17 décembre 2003

 

Discours prononcé par M. Jacques CHIRAC, Président de la

République, relatif au respect du principe de laïcité dans la République

 

Palais de l'Elysée, mercredi 17 décembre 2003

 

Monsieur le Premier ministre, Messieurs les Présidents des Assemblées, Mesdames et

Messieurs les Ministres, Mesdames et Messieurs les Parlementaires, Mesdames,

Messieurs,

Le débat sur le principe de laïcité résonne au plus profond de nos consciences. Il

renvoie à notre cohésion nationale, à notre aptitude à vivre ensemble, à notre capacité à

nous réunir sur l'essentiel.

La laïcité est inscrite dans nos traditions. Elle est au coeur de notre identité

républicaine. Il ne s'agit aujourd'hui ni de la refonder, ni d'en modifier les frontières. Il

s'agit de la faire vivre en restant fidèle aux équilibres que nous avons su inventer et aux

valeurs de la République.

Voilà plus de deux cents ans que la République se construit et se renouvelle en se

fondant sur la liberté, garantie par la primauté de la loi sur les intérêts particuliers, sur

l'égalité des femmes et des hommes, sur l'égalité des chances, des droits, des devoirs,

sur la fraternité entre tous les Français, quelle que soit leur condition ou leur origine.

Dans notre République, chacun est respecté dans ses différences parce que chacun

respecte la loi commune. Partout dans le monde, la France est ainsi reconnue comme la

patrie des droits de l'homme.

Mais le monde change, les frontières s'abaissent, les échanges se multiplient. Dans le

même temps, les revendications identitaires ou communautaires s'affirment ou

s'exacerbent, au risque, souvent, du repli sur soi, de l'égoïsme, parfois même de

l'intolérance.

Comment la société française saura-t-elle répondre à ces évolutions ?

Nous y parviendrons en faisant le choix de la sagesse et du rassemblement des Français

de toutes origines et de toutes convictions. Nous y parviendrons, comme aux moments

importants de notre histoire, en cherchant dans la fidélité à nos valeurs et à nos

principes la force d'un nouveau sursaut.

Sursaut des consciences, pour redécouvrir avec fierté l'originalité et la grandeur de

notre culture et de notre modèle français. Sursaut de l'action, pour inscrire au coeur de

notre pacte républicain l'égalité des chances et des droits, l'intégration de tous dans le

respect des différences. Sursaut collectif, pour qu'ensemble, forts de cette diversité qui

fait notre richesse, nous portions notre volonté, notre engagement, notre désir de vivre

ensemble vers un avenir de confiance, de justice et de progrès.

C'est dans la fidélité au principe de laïcité, pierre angulaire de la République, faisceau

de nos valeurs communes de respect, de tolérance, de dialogue, que j'appelle toutes les

Françaises et tous les Français à se rassembler.

 

* * *

 

Notre peuple, notre Nation, notre

République sont unis par des valeurs communes. Ces valeurs ne se sont pas imposées

aisément. Elles ont parfois divisé les Français avant de contribuer à les réunir. Souvent,

elles se sont forgées dans l'épreuve douloureuse de ces luttes qui traversent notre

histoire et qui marquent notre mémoire.

Depuis les origines de la monarchie jusqu'aux tragédies du siècle dernier, la longue

marche vers l'unité a dessiné notre territoire et forgé notre Etat. De l'Edit de Nantes aux

lois de séparation des églises et de l'Etat, la liberté religieuse et la tolérance se sont

frayé un chemin au travers des guerres de religion et des persécutions. Les droits de

l'homme et ceux du citoyen ont été progressivement conquis, consolidés, approfondis,

depuis la Déclaration de 1789 jusqu'au Préambule de 1946. Ils l'ont été par la

consécration du suffrage universel et le droit de vote des femmes, la liberté de la presse,

la liberté d'association et bien sûr le combat pour faire reconnaître l'innocence du

capitaine Dreyfus.

De l'abolition des privilèges, la nuit du 4 août, à celle de l'esclavage le 27 avril 1848, la

République a proclamé avec force sa foi dans l'égalité et elle a bataillé sans relâche

pour la justice sociale, avec ces conquêtes historiques que sont l'éducation gratuite et

obligatoire, le droit de grève, la liberté syndicale, la sécurité sociale. Elle a su tendre la

main, faire vivre l'égalité des chances, reconnaître le mérite et permettre ainsi la

promotion, jusqu'aux plus hautes fonctions, de femmes et d'hommes issus des milieux

les plus modestes. Aujourd'hui, nous continuons d'avancer résolument pour consolider

les droits des femmes.

Ces valeurs fondent la singularité de notre Nation. Ces valeurs portent notre voix haut

et loin dans le monde. Ce sont ces valeurs qui font la France. * Terre d'idées et de

principes, la France est une terre ouverte, accueillante et généreuse. Uni autour d'un

héritage singulier qui fait sa force et sa fierté, le peuple français est riche de sa diversité.

Une diversité assumée et qui est au coeur de notre identité.

Diversité des croyances, dans cette vieille terre de chrétienté où s'est aussi enracinée

une tradition juive qui remonte à près de deux mille ans. Terre de catholicisme qui a su

dépasser les déchirements des guerres de religion et reconnaître finalement toute leur

place aux protestants à la veille de la Révolution. Terre d'ouverture enfin pour les

Français de tradition musulmane qui sont partie intégrante de notre Nation.

Diversité des régions qui ont progressivement dessiné le visage de notre pays, de l'Ilede-

France aux duchés de Bretagne, d'Aquitaine, de Bourgogne, de l'Alsace et de la

Lorraine jusqu'au comté de Nice, à la Caraïbe, l'océan indien ou le Pacifique Sud.

Et bien sûr, diversité de ces femmes et de ces hommes qui, à chaque génération, sont

venus rejoindre la communauté nationale et pour qui la France a d'abord été un idéal

avant de devenir une patrie.

Immigrés italiens, arrivés massivement avec la première révolution industrielle pour

apporter à notre pays leur talent et leur énergie. Espagnols, chassés par les terribles

déchirements des années trente et venus trouver refuge en France. Portugais, arrivés

dans les années soixante, pleins d'ardeur et de courage. Mais aussi Polonais, Arméniens,

Asiatiques. Ressortissants du Maghreb et de l'Afrique Noire, qui ont si puissamment

contribué à la croissance des " Trente Glorieuses " avant de faire souche sur notre sol.

Tous ont contribué à forger notre pays, à le rendre plus fort et plus prospère, à accroître

son rayonnement en Europe et dans le monde.

Notre drapeau, notre langue, notre histoire : tout nous parle de ces valeurs de tolérance

et de respect de l'autre, de ces combats, de cette diversité qui font la grandeur de la

France. Cette France, celle qui se bat pour la paix, pour la justice, pour les droits de

l'homme, nous en sommes fiers. Nous devons la défendre. Plutôt que de la remettre en

question, chacun doit prendre la mesure de ce qu'elle lui apporte et se demander ce qu'il

peut faire pour elle.

C'est pour que la France reste elle-même que nous devons aujourd'hui répondre aux

interrogations et désamorcer les tensions qui traversent notre société. * Ces facteurs de

tensions, chacun les connaît.

Bien que porteuse de chances nouvelles, la mondialisation inquiète, déstabilise les

individus, les pousse parfois au repli.

Au moment où s'affaissent les grandes idéologies, l'obscurantisme et le fanatisme

gagnent du terrain dans le monde.

Entre la nation française et cette Europe des citoyens que nous souhaitons, chacun de

nous doit redéfinir ses repères.

En même temps, la persistance voire l'aggravation des inégalités, ce fossé qui se creuse

entre les quartiers difficiles et le reste du pays, font mentir le principe d'égalité des

chances et menacent de déchirer notre pacte républicain.

Une chose est sûre : la réponse à ces interrogations n'est pas dans l'infiniment petit du

repli sur soi ou du communautarisme. Elle est au contraire dans l'affirmation de notre

désir de vivre ensemble, dans la consolidation de l'élan commun, dans la fidélité à notre

histoire et à nos valeurs.

Face aux incertitudes du temps et du monde, face au sentiment d'impuissance, parfois à

l'étreinte du désarroi, chacun recherche des références plus personnelles, plus

immédiates : la famille, les solidarités de proximité, l'engagement associatif. Et cette

aspiration est naturelle. Elle est même un atout. Elle témoigne de la capacité des

Françaises et des Français à se mobiliser, à agir, à donner libre cours à leur énergie, à

leurs initiatives.

Pour autant, ce mouvement doit trouver ses limites dans le respect des valeurs

communes. Le danger, c'est la libération de forces centrifuges, l'exaltation des

particularismes qui séparent. Le danger, c'est de vouloir faire primer les règles

particulières sur la loi commune. Le danger, c'est la division, c'est la discrimination,

c'est la confrontation.

Regardons ce qui se passe ailleurs. Les sociétés structurées autour de communautés sont

bien souvent la proie d'inégalités inacceptables.

Le communautarisme ne saurait être le choix de la France. Il serait contraire à notre

histoire, à nos traditions, à notre culture. Il serait contraire à nos principes humanistes, à

notre foi dans la promotion sociale par la seule force du talent et du mérite, à notre

attachement aux valeurs d'égalité et de fraternité entre tous les Français.

C'est pourquoi je refuse d'engager la France dans cette direction. Elle y sacrifierait son

héritage. Elle y compromettrait son avenir. Elle y perdrait son âme.

C'est pourquoi aussi, nous avons l'ardente obligation d'agir. Ce n'est ni dans

l'immobilisme, ni dans la nostalgie, que nous retrouverons une nouvelle communauté

de destin. C'est dans la lucidité, dans l'imagination et dans la fidélité à ce que nous

sommes. * La France a su cette année encore porter, dans tous les domaines de tensions

et de crise, sa parole de paix et de tolérance pour inviter les peuples qui se déchirent au

respect de l'autre.

A l'intérieur de nos frontières, au coeur de notre société, sachons vivre ensemble en

portant la même exigence, la même ambition de respect et de justice !

L'égalité des chances a de tout temps été le combat de la République. La ligne de front

de ce combat passe désormais dans les quartiers. Comment demander à leurs habitants

de se reconnaître dans la Nation et dans ses valeurs quand ils vivent dans des ghettos à

l'urbanisme inhumain, où le non-droit et la loi du plus fort prétendent s'imposer ?

Avec le renforcement de la sécurité, avec le programme de rénovation urbaine pour

détruire les " barres ", avec les zones franches destinées à ramener l'emploi et l'activité

dans les cités, nous enrayons la fatalité et nous retrouvons l'espoir. C'est, pour le

Gouvernement et pour moi-même, un défi et une exigence majeurs.

Faire vivre l'égalité des chances, c'est aussi redonner toute sa force à notre tradition

d'intégration en nous appuyant sur les réussites déjà acquises mais aussi en refusant

l'inacceptable.

Beaucoup de jeunes issus de l'immigration, dont le français est la langue maternelle, et

qui sont, la plupart du temps, de nationalité française, réussissent et se sentent à l'aise

dans une société qui est la leur. Ils doivent être reconnus pour ce qu'ils sont, pour leur

capacité, leur parcours, leur mérite. Ils veulent exprimer leurs succès, leur soif d'agir,

leur insertion, leur pleine appartenance à la communauté nationale.

Ces réussites, il faut également les préparer avec les étrangers qui nous rejoignent

légalement, en leur demandant d'adhérer à nos valeurs et à nos lois. C'est tout l'objet du

contrat d'accueil et d'intégration mis en place par le Gouvernement, à ma demande, et

qui leur est proposé individuellement. Il leur donne accès à des cours de français, à une

formation à la citoyenneté française, à un suivi social, en contrepartie de l'engagement

de respecter scrupuleusement les lois de la République.

Ces réussites, il faut aussi les rendre possibles en brisant le mur du silence et de

l'indifférence qui entoure la réalité aujourd'hui des discriminations. Je sais le sentiment

d'incompréhension, de désarroi, parfois même de révolte de ces jeunes Français issus de

l'immigration dont les demandes d'emplois passent à la corbeille en raison de la

consonance de leur nom et qui sont, trop souvent, confrontés aux discriminations pour

l'accès au logement ou même simplement pour l'entrée dans un lieu de loisir.

Il faut une prise de conscience et une réaction énergique. Ce sera la mission de l'autorité

indépendante chargée de lutter contre toutes les formes de discriminations qui sera

installée dès le début de l'année prochaine.

Tous les enfants de France, quelle que soit leur histoire, quelle que soit leur origine,

quelle que soit leur croyance, sont les filles et les fils de la République. Ils doivent être

reconnus comme tels, dans le droit mais surtout dans les faits. C'est en veillant au

respect de cette exigence, c'est par la refondation de notre politique d'intégration, c'est

par notre capacité à faire vivre l'égalité des chances que nous redonnerons toute sa

vitalité à notre cohésion nationale. * Nous le ferons aussi en faisant vivre le principe de

laïcité qui est un pilier de notre Constitution. Il exprime notre volonté de vivre

ensemble dans le respect, le dialogue et la tolérance.

La laïcité garantit la liberté de conscience. Elle protège la liberté de croire ou de ne pas

croire. Elle assure à chacun la possibilité d'exprimer et de pratiquer sa foi, paisiblement,

librement, sans la menace de se voir imposer d'autres convictions ou d'autres croyances.

Elle permet à des femmes et à des hommes venus de tous les horizons, de toutes les

cultures, d'être protégés dans leurs croyances par la République et ses institutions.

Ouverte et généreuse, elle est le lieu privilégié de la rencontre et de l'échange où chacun

se retrouve pour apporter le meilleur à la communauté nationale. C'est la neutralité de

l'espace public qui permet la coexistence harmonieuse des différentes religions.

Comme toutes les libertés, la liberté d'expression des croyances ne peut trouver de

limites que dans la liberté d'autrui et dans l'observation des règles de la vie en société.

La liberté religieuse, que notre pays respecte et protège, ne saurait être détournée. Elle

ne saurait remettre en cause la règle commune. Elle ne saurait porter atteinte à la liberté

de conviction des autres. C'est cet équilibre subtil, précieux et fragile, construit

patiemment depuis des décennies, qu'assure le respect du principe de laïcité. Et ce

principe est une chance pour la France. C'est pourquoi il est inscrit à l'article premier de

notre Constitution. C'est pourquoi il n'est pas négociable !

Après avoir déchiré la France lors de l'adoption de la grande loi républicaine de

séparation des églises et de l'Etat en 1905, une laïcité apaisée a permis de rassembler

tous les Français. A l'épreuve de bientôt un siècle d'existence, elle a montré sa sagesse

et recueille l'adhésion de toutes les confessions et de tous les courants de pensée.

Pourtant, malgré la force de cet acquis républicain, et comme l'ont notamment montré

les travaux de la Commission présidée par Monsieur Bernard Stasi, Commission à

laquelle je veux à nouveau rendre un hommage tout particulier, l'application du principe

de laïcité dans notre société est aujourd'hui en débat. Certes, il est rarement contesté.

Beaucoup même s'en réclament. Mais sa mise en oeuvre concrète se heurte, dans le

monde du travail, dans les services publics, en particulier à l'école ou à l'hôpital, à des

difficultés nouvelles et grandissantes.

On ne saurait tolérer que, sous couvert de liberté religieuse, on conteste les lois et les

principes de la République. La laïcité est l'une des grandes conquêtes de la République.

Elle est un élément crucial de la paix sociale et de la cohésion nationale. Nous ne

pouvons la laisser s'affaiblir. Nous devons travailler à la consolider.

Pour cela, nous devons assurer effectivement le même respect, la même considération à

toutes les grandes familles spirituelles. A cet égard, l'Islam, religion plus récente sur

notre territoire, a toute sa place parmi les grandes religions présentes sur notre sol. La

création du Conseil Français du Culte Musulman permet désormais d'organiser les

relations entre l'Etat et l'Islam de France. Les musulmans doivent avoir en France la

possibilité de disposer de lieux de culte leur permettant de pratiquer leur religion dans

la dignité et dans la tranquillité. Malgré les progrès récents, il faut reconnaître qu'il reste

encore beaucoup à faire dans ce domaine. Un nouveau pas sera également franchi

quand la formation d'Imams français sera assurée et permettra d'affirmer la personnalité

d'un Islam de culture française.

Le respect, la tolérance, l'esprit de dialogue s'enracineront aussi avec la connaissance et

la compréhension de l'autre auxquelles chacun d'entre nous doit attacher la plus grande

importance. C'est pourquoi il me paraît aujourd'hui primordial de développer

l'enseignement du fait religieux à l'école.

Il faut mener, aussi, avec vigilance et fermeté, un combat sans merci contre la

xénophobie, le racisme et en particulier contre l'antisémitisme. Ne tolérons pas la

banalisation de l'insulte ! Ne minimisons aucun geste, aucune attitude, aucun propos !

Ne laissons rien passer ! C'est une question de dignité.

Nous devons réaffirmer avec force la neutralité et la laïcité du service public. Celle de

chaque agent public, au service de tous et de l'intérêt général, à qui s'impose

l'interdiction d'afficher ses propres croyances ou opinions. C'est une règle de notre

droit, car aucun Français ne doit pouvoir suspecter un représentant de l'autorité

publique de le privilégier ou de le défavoriser en fonction de convictions personnelles.

De la même manière, les convictions du citoyen ne sauraient l'autoriser à récuser un

agent public.

Il faut aussi réaffirmer la laïcité à l'école car l'école doit être absolument préservée.

L'école est au premier chef le lieu d'acquisition et de transmission des valeurs que nous

avons en partage. L'instrument par excellence d'enracinement de l'idée républicaine.

L'espace où l'on forme les citoyens de demain à la critique, au dialogue, à la liberté. Où

on leur donne les clés pour s'épanouir et maîtriser leur destin. Où chacun se voit ouvrir

un horizon plus large.

L'école est un sanctuaire républicain que nous devons défendre, pour préserver l'égalité

devant l'acquisition des valeurs et du savoir, l'égalité entre les filles et les garçons, la

mixité de tous les enseignements, et notamment du sport. Pour protéger nos enfants.

Pour que notre jeunesse ne soit pas exposée aux vents mauvais qui divisent, qui

séparent, qui dressent les uns contre les autres.

Il n'est pas question, bien sûr, de faire de l'école un lieu d'uniformité, d'anonymat, où

seraient proscrits le fait ou l'appartenance religieuse. Il s'agit de permettre aux

professeurs et aux chefs d'établissements, aujourd'hui en première ligne et confrontés à

de véritables difficultés, d'exercer sereinement leur mission avec l'affirmation d'une

règle claire.

Jusqu'à récemment, en vertu d'usages raisonnables et spontanément respectés, il n'avait

jamais fait de doute pour personne que les élèves, naturellement libres de vivre leur foi,

ne devaient pas pour autant venir à l'école, au collège ou au lycée en habit de religion.

Il ne s'agit pas d'inventer de nouvelles règles ni de déplacer les frontières de la laïcité. Il

s'agit d'énoncer avec respect mais clairement et fermement une règle qui est dans nos

usages et dans nos pratiques depuis très longtemps.

J'ai consulté. J'ai étudié le rapport de la Commission Stasi. J'ai examiné les arguments

de la Mission de l'Assemblée nationale, des partis politiques, des autorités religieuses,

des grands représentants des grands courants de pensée.

En conscience, j'estime que le port de tenues ou de signes qui manifestent

ostensiblement l'appartenance religieuse doit être proscrit dans les écoles, les collèges et

les lycées publics.

Les signes discrets, par exemple une croix, une étoile de David, ou une main de Fatima,

resteront naturellement possibles. En revanche les signes ostensibles, c'est-à-dire ceux

dont le port conduit à se faire remarquer et reconnaître immédiatement à travers son

appartenance religieuse, ne sauraient être admis. Ceux-là -le voile islamique, quel que

soit le nom qu'on lui donne, la Kippa ou une croix manifestement de dimension

excessive- n'ont pas leur place dans les enceintes des écoles publiques. L'école publique

restera laïque.

Pour cela une loi est évidemment nécessaire. Je souhaite qu'elle soit adoptée par le

Parlement et qu'elle soit pleinement mise en oeuvre dès la rentrée prochaine. Dès

maintenant je demande au Gouvernement de poursuivre son dialogue, notamment avec

les autorités religieuses, et d'engager une démarche d'explication, de médiation et de

pédagogie.

Notre objectif, c'est d'ouvrir les esprits et les coeurs. C'est de faire comprendre aux

jeunes concernés les enjeux de la situation et de les protéger contre les influences et les

passions qui, loin de les libérer ou de leur permettre d'affirmer leur libre arbitre, les

contraignent ou les menacent.

Dans l'application de cette loi, le dialogue et la concertation devront être

systématiquement recherchés, avant toute décision.

En revanche, et la question a été soulevée, je ne crois pas qu'il faille ajouter de

nouveaux jours fériés au calendrier scolaire, qui en compte déjà beaucoup. De plus, cela

créerait de lourdes difficultés pour les parents qui travaillent ces jours-là. Pour autant, et

comme c'est déjà largement l'usage, je souhaite qu'aucun élève n'ait à s'excuser d'une

absence justifiée par une grande fête religieuse comme le Kippour ou l'Aït-El-Kebir, à

condition que l'établissement en ait été préalablement informé. Il va de soi aussi que des

épreuves importantes ou des examens ne doivent pas être organisés ces jours là. Et des

instructions en ce sens seront données aux recteurs par le ministre de l'éducation

nationale.

Il faut aussi rappeler les règles élémentaires du vivre ensemble. Je pense à l'hôpital où

rien ne saurait justifier qu'un patient refuse, par principe, de se faire soigner par un

médecin de l'autre sexe. Il faudra que la loi vienne consacrer cette règle pour tous les

malades qui s'adressent au service public.

De la même manière, le ministre du travail devra engager les concertations nécessaires

et, si besoin, soumettre au Parlement une disposition permettant au chef d'entreprise de

réglementer le port de signes religieux, pour des impératifs tenant à la sécurité -cela va

de soi- ou aux contacts avec la clientèle.

D'une manière générale, je crois souhaitable qu'un " Code de la laïcité " réunisse tous

les principes et les règles relatifs à la laïcité. Ce code sera remis notamment à tous les

fonctionnaires et agents publics le jour de leur entrée en fonction.

Par ailleurs, le Premier ministre installera auprès de lui un Observatoire de la laïcité

chargé d'alerter les Français et les pouvoirs publics sur les risques de dérive ou

d'atteinte à ce principe essentiel. * Enfin, notre combat pour les valeurs de la

République doit nous conduire à nous engager résolument en faveur des droits des

femmes et de leur égalité véritable avec les hommes. Ce combat est de ceux qui vont

dessiner le visage de la France de demain. Le degré de civilisation d'une société se

mesure d'abord à la place qu'y occupent les femmes.

Il faut être vigilant et intransigeant face aux menaces d'un retour en arrière et elles

existent.

Nous ne pouvons pas accepter que certains, s'abritant derrière une conception

tendancieuse du principe de laïcité, cherchent à saper ces acquis de notre République

que sont l'égalité des sexes et la dignité des femmes. Je le proclame très solennellement

: la République s'opposera à tout ce qui sépare, à tout ce qui retranche, à tout ce qui

exclut ! La règle, c'est la mixité parce qu'elle rassemble, parce qu'elle met tous les

individus sur un pied d'égalité, parce qu'elle se refuse à distinguer selon le sexe,

l'origine, la couleur, la religion.

En matière de droits des femmes, notre société a encore beaucoup de progrès à faire. La

nouvelle frontière de la parité, c'est désormais l'égalité professionnelle entre les femmes

et les hommes. Chacun doit en prendre conscience et agir dans ce sens. Et je compte

m'y engager personnellement dans les prochaines semaines.

* * *

 

Mesdames et Messieurs,

Les débats sur la laïcité, l'intégration, l'égalité des chances, le droit des femmes, nous

posent une même question : quelle France voulons-nous, pour nous et pour nos enfants

?

Nous avons reçu en héritage un pays riche de son histoire, de sa langue, de sa culture,

une Nation forte de ses valeurs et de ses idéaux.

Notre pays, la France, chacun doit en être fier. Chacun doit se sentir dépositaire de son

héritage. Chacun doit se sentir responsable de son avenir.

Sachons transformer les interrogations d'aujourd'hui en atouts pour demain. En

recherchant résolument l'unité des Français. En confirmant notre attachement à une

laïcité ouverte et généreuse telle que nous avons su l'inventer année après année. En

faisant mieux vivre l'égalité des chances, l'esprit de tolérance, la solidarité. En menant

résolument le combat pour les droits des femmes. En nous rassemblant autour des

valeurs qui ont fait et qui font la France.

C'est ainsi que nous resterons une Nation confiante, sûre, forte de sa cohésion. C'est

ainsi que nous pourrons réaffirmer l'ambition qui nous rassemble de bâtir, pour notre

pays et pour nos enfants, un avenir de progrès et de justice.

C'est l'un des grands défis lancé à nos générations. Ce défi, nous pouvons, nous devons,

nous allons le relever ensemble.

Tous ensemble.

Je vous remercie.

 

 

 


 

***

 

 

 

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