Charlotte Grimaldi | Juil 3, 2015 |Clio-texte
Les Frères musulmans
« Nous croyons que les doctrines et les enseignements de l’islam sont universels et gouvernent les affaires des hommes dans ce monde et dans le prochain. Ceux qui croient que ces doctrines et ces enseignements ne s’appliquent qu’aux questions spirituelles et au culte religieux sont dans l’erreur, car l’islam est à la fois… la religion et l’État, l’esprit et le travail, le Livre et le sabre (…).
Les Frères [musulmans] pensent, par-dessus tout, que les fondements et les sources de l’islam proviennent du livre d’Allah [le Coran] (qu’il soit béni et loué) et de la Sunna du Prophète (que la paix et la bénédiction d’Allah soient sur lui) ; si la nation s’y fie, elle ne s’écartera pas de son chemin.
Les Frères musulmans croient également que l’islam, en tant que religion universelle, régit toutes les affaires humaines, s’applique à toutes les nations et à tous les peuples, en tous temps et en tous lieux (…).
C’est pourquoi l’islam a toujours pu tirer bénéfice de tous les systèmes et régimes qui ne contredisent pas ses lois et principes fondamentaux.
De nombreuses personnes demanderont : les Frères musulmans ont-ils l’intention d’utiliser la force pour parvenir à leurs fins ? Les Frères musulmans pensent-ils à une révolution générale contre l’ordre social et politique en Égypte ? (…).
Je réponds à ceux-là que les Frères musulmans n’utiliseront la force qu’en dernier recours, et après que la foi et l’unité auront été établies. [Mais] s’ils utilisent la force, ils le feront de manière honorable et franche et donneront des avertissements (…).
Un autre groupe de personnes dira : le programme des Frères musulmans prévoit-il la prise du gouvernement ? Les Frères musulmans ne veulent pas du pouvoir pour eux-mêmes ; s’ils parviennent à trouver une personne capable de porter ce fardeau et remplir les tâches de gouvernement en accord avec un programme fondé sur l’islam et le Coran, ils seront ses soldats, ses aides et ses soutiens. Mais s’ils ne trouvent pas un tel homme, alors la prise du pouvoir est dans leur programme et ils feront tout ce qui est possible pour faire tomber un gouvernement qui ne remplirait pas les commandements d’Allah (…).
Les Arabes sont le noyau des gardiens de l’islam (…) l’unité des Arabes est un pré-requis essentiel pour la restauration de la gloire de l’islam, le rétablissement de l’État musulman et sa consolidation. C’est pourquoi il est du devoir de chaque musulman de soutenir l’unité arabe et de travailler à son renouveau (…).
Il est vrai que l’islam est une foi religieuse, un culte rendu, mais il est aussi patriotique et nationaliste (…). En tant que tel, l’islam ne reconnaît donc pas de frontières géographiques ni de distinctions de nationalités ou de races, mais considère les musulmans comme membres d’une seule et même nation et la patrie de l’islam comme un seul et même territoire, quelle que puisse être son étendue et aussi loin que soient les pays qui le composent (…). Il devrait donc être évident que les Frères musulmans doivent respecter leur propre nationalisme, le nationalisme égyptien, qui constitue le fondement premier du renouveau qu’ils espèrent. Le soutien au nationalisme arabe vient après et constitue le deuxième maillon du mouvement de renouveau ; pour finir, ils veulent établir une ligue islamique, qui constituerait la meilleure structure pour une future patrie musulmane élargie. Précisons encore que les Frères désirent le bien de l’humanité tout entière et en appelant à l’unité, qui est l’objet et le but de l’islam. »
Hassan Al-Banna, De la doctrine des Frères musulmans [années 1940], in Gérard Chaliand, Arnaud blin (dir.), Histoire du terrorisme. De l’Antiquité à Al Qaida, Paris, Bayard, 2004, pp. 565-566
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Les guerriers de l’islam
« Le jihad musulman est une lutte contre l’idolâtrie, les déviances sexuelles, le pillage, la répression et la cruauté. La guerre lancée par les conquérants [non-musulmans] a au contraire pour but de promouvoir la luxure et le plaisir bestial. Ils ne se soucient pas que des pays soient rayés de la carte et de nombreuses familles se retrouvent sans logis. Mais ceux qui étudient le jihad savent que l’islam veut conquérir le monde entier. Tous les pays conquis par l’islam ou conquis par lui dans le futur se verront accorder le salut éternel. Car ils vivront sous la [Loi de Dieu …].
Ceux qui ne connaissent rien à l’islam prétendent que l’islam désapprouve la guerre. Ceux qui disent cela sont sans cervelle. L’islam dit : tuez les incroyants comme ils vous tueraient tous. Cela veut-il dire que les musulmans doivent s’asseoir et attendre d’être dévorés par les incroyants ? L’islam dit : tuez-les [les non-musulmans], passez-les au fil de l’épée et dispersez leurs armées. Cela veut-il dire que nous devons reculer et attendre que les non-musulmans nous dominent ? L’islam dit : tuez pour servir Allah ceux qui voudraient vous tuer ! Cela veut-il dire que nous devons nous rendre à l’ennemi ? L’islam dit : le bien n’existe que grâce à l’épée et dans l’ombre de l’épée ! Les hommes ne doivent se montrer obéissants qu’envers l’épée ! L’épée est la clé du paradis, qui n’est ouvert qu’aux guerriers saints !
Il existe des centaines d’autres psaumes du Coran et de hadith [les paroles du Prophète] qui appellent les musulmans à vénérer la guerre et à combattre. Cela veut-il dire que l’islam est une religion qui empêche les hommes de faire la guerre ? Je crache sur les simples d’esprit qui osent l’affirmer. »
Ayatollah Ruhollah Khomeyni, L’islam n’est pas une religion de pacifistes [1942], in Gérard Chaliand, Arnaud blin (dir.), Histoire du terrorisme. De l’Antiquité à Al Qaida, Paris, Bayard, 2004, p. 567
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Le martyre est la liberté
« L’islam a grandi dans le sang. Les grandes religions des précédents prophètes et la capitale religion de l’islam, tout en brandissant d’une main les livres saints pour guider le peuple, brandissent des armes dans l’autre. Abraham (…) tenait d’une main les livres des prophètes, et dans l’autre, une hache pour écraser les infidèles. Moïse, l’interlocuteur de Dieu (…) tenait dans une main le Pentateuque et dans l’autre une lance, qui fit mordre aux Pharaons la poussière de l’ignominie, une lance qui avalait les traîtres, tel un dragon. Le grand prophète de l’islam tenait dans une main le Coran et dans l’autre une épée ; une épée pour écraser les traîtres et le Coran pour guider le peuple. Ceux qui pouvaient être guidés l’étaient par le Coran, qui les menait, mais ceux qui ne pouvaient être guidés et complotaient, l’épée s’abattait sur eux.
Nous avons été prodigues de notre sang et eu de nombreux martyrs. L’islam a donné du sang et des martyrs. Nous n’avons pas peur de donner des martyrs (…) Quoi que nous donnions pour l’islam est insuffisant. Nos vies ne valent rien. Laissez ceux qui voudraient nous voir malades croire que nos jeunes ont peur de la mort ou du martyre. Le martyre est un héritage qui nous vient des prophètes. Ceux qui craignent la mort sont ceux qui pensent qu’après la mort, vient le néant. Nous, qui considérons la vie après la mort comme bien plus sublime que celle-ci, que pouvons-nous craindre ? Seuls les traîtres ont peur. Les serviteurs de Dieu n’ont pas peur. Notre armée, notre gendarmerie, nos gardiens n’ont pas peur. Les gardiens qui ont été tués (…) ont atteint la vie éternelle (…).
Ces gens qui veulent la liberté, qui veulent que nos jeunes soient libres, écrivent avec effusion sur la liberté de nos jeunes. Quelle liberté désirent-ils ? (…). Ils veulent que des casinos soient ouverts, que des bars soient ouverts, que les lieux de débauche soient ouverts, que les drogués à l’héroïne soient libres, que les fumeurs d’opium soient libres. Ils veulent que les mers [référence aux bains mixtes] soient ouvertes pour tous les jeunes. Nos jeunes doivent être libres de faire ce qu’ils veulent. De se livrer à toutes les formes de prostitution qu’ils désirent. C’est ce que veut l’Occident. Leur but est d’émasculer notre jeunesse, qui pourrait se lever contre eux. Nous voulons que notre jeunesse quitte les bars et rejoigne les champs de bataille.
Nous voulons sortir nos jeunes de ces [salles de cinéma] qui ont été créées pour les corrompre, et les prendre par la main pour les placer en des endroits où ils peuvent servir la nation. Cette liberté que ces gens désirent est la liberté dictée par les puissants, et soit nos écrivains ne le savent pas, soit ce sont des traîtres (…). »
Ayatollah Ruhollah Khomeyni, Discours à l’école théologique de Feyziyeh [24 août 1979], in Gérard Chaliand, Arnaud blin (dir.), Histoire du terrorisme. De l’Antiquité à Al Qaida, Paris, Bayard, 2004, p. 574
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La mission de nos jeunes
« Aujourd’hui a commencé le jihad au nom de Dieu afin d’expulser l’ennemi [les troupes américaines stationnées en Arabie Saoudite] qui occupe la terre des deux Lieux saints. En raison du déséquilibre entre nos forces armées et celles de l’ennemi, nous devons adopter le moyen le plus approprié, c’est-à-dire le recours à des unités légères et rapides agissant dans le plus grand secret. J’ai un message très important à transmettre aux jeunes de l’islam en cette époque difficile. Les jeunes – que Dieu les protège – ont brandi l’étendard du jihad contre l’alliance américano-israélienne qui occupe les Lieux saints de l’islam. Ils sont les meilleurs descendants des plus grands de nos ancêtres. Nos jeunes croient au paradis après la mort. Ils savent que s’ils luttent contre vous, les États-Unis, leur récompense sera le double de ce qu’elle serait s’ils luttaient contre un ennemi autre que les peuples du livre [les juifs et les chrétiens]. Leur seul but est d’aller au paradis en vous tuant. Un infidèle, un ennemi de Dieu tel que vous, ne peut pas se retrouver dans le même enfer que l’homme pieux qui l’exécute. Lorsqu’on les menace en disant : « Les tyrans vous tueront », ils répondent : « Ma mort est une victoire. Je n’ai pas trahi le roi, mais lui a trahi notre foi en laissant entrer dans le saint pays l’espèce humaine la plus abjecte. » Depuis plus de dix ans, nos jeunes portent des armes sur leurs épaules en Afghanistan et jurent à Dieu qu’ils continueront, aussi longtemps qu’ils vivront, à porter les armes contre vous jusqu’à ce que – si Dieu le veut – vous soyez expulsés, vaincus et humiliés. Ces jeunes sont différents de vos soldats. Votre problème sera de convaincre vos troupes de combattre, alors que notre problème sera de retenir nos jeunes et de les faire patienter jusqu’à ce que vienne leur tour de se lancer dans le combat et d’accomplir leur mission. Ces jeunes sont dignes de louanges. Nos jeunes savent que seuls le jihad et les explosions pourront effacer l’humiliation endurée par les musulmans depuis l’occupation de leurs Lieux saints. Ils savent que celui qui n’est pas tué mourra de toute façon, et que la mort la plus honorable est d’être tué en combattant dans la voie de Dieu. »
Oussama ben Laden, Déclaration [extraits, 1996], in Gérard Chaliand, Arnaud blin (dir.), Histoire du terrorisme. De l’Antiquité à Al Qaida, Paris, Bayard, 2004, p. 575
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Les kamikazes palestiniens
Tantawi vient de dire que le fait que les Palestiniens soient forcés à effectuer des attentats suicides démontre la gravité de l’injustice qui leur est faite.
« Que peut faire un homme quand l’injustice grandit et qu’il ne trouve personne pour l’en protéger ? Il est alors contraint à la légitime défense de son âme, de son honneur et de sa terre [… Je n’ai] pas d’autre choix que d’implorer nos frères en Palestine de se défendre, de défendre leurs droits, leur terre et leur honneur. Je leur dis : « Défendez-les avec tous les moyens jugés légitimes par l’islam et une éthique noble sans agresser ni faire de tort à quiconque. »
Les lois divines désapprouvent le meurtre des enfants, des personnes âgées et des citoyens paisibles, mais ceux qui commettent des attaques suicides sont dans un état de légitime défense face à ceux qui ne montrent pas de pitié envers les personnes âgées, les enfants et les femmes (…). Ceux qui qualifient ces actes de haram [contraires à la charia] devraient se demander ce qui les motive.
Pourquoi des jeunes gens devraient-ils se sacrifier ? Qu’attendre d’autre des Palestiniens lorsque le Premier ministre israélien ne cesse de répéter que Jérusalem est la capitale éternelle d’Israël, ce qu’aucun raisonnement ni aucune religion ne peut accepter ? L’injustice nourrit les explosions et une personne à qui l’on fait du tort peut se sacrifier. Les personnes honorables préfèrent mourir plutôt que de vivre dans l’humiliation (…).
Je dis aux Israéliens : vous êtes responsables de ce qui arrive. Lorsque les terres sont volées et que l’injustice augmente, la furie se répand et les explosions se produisent pour y faire face. Je vois des rabbins juifs pousser à l’injustice. Dois-je pour autant rester silencieux ? Je dis aux Palestiniens : défendez-vous par tous les moyens. Je dis aux rabbins juifs : dites la vérité et exigez de votre gouvernement qu’il soit plus juste et s’abstienne de tout racisme et de toute bigoterie. Les religions ont été révélées par Dieu pour le bonheur de l’humanité. Elles prêchent la paix, le droit à la sécurité et le maintien des droits de ceux qui le méritent. Elles abhorrent l’injustice, le terrorisme et la destruction de vies. »
Cheikh Mohamed Sayyed Tantawi [recteur de l’université islamique Al-Azhar du Caire], Les attentats suicides sont de la légitime défense
[8 avril 1997], in Gérard Chaliand, Arnaud blin (dir.), Histoire du terrorisme. De l’Antiquité à Al Qaida, Paris, Bayard, 2004, p. 576
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Front islamique mondial
« La péninsule arabique [L’Arabie Saoudite], depuis que Dieu l’a faite plate, a créé son désert et l’a entouré de mers, n’a jamais été prise d’assaut par des forces comme les armées croisées, qui s’y répandent telles des sauterelles, mangeant ses richesses et détruisant ses plantations. Cela se produit à une époque où des nations attaquent les musulmans comme des individus se disputant un plat de nourriture. À la lumière de cette situation grave et du manque de soutien, nous sommes obligés de discuter de ces événements et devons nous accorder pour régler le problème. Personne ne conteste aujourd’hui ces faits connus de tous. Nous en dressons la liste afin de les rappeler à tous :
Premièrement, les États-Unis occupent depuis plus de sept ans la terre de l’islam en son lieu le plus sacré, la péninsule arabique, pillant ses richesses, dictant leur conduite à ses souverains, humiliant son peuple, terrorisant ses voisins et transformant ses bases dans la péninsule en fer de lance pour combattre les peuples musulmans des environs. Si certaines personnes ont pu contester l’existence de cette occupation, tous les habitants de la péninsule en sont aujourd’hui conscients. Preuve en sont les continuelles agressions américaines contre le peuple irakien à partir de ces bases dans la péninsule, qui se font à l’encontre de la volonté de ses souverains, qui ne peuvent les empêcher.
Deuxièmement, malgré les immenses dégâts causés sur le peuple irakien par l’alliance des croisés et des sionistes, et malgré le grand nombre de morts, qui dépasse le million (…) malgré cela, les Américains perpétuent leur embargo, imposé après leur guerre féroce, cause de fragmentation et de dévastation. Ils sont ici pour annihiler ce qui reste de ce peuple et pour humilier ses voisins musulmans.
Troisièmement, si les véritables buts américains derrière ces guerres sont économiques et religieux, leur but est également de servir le minuscule État juif et de détourner l’attention de l’occupation de Jérusalem et du meurtre des musulmans qui s’y produit. Preuve en est leur impatience à vouloir réduire l’Irak, l’Arabie Saoudite, l’Égypte et le Soudan à des États fantoches et, à travers leur démantèlement et leur affaiblissement, assurer la survie d’Israël et la poursuite de la brutale occupation de la péninsule par les croisés.
Tous ces crimes et ces péchés commis par les Américains sont une déclaration de guerre ouverte à Dieu, à son messager et aux musulmans. L’Ulama a toujours considéré, au cours de l’histoire de l’islam, que le jihad est un devoir individuel lorsque l’ennemi détruit les pays musulmans. Cela a été révélé par l’imam Ben Qamada dans l’al-Mughni, l’imam Al-Kisa’i dans l’al-Bada’i, par Al-Qurbuti dans son interprétation et par le cheikh de l’Al-Islam dans ses livres, où il écrit : « Le combat pour repousser l’ennemi a pour but la défense de la sainteté et de la religion et c’est un devoir tel que défini par l’Ulama. Rien n’est plus sacré que la croyance et que de repousser un ennemi qui s’attaque à la religion et à la vie. » Sur cette base, et conformément à la volonté de Dieu, nous lançons la fatwa suivante à tous les musulmans :
Tuer les Américains et leurs alliés, civils et militaires, est un devoir individuel pour chaque musulman qui peut le faire dans tous les pays où cela est possible, afin de libérer la mosquée d’Al-Aqsa et la sainte mosquée de La Mecque de leur emprise et pour obliger leurs armées à quitter la terre sainte de l’islam, vaincues et incapables de menacer un musulman. Cela est conforme à la volonté du Dieu tout-puissant : « Combats les païens dans leur ensemble comme ils te combattent dans leur ensemble » et « combats-les jusqu’à ce que le tumulte et l’oppression cessent et que règnent la justice et la foi en Dieu ».
Cela s’ajoute aux paroles du Dieu tout-puissant : « Pourquoi ne te battrais-tu pas pour la cause de Dieu et pour ceux qui, faibles, sont maltraités et oppressés ? Les femmes et les enfants qui crient “notre Seigneur, sors-nous de cette ville, ces gens sont des oppresseurs ; et lève-Toi pour nous, Toi le miséricordieux !“ » Nous, avec l’aide de Dieu, appelons tous les musulmans croyant en Dieu et voulant être récompensés pour avoir obéi à l’ordre de Dieu, à tuer les Américains et à piller leurs richesses, en tout endroit et à tout instant. »
Front islamique mondial, Déclaration : le jihad contre les juifs et les croisés [23 février 1998][167], in Gérard Chaliand, Arnaud blin (dir.), Histoire du terrorisme. De l’Antiquité à Al Qaida, Paris, Bayard, 2004, pp. 577-578
Vers l’établissement d’une base fondamentaliste au cœur du monde musulman
« De même que la victoire des armées n’est effective que lorsque l’infanterie occupe le terrain, de même la victoire du mouvement islamique du jihad contre la coalition universelle ne sera réelle que par la possession d’une base islamique au sein du monde musulman, et tous les moyens (…) pour mobiliser l’oumma et l’enrôler resteront vains tant qu’un califat ne sera pas créé au sein du monde musulman.
Nour al-Din et Saladin (que Dieu les garde !) ont mené des dizaines de batailles afin que Nour al-Din puisse débarrasser Damas des hypocrites puis unifier la Syrie sous sa direction. Ensuite, il envoya en Égypte Saladin, qui mena bataille sur bataille afin de soumettre l’Égypte ; une fois l’Égypte et la Syrie unifiées après la mort de Nour-al-Din, le sultan moujahid Saladin a pu l’emporter à Hattin puis libérer Jérusalem. Et ce n’est qu’alors que la roue de l’histoire s’est mise à tourner contre les Croisés.
Si les opérations réussies contre les ennemis de l’islam et les graves torts qui leurs sont infligés ne s’insèrent pas dans un plan visant à établir un État islamique au sein du monde musulman, ils demeureront, quelle que soit leur ampleur, de simples entreprises de harcèlement, qui pourront être contenues puis dépassées, après un laps de temps et malgré quelques pertes.
Certes, l’établissement d’un État islamique au sein du monde musulman n’est pas une tâche aisée ni une entreprise facile, mais c’est dans la restauration du califat que réside l’espoir de l’oumma. Et si le but du mouvement jihadiste dans le monde musulman en général, et en Égypte en particulier, est de contribuer à un réel changement en établissant un État musulman, il ne doit ni précipiter l’affrontement, ni retarder la victoire.
Le mouvement combattant doit préparer ses plans et rassembler ses moyens, puis mobiliser ses partisans afin d’engager la bataille au moment et à l’endroit qu’il aura choisi. (…) »
Frapper les Américains et les Juifs
« Si les forces de l’oppression nous mènent à la bataille à un moment que nous n’aurons pas choisi, nous devrons répondre sur le terrain que nous aurons décidé : à savoir, frapper les Américains et les Juifs dans nos pays. Cela présente trois intérêts :
– premièrement, nous portons un coup au maître qui protège son valet ;
– deuxièmement, nous mettons l’oumma de notre côté, en visant l’objectif qu’elle souhaite atteindre avec l’agresseur dont elle pâtit ;
– troisièmement, nous montrons au peuple musulman que lorsque le régime nous réprime, c’est pour défendre ses maîtres américains et juifs, découvrant ainsi son affreux visage, celui du policier vénal et dévoué aux occupants, ennemis de l’oumma.
Si notre objectif est le changement total et si notre voie est, comme nous l’enseignent le Coran et notre Histoire, une longue marche de jihad et de sacrifices, nous ne devons pas perdre l’espoir devant la répétition des coups et la récurrence des catastrophes, ni déposer les armes quels que soient nos pertes et nos sacrifices. Car souvenons-nous que les États ne s’écroulent pas subitement mais de haute lutte. »
Déplacer le combat chez l’ennemi
« Notre mouvement islamique et son avant-garde jihadiste ainsi que l’oumma tout entière doivent amener au combat les principaux criminels : les États-Unis, la Russie et Israël, plutôt que de les laisser, de loin et en sûreté, mener la bataille entre le mouvement jihadiste et nos gouvernements ; au contraire, il faut qu’ils paient, et cher.
Les maîtres de Washington et de Tel-Aviv utilisent les gouvernements pour défendre leurs intérêts afin qu’ils combattent à leur place les musulmans. Mais si les éclats du combat parviennent jusqu’à leurs domiciles et les atteignent, alors ils se querelleront avec leurs agents. Ils seront dès lors face à une alternative, dont les termes sont aussi amers l’un que l’autre : soit mener eux-mêmes la bataille contre les musulmans, laquelle se transformera en jihad déclaré contre les infidèles, soit reconsidérer leurs plans après avoir reconnu l’échec de l’affrontement violent et injuste avec les musulmans.
C’est pourquoi nous devons déplacer le combat sur le terrain de l’ennemi afin de brûler les mains de ceux qui allument l’incendie chez nous.
On ne peut mener un combat pour la fondation d’un État musulman comme un combat régional. Au vu de ce qui précède, il est clair que l’alliance judéo-croisée menée par les États-Unis ne permettra à aucune force musulmane de parvenir au pouvoir dans aucun autre pays musulman. Si jamais cela arrivait, elle mobiliserait toutes ses forces pour l’abattre et la chasser du pouvoir, elle ouvrirait un champ de bataille à l’échelle mondiale, et punirait tous ceux qui soutiendraient la force en question, quand elle ne mènerait pas elle-même la guerre. Donc, au vu de cette situation nouvelle, nous devons nous préparer à un combat qui ne se limite pas à une région mais implique l’ennemi intérieur apostat comme l’ennemi extérieur judéo-croisé. (…)
L’union face à l’ennemi commun : notre mouvement jihadiste doit comprendre que la moitié du chemin vers la victoire sera atteint par son union, son unité et le dépassement des questions mineures, le sacrifice de soi et la prise en compte des intérêts de l’islam au-dessus des conflits de personnes. (…)
Il faut se regrouper autour des États combattants et les soutenir. Le premier de tous les devoirs est de soutenir et d’aider l’Afghanistan et la Tchétchénie, les défendre par la parole, l’action et la consultation, car ils constituent le vrai capital de l’islam à notre époque. C’est (…) pour les écraser que la croisade judéo-chrétienne s’est constituée. Mais nous ne devons pas nous contenter de les conserver et devons faire tout notre possible pour déplacer le combat au cœur du monde islamique, qui constitue le vrai champ de bataille pour la défense de l’islam.
D’ailleurs, ces deux citadelles imprenables pourraient ne pas nous être très utiles pour plusieurs raisons, notamment l’extraordinaire pression à laquelle elles sont soumises et leur apparente faiblesse. C’est pourquoi il nous faut régler ce problème par nous-mêmes plutôt que de les exposer davantage à la pression et aux coups ; cela constitue peut-être un des grands problèmes du mouvement jihadiste, mais aussi dur soit-il, il sera, avec l’aide de Dieu, réglé. Quant à celui qui craint Dieu, Dieu donnera une issue favorable à ses affaires ; il lui accordera ses dons par des moyens sur lesquels il ne comptait pas. »
Du choix des cibles et de l’importance des opérations-martyre
« Changer de style de provocation et d’attaque : le mouvement islamique du jihad doit multiplier ses attaques et ses moyens de résistance envers ses ennemis afin de faire face à leur augmentation extraordinaire, à la qualité de leurs armes, à leur puissance de destruction, à leur mépris de tous les interdits, et même des lois de la guerre.
Il faut :
– prendre soin de provoquer le plus de dégâts chez l’ennemi, tuer le plus de gens, car c’est le seul langage que comprenne l’Occident ;
– quoi que coûtent ces opérations en effort et en temps ; se concentrer sur les opérations-martyre, qui sont les plus aptes à infliger des pertes à l’ennemi et moins coûteuses en moujahidines ;
– choisir les cibles ainsi que le type d’arme utilisée de telle sorte qu’elles atteignent les points sensibles de l’ennemi afin de le dissuader de toute oppression, mépris et violation de toutes les coutumes et choses sacrées, et que, grâce à ce combat, il reprenne sa place normale ;
– réaffirmer que, à ce stade de la lutte, se limiter à l’ennemi intérieur serait vain.
– Notre bataille est celle de tout musulman : et ce qu’il faut réaffirmer, c’est que ce combat qu’il faut mener pour la défense de notre foi, de notre oumma, de nos lieux saints, de notre honneur, de nos valeurs, de nos richesses et nos biens, est celui de tout musulman, petit ou grand, jeune ou vieux. C’est une lutte qui touche chacun de nous dans son travail, sa famille, ses enfants et sa dignité.
– Pour se mettre en branle, les masses ont besoin :
– d’une direction dans laquelle elles ont confiance, qu’elles suivent et dont elles comprennent le discours ;
– d’un ennemi bien défini envers lequel diriger leurs coups ;
– de rompre la chaîne de la crainte et les liens de l’impuissance.
Ces conditions nous montrent les conséquences désastreuses de ce que l’on appelle l’initiative d’arrêt de la violence, et d’autres appels visant à discréditer la direction du mouvement et à ramener l’oumma à l’impuissance et à la crainte.
Afin de le démontrer, demandons-nous : quels hauts faits pourrons-nous relater aux nouvelles générations ?
Leur raconterons-nous que nous avons pris les armes contre nos ennemis puis que nous les avons déposées, et leur avons demandé d’accepter notre reddition ?
Du point de vue du jihad, de quelle valeur pourront tirer parti ces générations ?
Faire passer notre message aux masses de l’oumma et briser l’embargo médiatique imposé au mouvement jihadiste, c’est une bataille indépendante que nous devons mener de front avec la bataille militaire.
Libérer l’oumma, attaquer les ennemis de l’islam et mener contre eux le jihad exige un pouvoir islamique, sur un territoire musulman, qui dresse l’étendard du jihad et regroupe autour de lui les musulmans. Si cet objectif n’est pas atteint, notre action se limitera à de simples opérations de harcèlement qui ne porteront pas leurs fruits : la restauration du califat, et le départ des envahisseurs des terres d’islam.
Cet objectif doit être le but principal du mouvement islamique, quels que soient les sacrifices qu’il nécessite, quel que soit le temps qu’il demande et quoi que nous endurions pour l’atteindre. »
Ayman al-Zawahiri, « Cavaliers sous l’étendard du Prophète » [publié à partir du 2 décembre 2001 dans le quotidien panarabe Al-Sharq al-Awsat], in Gilles Kepel (dir.), Al-Qaida dans le texte, Paris, Puf, 2005, pp. 297-309
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Au peuple américain
« Louange à Dieu, qui a créé l’univers pour ses créatures, leur a ordonné d’être justes et a permis à l’opprimé de se venger de l’oppresseur !
Que la paix soit sur celui qui suit le droit chemin !
Peuple américain, ce discours que je vous adresse a pour sujet le meilleur moyen d’éviter un second Manhattan, les causes et les conséquences de la guerre. En guise d’introduction, je vous dirai que la sécurité est un élément important de la vie, et que les hommes libres ne négligent pas leur sécurité, contrairement à ce que prétend Bush lorsqu’il dit que nous détestons la liberté. Qu’il nous dise donc pourquoi nous n’avons pas attaqué la Suède, par exemple ?
Ceux qui détestent la liberté n’ont pas des âmes fières comme celles des dix-neuf (que Dieu ait leurs âmes !). C’est parce que nous sommes libres que nous avons combattu et parce que nous ne sommes pas hommes à nous endormir sous l’oppression. Au contraire, nous voulons rendre leur liberté à nos pays, et puisque vous réduisez à néant notre liberté, nous faisons de même avec la vôtre. Seul un malfaiteur stupide peut badiner avec la sécurité des autres en espérant rester en sûreté ; en revanche, les gens sensés, lorsque surviennent les catastrophes, s’empressent d’en chercher les causes.
Mais vous m’étonnez, car bien que trois ans se sont écoulés depuis les événements du 11 septembre, Bush continue à brouiller les pistes et à masquer les causes réelles, ce qui fait que les motifs d’une répétition sont toujours là. Je vais donc vous informer des causes de ces événements, et vous parler franchement des moments qui m’ont amené à prendre cette décision, pour vous inciter à réfléchir. Dieu est témoin que nous n’aurions jamais pensé à détruire les tours si nous n’avions pas assisté à tant d’injustice et d’oppression de la part de l’alliance américano-israélienne contre les nôtres en Palestine et au Liban, au point que, la mesure étant pleine, nous y avons songé.
Les événements qui m’ont personnellement marqué remontent à 1982 et tout ce qui s’ensuivit, lorsque l’Amérique donna son feu vert aux Israéliens pour envahir le Liban, avec le soutien de la troisième flotte américaine. Lorsque les bombardements ont commencé, beaucoup furent tués ou blessés, d’autres furent effrayés et dispersés, et je me souviens encore de ces images insoutenables de sang, de membres déchiquetés, de femmes et d’enfants abattus partout, d’habitations détruites sur leurs habitants, et de tours qui en s’écrasant les ensevelissent, d’obus pleuvant impitoyablement sur nos terres. On aurait dit un crocodile qui s’est emparé d’un enfant, lequel ne peut que crier. Dites-moi : le crocodile comprend-il un autre langage que celui de la force ? Le monde assistait passivement à cette tragédie et, dans ces moments difficiles, ont bouillonné en moi de nombreuses pensées, qui sont indescriptibles mais qui engendrèrent un désir ardent de rejeter l’injustice et une ferme détermination à punir les oppresseurs.
C’est en regardant ces tours détruites au Liban que l’idée m’est venue de rendre la monnaie de sa pièce au bourreau et de détruire les tours de l’Amérique, afin qu’elle endure un peu de ce que nous avions enduré et cesse de tuer nos femmes et nos enfants. Depuis ce jour, je me suis rendu compte que tuer délibérément des femmes et des enfants innocents est une loi américaine bien établie : la terreur d’État s’appelle la liberté et la démocratie, mais la résistance s’appelle terrorisme et réaction. Ainsi en est-il de l’injustice et de l’embargo jusqu’à ce que mort s’ensuive, comme l’avait fait Bush père en Irak, en causant le plus grand massacre d’enfants, ou des bombardements massifs de millions d’enfants, comme l’a fait Bush fils pour renverser un ancien complice et le remplacer par un autre, afin de voler le pétrole irakien, entre autres crimes.
C’est sur ce décor que sont survenus les événements du 11 septembre, comme une réplique à ces énormes injustices, car peut-on blâmer celui qui ne fait que se défendre ? Se défendre et punir l’oppresseur, c’est aussi du terrorisme ? S’il en est ainsi, nous n’avions pas d’autre choix.
Voilà le message que je vous ai envoyé, en paroles et en actes, à plusieurs reprises, depuis plusieurs années, bien avant les événements du 11 septembre. Lisez-le, si vous le souhaitez, dans mon entretien de 1996 avec Scott pour le magazine Time, dans mon entretien de 1997 avec Peter Arnett pour CNN, dans mon entretien de 1998 avec John Water ; lisez-le en actes, si vous le souhaitez, à Nairobi, en Tanzanie, et à Aden ; lisez-le dans mon entretien avec Abd al-Bari Atwan comme dans mes deux entretiens avec Robert Fisk, c’est l’un des vôtres, et j’estime qu’il est objectif. Les prétendus défenseurs de la liberté à la Maison-Blanche, et les chaînes de télévision qui sont à leurs bottes, se sont-ils souciés de s’entretenir avec eux afin de transmettre au peuple américain ce qu’ils avaient compris des raisons de notre combat contre vous ?
Si vous évitez ces causes, vous serez sur la bonne voie pour jouir de la sécurité dont vous jouissiez avant le 11 septembre 2001 ; voilà pour la guerre et ses causes.
Quant à ses conséquences, elles sont, grâce à Dieu tout-puissant, très positives, dépassant tout attente et toute mesure, pour plusieurs raisons. Nous n’avons eu aucun mal à traiter avec l’administration Bush car elle ressemble aux régimes de nos pays, dont la moitié est gouvernée par des militaires, et l’autre par des fils de rois ou de présidents. Nous les connaissons bien, les deux espèces se caractérisent par la morgue et l’arrogance, l’avidité et le détournement de fonds.
Cette ressemblance s’est manifestée depuis les visites de Bush dans la région. Alors que certains, chez nous, éblouis par l’Amérique, espéraient que ces visites allaient avoir de l’influence sur nos pays, c’est lui qui a été influencé par les gouvernements monarchiques et militaires, enviant leur longévité au pouvoir et leur habileté à voler la nation, sans encourir la moindre peine ; il a donc transmis le despotisme et le mépris des libertés à son fils, qui en a fait une « loi patriotique », sous prétexte de combattre le terrorisme.
Bush père a réussi à placer ses fils à la tête des États, sans négliger la fraude électorale, exportée de chez nous en Floride, pour les moments difficiles.
Comme nous l’avons déjà dit, il nous a été facile de provoquer cette administration et de l’amener là où nous le souhaitions ; il nous suffit d’envoyer en Extrême-Orient deux moujahidines soulever une banderole d’Al-Qaida pour que les généraux s’y pressent, augmentant ainsi les pertes humaines, financières et politiques, sans rien faire de notable, excepté quelques bénéfices pour leurs sociétés privées.
De même que nous avons appris à mener la guérilla et la guerre d’usure contre les superpuissances iniques : avec les moujahidines, nous avons durant dix ans épuisé la Russie au point qu’elle a fait faillite et s’est retirée battue, grâces soient rendues à Dieu ! Nous poursuivrons cette politique d’usure avec l’Amérique jusqu’à ce qu’elle fasse faillite, s’il plaît à Dieu, car c’est pour Lui peu de chose.
Dire qu’Al-Qaida a vaincu l’administration de la Maison-Blanche, ou que l’administration de la Maison-Blanche a perdu cette guerre, n’est pas exact, car à bien considérer les résultats, on ne peut dire qu’Al-Qaida a, seule, le mérite de ces énormes acquis ; on peut même dire que la direction de la Maison-Blanche a tout fait pour ouvrir des fronts afin de faire travailler des entreprises de toutes sortes, qu’il s’agisse d’entreprises d’armement, de pétrole ou de construction, elles ont toutes participé à la réalisation de ces objectifs considérables pour Al-Qaida.
Comme l’ont dit certains observateurs et ambassadeurs : la Maison-Blanche et nous jouons comme une équipe mais pour marquer des buts contre l’économie américaine, même si les intentions sont différentes, chose qu’a déclarée le diplomate américain dans sa conférence à l’Institut royal des affaires internationales.
Par exemple, Al-Qaida a dépensé 500 000 dollars pour l’opération du 11 septembre, alors que l’Amérique a perdu dans l’événement et ses répercussions, au bas mot, 500 milliards de dollars, c’est-à-dire que chaque dollar d’Al-Qaida a vaincu 1 million de dollars, grâce à Dieu tout-puissant.
Outre la perte d’un nombre énorme d’emplois, elle a vu son déficit financier augmenter ; celui-ci a atteint des chiffres records et astronomiques, s’élevant à plus d’un million de dollars [sic].
Mais le plus dangereux pour l’Amérique, c’est que les moujahidines ont forcé Bush, dernièrement, à avoir recours à un budget d’urgence pour continuer le combat en Afghanistan et en Irak, ce qui montre le succès de la guerre d’usure jusqu’à la faillite, si Dieu le permet.
Cela montre le succès d’Al-Qaida, c’est vrai, mais cela prouve aussi que l’administration Bush y a gagné, si l’on considère les énormes contrats qu’ont obtenus les grandes sociétés frauduleuses, comme Halliburton et compagnie, liées à Bush et à son administration ; le vrai perdant, c’est vous, c’est le peuple américain et son économie.
Pour mémoire, sachez que nous nous étions mis d’accord avec l’émir général, Mohammed Atta (que Dieu ait son âme !), pour qu’il accomplisse sa mission en vingt minutes, avant que Bush et son administration n’y prennent garde, mais il ne nous serait jamais venu à l’esprit que le chef suprême des forces armées américaines allait laisser 50 000 concitoyens dans les deux tours affronter seuls ces tourments, au moment où ils avaient le plus grand besoin de lui, car il préférait écouter la conversation d’une fillette parlant de sa chèvre et de ses coups de corne, plutôt que de se soucier des avions et de leurs coups de corne contre les gratte-ciel, ce qui nous a laissé trois fois le temps nécessaire pour accomplir notre mission, Dieu en soit loué !
De même que chacun sait que les intellectuels américains et les hommes les plus brillants avaient bien averti Bush avant la guerre, en lui disant : « Vous avez tout ce qu’il faut pour assurer la sécurité de l’Amérique en éliminant les armes de destruction massive, à condition qu’elles existent ; les autres États seront avec vous pour poursuivre les inspections ; l’intérêt de l’Amérique n’est pas d’être entraînée dans une guerre injustifiée à l’issue incertaine. » Hélas, l’or noir l’a aveuglé, et il a préféré les intérêts privés à l’intérêt de l’Amérique. C’est ainsi que la guerre a été déclenchée et que beaucoup sont morts, que l’économie américaine en pâtit et que Bush s’est empêtré dans le bourbier irakien : Telle une chèvre maudite qui, de son sabot,gratte le sol où gît un couteau.
Je vous rappelle que, chez nous, plus de 15 000 personnes ont été tuées et des dizaines de milliers blessées, de même que, chez vous, plus de 1 000 ont été tuées et plus de 10 000 blessées. Bush s’est sali les mains de tous ces morts, des deux côtés, pour mettre la main sur le pétrole, au bénéfice des sociétés privées.
Sachez que la nation qui punit le faible lorsqu’il tue l’un de ses hommes pour de l’argent et qui laisse courir le fort lorsqu’il tue plus de mille de ses hommes pour de l’argent (…) De même qu’en Palestine, vos alliés terrorisent les femmes et les enfants, tuent et emprisonnent les hommes puis s’en retournent dormir au sein de leurs familles. Je veux seulement vous rappeler que toute action entraîne une réaction. Et enfin, vous devez vous préoccuper des testaments des milliers de personnes qui vous ont quittés le 11 septembre, en vous appelant au secours désespérément, ce sont des testaments qu’il faudrait publier et étudier.
Ce que je retiens des recommandations avant la chute [des tours], c’est celle qui déplore d’avoir laissé la Maison-Blanche mener une politique étrangère contre les opprimés. Ils vous disent de demander des comptes à ceux qui ont indirectement causé leur mort, et heureux est celui qui donne le bon conseil. Leurs messages me rappellent ce vers : L’injustice tue son maître, bien mal acquis ne profite jamais.
On dit qu’une once de prudence vaut mieux qu’un quintal de traitement. Sachez que revenir au bien vaut mieux que de persister dans l’erreur, et que les gens sensés ne négligent ni leur sécurité, ni leur argent, ni leurs enfants pour le menteur de la Maison-Blanche.
Pour conclure, je vous dirai, en toute sécurité, que votre sécurité n’est pas entre les mains de Kerry, de Bush ou d’Al-Qaida ; votre sécurité est entre vos mains, et tout État qui ne néglige pas notre sécurité assure la sienne. Nous, Dieu est notre Seigneur ; mais vous, vous n’en avez pas. Que la paix soit sur celui qui suit le droit chemin ! »
Oussama ben Laden, « Message au peuple américain » [texte de l’allocution diffusée par Al-Jazira le 30 octobre 2004, à deux jours de l’élection présidentielle américaine], in Gilles Kepel (dir.), Al-Qaida dans le texte, Paris, Puf, 2005, pp. 102-111