L'existence de quartiers est attestée dès le XVe siècle par l'historien Mujir al-Din (1456 - 1522). Il y a selon lui neuf quartiers principaux. Ce sont le quartier maghrébin, le quartier du Sharaf appelé auparavant le quartier des Kurdes, le quartier d’Alam dénommé ensuite le quartier de la Haydarira, le quartier des habitants d’Al-Salt, le quartier juif, le quartier de la Plume, le quartier de Sion à l’intérieur des remparts, le quartier de Dawaiyya, et enfin le quartier des Banu Hârith à l’extérieur des remparts et à côté de la citadelle.
Ce n'est pas cette division qui est retenue au XIXe siècle
C'est en 1853 année qu’apparaît pour la première fois sur une carte allemande la séparation de la vieille ville en quatre quartiers : chrétiens, arméniens, juifs et musulmans.
Le découpage est repris sur les plans à destination des pèlerins comme il est d'usage maintenant de représenter Jérusalem intra-muros.
« Les sources administratives locales (…) contredisent largement cette vision occidentale et font état de la forte mixité des différents quartiers, y compris dans la vieille ville...il n'y a pas d'homogénéité ethnico-religieuse à l'intérieur des quatre quartiers supposés de Jérusalem….[en ] 1905, on constate que 29 % des familles musulmanes de Jérusalem vivent à l'intérieur du quartier dit «juif » ; que 32 % des familles juives vivent à l'intérieur du quartier dit « musulman » ; et que 24 % des familles chrétiennes vivent à l'intérieur du quartier dit « musulman »
Vincent Lemire souligne l'absurdité d'avoir une dénomination "quartier musulman" à l'époque où le pouvoir comme la population majoritaire est musulmane.
Reste que la carte, pérennisée par les Britanniques à leur arrivée en 1917, a fini par créer une réalité, la vieille ville est maintenant divisée en quatre quartiers beaucoup plus homogènes qu'au 19e siècle.
"Ainsi, la quadripartition de Jérusalem, loin d'être une donnée immanente attachée de toute éternité à la géographie de la ville, relève pourtant d'une invention cartographique tardive, plaquée de l'extérieur par les observateurs européens. "
De même,
"On remarque, d’après l’étude des registres des cadis de Jérusalem, que la ville était scindée en groupes d’appartenance religieuse (quartier chrétien, quartier arménien, quartier juif). Mais il est bon de préciser que les frontières de ces quartiers n’étaient pas impénétrables et que des chrétiens habitaient dans le quartier musulman, de même que des musulmans habitaient dans le quartier arménien et des juifs dans les quartiers musulman et chrétien."2
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DESCRIPTION DE JÉRUSALEM
“Les rues principales de la ville sont ou plates ou en pente. Pour un grand nombre de constructions, vous pouvez trouver les fondations de constructions anciennes sur lesquelles les récentes ont été élevées. Ces maisons sont tellement serrées les unes contre les autres que, si elles devaient avoir la distance qu’elles ont dans la plupart des villes du monde islamique, Jérusalem occuperait plus de deux fois l’espace qu’elle occupe maintenant. La ville a de nombreuses citernes pour recevoir l’eau puisque ses ressources en eau viennent des chutes de pluie... Les bâtiments de Jérusalem sont extrêmement solides, tous faits de murs et voûtes en pierre. Les briques ne sont pas présentes dans les constructions, ni le bois dans les charpentes. Les voyageurs affirment qu’on ne trouve pas dans l’empire de bâtiments plus solides et de plus belle apparence qu’à Jérusalem.” (cité par Marie Lebert - 2006 - Histoire de Jérusalem au moyen-age).
"Les maisons de la ville de Jérusalem étaient bâties en pierre et se distinguaient par leurs murs à l’aspect irrégulier. Étant donné la situation géographique de la ville, elles étaient construites sur des coteaux et de hautes montagnes. L’un des traits les plus caractéristiques de ces habitations était l’étroitesse des entrées, surélevées ou très basses, dotées de petites fenêtres. Certaines maisons étaient totalement privées de ces petites fenêtres. Comme l’on peut le constater à l’examen des documents des waqfs de ces habitations, la majorité d’entre elles avaient plusieurs étages comprenant des pièces, des salles de bains, des cuisines, des terrasses et des citernes. Certains registres indiquent des maisons à deux ou trois étages où l’on peut accéder à l’étage supérieur au moyen d’un escalier de pierre. Signalons que dans ces documents dâr désigne une maison et bayt désigne une pièce ou une chambre
..Les rues de Jérusalem se distinguent par leur étroitesse et leur enchevêtrement....Ces ruelles étaient en fait des marchés (sûqs), que l’on pourrait décrire comme des allées voûtées de pierre de taille et bordées de petites boutiques (dukkâns). L’unique source d’air et de lumière de ces allées et de ces marchés venait soit de leurs extrémités, soit de petites ouvertures faites dans les terrasses.
En face des échoppes, on avait installé des bancs de pierre (maṣṭabas) destinés à accueillir les passants qui souhaitaient faire une pause au cours de leur promenade, de leurs courses ou de la conduite de leurs affaires. Ces masṭabas ont été détruits en 1863 par l’administration locale de Jérusalem qui a également procédé au numérotage des dukkâns afin de les distinguer les uns des autres.
Parmi les marchés les plus renommés, figure le Sûq al-Qaṭṭânîn (le marché des cotonniers) , ainsi nommé parce qu’il était le marché des vendeurs de coton. Il était bordé de magasins de tissus de coton et de soie. Il avait été fondé par Sayf al-Dîn Tankiz al-Nâṣirî, gouverneur général de la province de Damas en 737/1336-7, sur les ordres du sultan al-Malik. Parmi ses ḥânûts (boutiques), une partie était constituée en waqf (fondation pieuse musulmane) au bénéfice du Ḥaram al-Sharîf (l'esplanade des Mosquées) , et l’autre partie au profit de la madrasa (l'école coranique) construite par l’émir Sayf al-Dîn Tankiz ».
Citons également le Sûq Khân al-Zayt ou Sûq al-Ṭabbâkhîn, deux noms désignant le même endroit, « le marché de l’huile ». Il était considéré comme l’un des marchés les plus importants de la vieille ville de Jérusalem. Il s’étendait du nord au sud, partant des environs de la porte de Damas et se terminant près de l’église du Saint Sépulcre et près de l’entrée du Sûq al-‘Aṭṭârîn (marché des parfumeurs). Ce marché était renommé pour son commerce d’huile d’olive et de tous les produits dérivés. En plus des magasins spécialisés dans le négoce de l’huile, du savon et des pressoirs d’huile, ce marché comptait plusieurs huileries et savonneries qui importaient l’huile des régions avoisinantes pour la fabrication du savon. Soulignons que Jérusalem, durant la période des Mamelouks et des Ottomans, était réputée pour sa fabrication d’huile et de savon.
L’artère principale de Jérusalem intra-muros, selon al-Ḥanbalî, était la rue Khaṭṭ Dâwûd, qui conduisait aux différents marchés" comme le marché des Joaillers, le caravansérail du charbon, le marché des cuisiniers, le marché de la soie, le caravansérail du change
"Les activités commerciales de la Jérusalem ottomane étant intenses .. il y avait 1 320 dukkâns à Jérusalem en 1876. ... 1 920 employés étaient répartis dans différentes spécialités dans les dukkâns de Jérusalem ; ils appartenaient à différentes communautés religieuses soit 807 musulmans, 501 juifs, 357 chrétiens romains, 146 chrétiens latins, 40 chrétiens protestants et 69 chrétiens arméniens... ce chiffre augmenta fortement au milieu du XXe siècle, pour atteindre 3 110 dukkâns en 1947 dont 1 358 tenus par des musulmans, 954 par des chrétiens et 798 par des juifs ." (Musa Sroor, Fondations pieuses en mouvement)
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