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[article du site projetaladin.org ]

 

L'origine des Juifs d'Algérie est très ancienne et mal connue. On estime que les premiers Juifs sont arrivés en Afrique du Nord avec les Phéniciens à l'époque de la fondation de Carthage, vers le milieu du VIIIe siècle av. J.-C..


Après la conquête musulmane, les communautés juives furent soumises au statut de dhimmi. Mais après une première période relativement tolérante, les Juifs d'Afrique du Nord furent au XIIe siècle soumis à une persécution terrible de la part des Almohades.


Dès 1165, une politique de conversion forcée s'instaura: interdiction de se marier avec des musulmans, de pratiquer le commerce à grande échelle. Il leur fallut alors soit pratiquer clandestinement, soit s'exiler vers l'Égypte (comme le fit le philosophe, médecin, talmudiste Maïmonide), ou la Palestine, ou l'Italie. De plus, ils durent porter un vêtement particulier, de couleur jaune, sous l'Almohade Al Mansur, dès 1198. Cette tendance à marquer les Juifs d'une couleur ou d'un insigne, variable selon les pays et les époques, fut reprise en Europe dès le Moyen Âge.


Au tournant du XVIe siècle, dans les années suivant les dernières expulsions des Juifs de la péninsule ibérique, le Maghreb central devint une mosaïque politique éclatée. Les ports s'organisèrent autour de la Course, au détriment du commerce maritime espagnol et des Chrétiens. Les rois catholiques déclenchèrent une nouvelle "Croisade" et s'emparèrent de 1505 à 1510 de plusieurs ports maghrébins, Mers-El-Kébir, Oran et Bougie où ils installèrent des garnisons fortifiées. En face, les corsaires musulmans, les "raïs" s'organisèrent et, en 1516, les raïs Arouj et Khaïr-ed-Dine dits "Barberousse" s'emparèrent d'Alger et, en 1518, Khaïr-ed-Dine fit allégeance au Sultan ottoman qui le nomma Beylerbey et en fit l'amiral de sa flotte.


Pendant la période ottomane, les Juifs d'Algérie étaient strictement soumis au statut de «dhimmi». Il faut toutefois noter une grande diversité d'application de ces règles dans l'espace et dans le temps. Des relations de bon voisinage voire d'amitié purent se nouer, notamment à l'occasion de la célébration des fêtes juives.
En 1830, à la suite de la colonisation française de l'Algérie, les Juifs furent libérés du statut de dhimmi : ils reçurent dans un premier temps l'égalité des droits avec les « indigènes » musulmans, en application de l'acte de capitulation passé entre le général de Bourmont et le Dey d'Alger, qui garantit le respect de toutes les religions.


Aussi, dès que les premières écoles françaises furent ouvertes, en 1831, les juifs y envoyèrent leurs enfants. Ils renoncèrent rapidement ensuite, à leurs tribunaux religieux, à la différence des musulmans, pour se soumettre aux tribunaux français de droit commun, appliquant le droit mosaïque (avec l'expertise d'un rabbin).
Le gouvernement français attribua aux Juifs d'Algérie la citoyenneté française par le décret Crémieux du 24 octobre 1870. Un tel décret n'aurait pu alors être pris en faveur des Musulmans, qui n'auraient pas supporté comme les juifs qu'on leur retire leur statut civil religieux, et qui n'avaient guère envie de subir le service militaire des citoyens français.


Le décret Crémieux fut le détonateur de nombreuses réactions antisémites. Ces réactions, alimentées par Edouard Drumont puis l'affaire Dreyfus, dureront jusqu'au début du XXe siècle. A partir de cette période, les Juifs purent mener une vie normale.
Après la défaite de la France en juin 1940, on assista en Algérie à un renouveau de l'antisémitisme. Des tracts, des affiches et des graffitis apparurent en grand nombre dans les villes pendant l'été. Le boycott des magasins juifs fut décrété. Des libelles circulèrent en faveur de l'abrogation du décret Crémieux et de l'expulsion des Juifs d'Algérie.

La majeure partie des lois discriminatoires s'abattant sur le judaïsme français à partir du 3 octobre 1940, date de la promulgation à Vichy de la loi fixant le statut des Juifs, fut appliquée en Algérie, avec un retard qui varia, selon les cas, de plusieurs jours à plusieurs mois.

Le gouvernement de Vichy abrogea le décret Crémieux le 7 octobre 1940. Il réduisit à néant l'octroi des droits civiques dont les Juifs d'Algérie avaient bénéficié pendant soixante-dix ans. La loi du 2 juin 1941 interdisait aux Juifs un grand nombre de fonctions et les écartait de plusieurs professions.

La citoyenneté française fut officiellement rendue aux Juifs d'Algérie le 20 octobre 1943, presque un an après le débarquement allié. De 1943 à 1945 nombres de Juifs participèrent aux combats de Tunisie, d'Italie, de France et d'Allemagne.

Au sortir de la guerre, les juifs algériens eurent le sentiment d'avoir récupéré leur bien le plus précieux : leur identité française. Et pourtant, écrivit l'historien Benjamin Stora, « si l'insurrection algérienne avait éclaté à la fin de l'époque vichyssoise, elle aurait sans doute attiré la sympathie d'un grand nombre de juifs, car pendant cette sombre période, les Algériens musulmans ne se sont livrés à aucun acte hostile envers eux ».

Quand débuta la guerre d'indépendance, les juifs furent sollicités de tous côtés. Ils vécurent le conflit dans le trouble, parfois même dans la mauvaise conscience. Le 22 juin 1961, le chanteur et musicien Raymond Leyris, dit "Cheikh Raymond", l'un des grands maîtres de la musique arabo-andalouse, fut abattu par un Algérien musulman, en plein quartier juif de Constantine. Pour les 130 000 juifs d'Algérie, ce fut le signal du départ obligé, la fin de leur présence séculaire en Afrique du Nord.

En juillet 1962, la presque totalité des Juifs d'Algérie quitta le pays natal, avec des plaies au cœur et à l'âme jamais refermées.

 

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