Selon Philippe Vellila5,
“ Israël est un pays sans constitution. Pour deux raisons. La première n’est pas spécifique à l’État des Juifs : de nombreux pays n’ont pas de constitution. Cela n’a pas empêché le Royaume-Uni, par exemple, d’être une démocratie exemplaire à bien des égards (cf. indépendance de la justice, liberté de la presse). Pourtant, la 1ère Knesset avait les pouvoirs d’une assemblée constituante, et rien n’empêchait les députés de voter une loi suprême.
Du reste, les fondateurs de l’État, imprégnés des idéaux de la Révolution française et de l’idée de l’État de droit, auraient bien voulu en adopter une. Mais des raisons avouables et d’autres moins avouables firent obstacle à cette adoption. Au titre des raisons avouables, on rappellera le fait que les partis religieux (qui comptaient déjà 16 députés dans la première Knesset élue en 1949) étaient hostiles à l’idée même de constitution, car pour eux la véritable constitution des Juifs est la Thora.
Mais des raisons moins avouables étaient sous-jacentes au raisonnement : une constitution ouvrait la voie à la reconnaissance de droits civils aux individus qui auraient ainsi échappé à l’emprise du rabbinat pour leur statut personnel, par exemple. Cette concession de taille aux partis religieux devait être suivie de beaucoup d’autres.
La commission Harari, chargée de la question, trouva un argument imparable : le pays resterait sans constitution tant que tous les Juifs n’y seraient pas réunis … Cela arrangeait également bien les affaires de David Ben Gourion, qui gardait ainsi les mains plus libres pour diriger le pays.
Tout cela ne devait pas empêcher Israël de devenir un État de droit, avec un corpus juridique solide au sommet duquel on trouve les 12 lois fondamentales.”
5 Mooc sur Israël et ses changements, octobre 2018. Philippe Velilla ,docteur en droit, est l’auteur de Les Juifs et la droite (Pascal, 2010)