurs d'entre eux. L'exécution de Ahmed Pasha par les hommes du sultan sauva les Juifs de ses menaces.
L'invasion de l'Egypte par Napoléon en 1798, avec son apport d'idées et de technologies nouvelles de l'Occident, marqua un tournant dans l'histoire des Juifs du Moyen-Orient. Les Juifs européens devinrent une sorte de modèle, tandis que la logique de la modernité pénétra dans les mœurs. Les puissances européennes jouèrent un rôle de plus en plus important dans la protection des Juifs et des autres minorités.
Avec la guerre civile aux Etats-Unis et l'arrêt des exportations du coton américain, l'Egypte devint vers 1860 un exportateur majeur de coton vers la France et l'Angleterre. L'enrichissement considérable qui s'ensuivit lui permis d'entreprendre de grands travaux, comme la construction du canal de Suez en 1869. A cette occasion, ce pays attira de nombreux hommes d'affaires, y compris des Juifs, et la population juive s'accrut.
Les crises économiques et politiques consécutives à une modernisation trop rapide conduisirent à l'occupation pure et simple de l'Egypte par l'Angleterre afin d'assainir son économie. Elle se transforma en protectorat en 1914. Il ne prit fin qu'avec son indépendance, en 1936. La condition juive changea à partir de 1919, lorsque les Anglais accordèrent une indépendance nominale au pays tout en gardant le contrôle sur différents domaines, notamment la protection des droits des minorités, et donc des Juifs.
La communauté juive comprenait environ 7000 personnes au milieu du XIXe siècle et 25000 au tournant du XXe. On dénombrait 60000 Juifs vers 1918, et environ 80000 vers la fin de la Seconde Guerre Mondiale.
L'essor démographique des Juifs s'expliqua en partie par les migrations sépharades entre le début du XIXe siècle et le premier quart du XXe siècle, à partir de divers pays de l'Empire ottoman. Celles des Achkénazes d'Europe de l'Est connurent un net accroissement à la fin du XIXe siècle et au début du XXe. Onze mille Juifs ashkénazes chassées du Yichouv par les Ottomans en 1914-1915 vinrent grossir leur nombre en Egypte. Tous ces émigrés Juifs s'installèrent au Caire et à Alexandrie.
Une des caractéristiques des Juifs d'Egypte était leur hétérogénéité culturelle. Ils avaient en effet conservé intacte la marque de leurs origines historiques et géographiques. Au plus bas de l'échelle socio-économique, les Juifs indigènes (15%) avaient intégré la culture égyptienne et parlaient l'arabe égyptien, ils étaient concentrés dans le quartier Juif du Caire. Au même échelon, les Juifs originaires de pays arabes de l'Empire Ottoman, d'Afrique du Nord et du Yémen, restés fidèles à leurs traditions et usages, étaient regroupés dans les quartiers pauvres d'Alexandre et de Port-Saïd, entre autres. Quelques familles d'Afrique du Nord, de Syrie ou d'Irak, actives dans le commerce international, appartenaient aux classes moyenne et supérieure, elles avaient assimilé la culture des classes égyptiennes supérieures. La communauté comprenait, en outre, des Juifs de la péninsule Ibérique, des Juifs grecs et des Juifs italiens fortement identifiés à la culture italienne même sous le régime fasciste de 1942-1944.
Les Sépharades, divisés en groupes différenciés socio- économiquement, faisaient partie de la communauté juive dans son ensemble tout en conservant leur identité propre dans leurs rites, leurs synagogues et leurs organisations. Comme les Sépharades, les Achkénazes formaient des sous-groupes, chacun avec ses coutumes et la langue particulière au pays d'origine, soudés toutefois par une langue commune, le yiddish, parlée par 90% d'entre eux.
Après la Première Guerre Mondiale, les Juifs rejoignirent le parti politique de gauche Wafdt et d'autres oeuvrant pour l'indépendance de l'Egypte et la fin de l'occupation britannique au risque de leur vie pour certains, comme David Hazan, condamné à mort par les Anglais en 1923.
L'Association de la jeunesse juive égyptienne était aux côtés du Wafdt. Le Parti communiste égyptien, fondé au début des années 1920, s'enracinait dans le mouvement socialiste juif Bund, crée en 1905 par les Juifs ashkénazes au Caire. Les Juifs adhéraient au discours politique égyptien prônant une solution marxiste aux problèmes de la société et une identité nationale fondée sur la laïcité. Certains faisaient partie du Parlement égyptien jusqu'en 1960, notamment le grand rabbin Haïm Nahum.
La venue au pouvoir d'Hitler en 1933, bouleversa cet équilibre entre Juifs et Egyptiens, Hitler et la propagande antijuive nazie gagnèrent du terrain parmi la communauté allemande en Egypte, ce qui suscita la formation d'associations juives luttant contre l'antisémitisme. Ces dernières eurent un succès limité car l'Allemagne dans les années 1930, était un partenaire économique important de l'Egypte.
Avec la poussée allemande en Afrique du Nord vers l'Egypte, les Juifs cherchèrent refuge au Caire. Ils participèrent à l'effort de guerre, soit en combattant dans les armées alliées, soit en prenant part à la défense civile.
Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, la communauté manifestait peu ou pas d'intérêt pour le sionisme. Significative à cet égard fut sa réponse aux violentes manifestations antijuives du 2 novembre 1945 (anniversaire de la déclaration Balfour en faveur de la création d'un foyer national juif en Palestine). Aux émeutes accompagnées de l'incendie de synagogues et du pillage de magasins juifs au Caire, le grand rabbin de l'époque réagit, dans une lettre au Premier ministre d'Egypte, en se dissociant de la revendication d'un Etat juif en Palestine.
L'activité sioniste, bien que légale, fut faible jusqu'en 1947. Cette faiblesse s'expliquait en partie par des désaccords au sein du mouvement, qui reflétaient les différends à l'intérieur de la communauté, liés aux écarts socio-économiques, aux tensions ethniques entre Sépharades et Achkénazes et au pluralisme linguistique.
A la suite de la création de l'Etat d'Israël en 1948, 20000 Juifs partirent pour Israël ou l'Europe et 20000 les suivirent en 1957, après la campagne de Suez. La défaite de l'Egypte lors de la guerre des Six Jours, en 1967, entraîna le départ de ceux qui restaient.
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