La 'bataille de Jénine ' et l'opération rempart (ou bordure protectrice  ) ont déclenché des vastes réactions. La bataille opposait-elle des combattant ou une armée performante à des civils ?

 

Lire aussi  2002 : L'opération rempart et la bataille de Jenine

 

Face aux accusations des Palestiniens, le conseil de sécurité de l'ONU votre la résolution 1405

 

Le Conseil se dit

Préoccupé par la situation épouvantable dans laquelle se trouve la population civile palestinienne sur le plan humanitaire, en particulier par les informations en provenance du camp de réfugiés de Djénine qui font état d’un nombre indéterminé de morts et de destruction,

[ et demande ]  la levée des restrictions imposées, en particulier à Djénine, aux activités des organismes humanitaires, notamment celles du Comité international de la Croix-Rouge et de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient,

 

L'Assemblée générale vote la résolution ES/10-10 où elle marque elle aussi sa préoccupation :

 

Se déclarant profondément préoccupée par la gravité de la situation qui règne dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem, en particulier depuis le début de l’attaque militaire lancée par Israël, le 29 mars 2002, contre des villes palestiniennes et contre l’Autorité palestinienne,

Gravement préoccupée par le nombre considérable de morts et de blessés parmi la population palestinienne, ainsi que par la destruction de biens publics et privés, y compris des habitations et des institutions de l’Autorité palestinienne,

Gravement préoccupée en particulier par les informations faisant état de violations graves du droit international humanitaire par les forces israéliennes d’occupation dans le camp de réfugiés de Djénine et dans d’autres villes palestiniennes,

Se déclarant profondément préoccupée par la situation épouvantable dans laquelle se trouve la population civile palestinienne, sur le plan humanitaire, caractérisée par la pénurie de vivres, d’eau et de médicaments, du fait qu’Israël a assiégé et attaqué des villes palestiniennes, Déplorant la destruction de Lieux saints dans le territoire palestinien occupé, dont des mosquées et des églises, et comptant que le siège militaire israélien de la basilique de la Nativité à Bethléem prendra fin immédiatement,

1. Condamne les attaques perpétrées par les forces israéliennes d’occupation contre la population palestinienne dans plusieurs villes palestiniennes, en particulier dans le camp de réfugiés de Djénine;

2. Condamne également le refus d’Israël, Puissance occupante, de coopérer avec l’équipe d’établissement des faits du Secrétaire général dans le camp de réfugiés de Djénine, au mépris de la résolution 1405 (2002) du Conseil de sécurité;

3. Souligne l’importance de la sécurité et du bien-être de toutes les populations civiles de l’ensemble de la région du Moyen-Orient, et condamne en particulier tous les actes de violence et de terreur qui font des morts et des blessés parmi les civils palestiniens et israéliens;

4. Exige l’application immédiate et intégrale de la résolution 1402 (2002) du Conseil de sécurité;

5. Demande que soit appliquée la déclaration adoptée par la Conférence des Hautes Parties contractantes à la quatrième Convention de Genève, convoquée de nouveau à Genève le 5 décembre 2001, au moyen de mesures concrètes aux niveaux national, régional et international afin d’assurer le respect par Israël, Puissance occupante, des dispositions de la Convention;

6. Prie le Secrétaire général de présenter, à l’aide des ressources et des informations disponibles, un rapport sur les événements récents qui se sont produits à Djénine et dans d’autres villes palestiniennes;

7. Exige qu’Israël, Puissance occupante, mette fin à toutes les entraves et à tous les obstacles aux activités des organisations humanitaires et des organismes des Nations Unies dans le territoire palestinien occupé, en particulier le Comité international de la Croix-Rouge et l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient, notamment en levant les restrictions à la liberté de mouvement et en assurant la liberté et la sécurité d’accès du personnel et des véhicules;

8. Demande que soient fournis d’urgence l’assistance et les services nécessaires pour aider à améliorer la situation humanitaire actuelle et appuyer les efforts de reconstruction, y compris la remise en état des institutions de l’Autorité palestinienne;

9. Demande à toutes les parties concernées de redoubler d’efforts pour aider les parties à mettre fin à la crise actuelle et les ramener à la table des négociations en vue de parvenir à un règlement définitif de toutes les questions, y compris la création de l’État palestinien;

 

Le rapport est présenté à l'ONU. Ses conclusions sont les suivantes (lire aussi le rapport complet FR)

 

 

RAPPORT DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LES RÉCENTS ÉVÉNEMENTS À JENIN, AUTRES VILLES PALESTINIENNES

[ PDF Eng/Fr]

Les Nations Unies ont publié aujourd'hui le rapport du Secrétaire général sur les récents événements à Jénine et dans d'autres villes palestiniennes.  Ce rapport avait été demandé par l'Assemblée générale en mai (résolution ES-10/10, adoptée le 7 mai 2002), après la dissolution de l'équipe que le Secrétaire général, soutenu par le Conseil de sécurité (résolution 1405 du 19 avril 2002), avait proposé d'envoyer à Jénine pour établir les faits sur le terrain.


Le rapport a donc été rédigé sans qu'une visite à Jénine ou dans les autres villes palestiniennes soit nécessaire.  Il s'appuie, comme l'a demandé l'Assemblée, sur les "ressources et informations disponibles", notamment les soumissions de six États membres et missions d'observation des Nations unies, des documents du domaine public et des documents soumis par des organisations non gouvernementales de différents points de vue. 

L'Autorité palestinienne a soumis des informations, tandis que le gouvernement d'Israël ne l'a pas fait.  Dans un effort pour présenter un tableau aussi complet que possible, le rapport utilise des informations du gouvernement israélien accessibles au public.

Le rapport couvre une période allant approximativement du début du mois de mars au 7 mai 2002.  Il présente le contexte et l'historique de la situation en Israël et dans le territoire palestinien occupé.  Il décrit également les responsabilités des deux parties en matière de sécurité, d'aide humanitaire et de droits de l'homme.  Il présente brièvement la montée de la violence depuis septembre 2000, qui a causé, au 7 mai 2002, la mort de 441 Israéliens et de 1 539 Palestiniens. 

C'est dans ce contexte qu'a eu lieu la plus vaste incursion militaire israélienne depuis dix ans, l'opération Bouclier défensif, dont la cause immédiate est l'attaque terroriste du 27 mars à Netanya, qui a fait 28 morts et 140 blessés.  L'opération a commencé le 29 mars par une incursion à Ramallah, suivie de l'entrée à Tulkarem et Qalqilya le 1er avril, à Bethléem le 2 avril, et à Jénine et Naplouse le 3 avril.  Le 3 avril, six des plus grandes villes de Cisjordanie, ainsi que les villes, villages et camps de réfugiés environnants, étaient occupés par l'armée israélienne.


Les forces de défense israéliennes (FDI) ont annoncé la fin officielle de l'opération "Bouclier défensif" le 21 avril, mais ses conséquences ont duré beaucoup plus longtemps.  La plupart des combats qui ont eu lieu pendant l'opération se sont déroulés dans des zones fortement peuplées de civils - en grande partie parce que les groupes palestiniens armés recherchés par les FDI pendant les incursions ont placé leurs combattants et leurs installations parmi les civils - et, dans de nombreux cas, des armes lourdes ont été utilisées.  En conséquence, les populations des villes ont subi de graves difficultés.


Attaques terroristes dans les villes palestiniennes
Le rapport décrit les préoccupations du gouvernement israélien concernant le fait qu'un certain nombre de villes ont servi de bases à des groupes palestiniens armés engagés dans des actes terroristes contre Israël.  Par exemple, Israël a accusé que, d'octobre 2000 à avril 2002, 28 attentats suicides ont été planifiés et lancés depuis le camp de Jénine. Après leur incursion dans le camp, les FDI ont rendu public le matériel qui s'y trouvait, notamment des documents, des caches d'armes et des laboratoires d'explosifs

 

Conduite des militants palestiniens lors des incursions
Le rapport note que les groupes armés palestiniens auraient largement piégé des maisons de civils - des actes qui visaient le personnel des FDI, mais qui mettaient aussi les civils en danger.  Il cite également l'Autorité palestinienne qui reconnaît qu'un certain nombre de combattants palestiniens ont résisté à l'assaut militaire israélien.


Conduite des FDI pendant les incursions

Le rapport fait référence aux allégations de l'Autorité palestinienne et des organisations de défense des droits de l'homme selon lesquelles, dans le cadre de ses opérations, les FDI se seraient livrées à des assassinats illégaux, à l'utilisation de boucliers humains, à un usage disproportionné de la force, à des arrestations arbitraires et à la torture, et à un refus de traitement médical et d'accès.  Parmi les exemples et les descriptions donnés dans le rapport, on peut citer les suivants :

-- Le nombre de morts :  Quatre cent quatre-vingt-dix-sept Palestiniens ont été tués et 1 447 blessés au cours de la réoccupation des zones palestiniennes par les FDI du 1er mars au 7 mai 2002 et dans les jours qui ont suivi.  La plupart des comptes rendus estiment qu'entre 70 et 80 Palestiniens, dont environ 50 civils, ont été tués à Naplouse.  Les FDI y ont perdu quatre soldats.  Dans le camp de Jénine, au moment du retrait de l'IDF et de la levée du couvre-feu le 18 avril, au moins
52 Palestiniens, dont jusqu'à la moitié étaient peut-être des civils, et 23 soldats israéliens ont été tués.  Les allégations des responsables de l'Autorité palestinienne à la mi-avril, selon lesquelles 500 personnes ou plus auraient été tuées dans le camp de Jénine, n'ont pas été corroborées par les preuves apparues par la suite.

-- Arrestations et détentions arbitraires : Le 6 mai, 7 000 Palestiniens auraient été arrêtés dans le cadre de l'opération "Bouclier défensif", dont beaucoup ont été détenus pendant de longues périodes avec peu ou pas de contact extérieur. Dans de nombreux cas, les FDI ont utilisé des haut-parleurs pour convoquer des hommes âgés de 15 à 45 ans. Selon les rapports des droits de l'homme, un nombre important d'hommes arrêtés ont eu les yeux bandés et ont été menottés, n'ont pas été autorisés à utiliser les toilettes et ont été privés de nourriture ou de couvertures pendant leur premier jour de détention.

 

-- Boucliers humains : Il y a eu de nombreux rapports de l'IDF obligeant les civils palestiniens à les accompagner lors des fouilles de maisons, à vérifier les sujets suspects, à se tenir dans la ligne de tir, et de toute autre manière à protéger les soldats du danger. Des témoins affirment que cela a été fait dans le camp de Jénine et dans d'autres villes palestiniennes. Le gouvernement d'Israël a nié que son personnel militaire se soit systématiquement livré à cette pratique, mais le 5 mai a émis "un ordre sans équivoque ... que les forces sur le terrain sont absolument interdites d'utiliser des civils comme moyen de "bouclier vivant"".

-- Destructions disproportionnées et aveugles : L'opération "Bouclier défensif" a entraîné la destruction massive de biens privés et publics palestiniens.. Les FDI auraient utilisé des bulldozers, des bombardements de chars et des tirs de roquettes, parfois depuis des hélicoptères, dans des zones peuplées. Le rapport souligne le fait que plus de 2 800 logements de réfugiés ont été endommagés et 878 maisons ont été démolies ou détruites au cours de la période couverte, laissant plus de 17 000 personnes sans abri ou ayant besoin d'une remise en état de leur logement. Naplouse a été particulièrement touchée en termes de destruction physique, notamment dans sa vieille ville, qui contenait de nombreux bâtiments d'importance culturelle, religieuse et historique.

-- Destruction des biens civils de l'Autorité palestinienne : Les agences des Nations Unies et d'autres agences internationales, lorsqu'elles ont été autorisées à entrer à Ramallah et dans d'autres villes palestiniennes, ont documenté des dommages physiques importants aux biens civils de l'Autorité palestinienne. Ces dommages comprenaient la destruction d'équipements de bureau, tels que des ordinateurs et des photocopieuses, qui ne semblaient pas être liés à des objectifs militaires. Tout en niant que ces destructions étaient systématiques, les FDI ont admis que leur personnel s'était livré à certains actes de vandalisme, et mènent actuellement des poursuites à ce sujet.

 

-- Couvre-feux et fermetures : Des couvre-feux 24 heures sur 24 ont été imposés dans les villes, les camps de réfugiés, les villes et les villages, touchant environ 1 million de personnes. Deux cent vingt mille résidents urbains ont vécu sous un régime de couvre-feu pendant plus d'une semaine, sans approvisionnement vital ni accès aux premiers secours. À Naplouse, par exemple, les FDI ont imposé un couvre-feu le 3 avril et ne l'ont complètement levé que le 22 avril.


-- Refus de l'accès humanitaire : Pendant et immédiatement après les incursions, le rapport constate que les civils palestiniens ont souffert de retards prolongés dans les soins médicaux pour les blessés et les malades. À Jénine, en particulier, du 11 au 15 avril, les Nations unies et d'autres agences humanitaires ont adressé une pétition et négocié avec les FDI pour l'accès au camp, et ont fait de nombreuses tentatives d'envoi de convois, en vain. De nombreux rapports des groupes de défense des droits de l'homme contiennent des récits de civils blessés qui ont attendu des jours pour obtenir une assistance médicale, et qui se sont vus refuser des soins médicaux par les soldats des FDI. Dans certains cas, des personnes sont mortes à cause de ces retards.

-- Attaques sur les ambulances : Le rapport cite trois cas où les forces israéliennes ont attaqué des ambulances. Le 4 mars (avant l'incursion de Jénine), le chef du service médical d'urgence de la Société du Croissant-Rouge palestinien à Jénine a été tué par un obus tiré d'un char israélien alors qu'il voyageait dans une ambulance clairement identifiée. Le 7 mars, un employé de l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) a été tué par balle alors qu'il se trouvait dans une ambulance de l'UNRWA près de Tulkarm en Cisjordanie. Et le 8 avril, une ambulance de l'UNRWA a essuyé des tirs alors qu'elle tentait de rejoindre un homme blessé à Jénine. Le gouvernement d'Israël a affirmé que les ambulances étaient utilisées pour transporter des terroristes et leurs armes.

 

Bilan des morts en Israël pendant la période du 1er mars au 7 mai

Selon le ministère israélien des Affaires étrangères, les FDI ont perdu 30 soldats au cours de l'opération "Bouclier défensif". Israël a également subi environ 16 attentats terroristes à la bombe, dont la grande majorité étaient des attentats suicides, entre le début du mois de mars et le 7 mai. Ces attentats ont fait plus de 100 morts et de nombreux blessés.

 

Impact global

La population civile dans les territoires palestiniens occupés continue de souffrir de graves difficultés, dont beaucoup se sont fortement intensifiées depuis les événements couverts par le rapport. Il y a eu un arrêt presque complet de toute activité productive dans les principaux centres manufacturiers, de construction, de commerce et de services privés et publics de Cisjordanie, ce qui a aggravé la grave baisse du niveau de vie au cours des 18 derniers mois.

Les Nations unies n'ont pas pour mandat de surveiller et de faire rapport sur la situation en Israël, comme elles le font dans le territoire palestinien occupé, et ne disposent donc pas d'informations détaillées sur l'impact plus large sur la société et l'économie israéliennes. Mais il est clair que durant cette période, le peuple israélien a lui aussi connu de grandes souffrances, du fait du terrorisme, et que l'économie israélienne a été gravement endommagée.

En conclusion, le rapport souligne qu'un compte rendu complet et détaillé des événements de Jénine et d'autres villes palestiniennes ne pourrait être donné sans la pleine coopération des deux parties et une visite dans la région. Toutefois, le Secrétaire général se dit confiant que "le tableau dépeint dans ce rapport est une juste représentation d'une réalité complexe", ainsi que sa conviction que les événements décrits montrent combien il est urgent que les parties reviennent au processus de paix.