Décret impérial n° 3 237 du 17 mars 1808, qui prescrit des mesures pour l’exécution du Règlement du 10 décembre 1806 concernant les Juifs

DÉCRET

Au Palais des Tuileries, le 17 mars 1808.

NAPOLÉON, EMPEREUR DES FRANÇAIS, ROI D’ITALIE, et PROTECTEUR DE LA CONFÉDÉRATION DU RHIN ;
Sur notre rapport du ministre de l’Intérieur ;

Notre Conseil d’État entendu,
Nous AVONS DÉCRÉTÉ et DÉCRÉTONS ce qui suit :

ART I. Le règlement délibéré dans l’assemblée générale des Juifs, tenue à Paris le 10 décembre 1806, sera exécuté et annexé au présent décret.
2. Nos ministres de l’Intérieur et des Cultes sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret.

Signé NAPOLEON.
Par l’Empereur :
Le Ministre Secrétaire d’état, signé HUGUES B. MARET.

REGLEMENT

Les députés composant l’assemblée des Israélites, convoqués par décret impérial du 30 mai 1806, après avoir entendu le rapport de la commission des neuf, nommée pour préparer les travaux de l’assemblée, délibérant sur l’organisation qu’il conviendrait de donner à leurs coreligionnaires de l’Empire français et du royaume d’Italie, relativement à l’exercice de leur culte et à sa police intérieure, ont adopté unanimement le projet suivant :

Art I. Il sera établi une synagogue et un consistoire israélite dans chaque département renfermant deux mille individus professant la religion de Moïse.

II. Dans le cas où il ne se trouvera pas deux mille Israélites dans un seul département, la circonscription de la synagogue consistoriale embrassera autant de départements, de proche en proche, qu’il en faudra pour les réunir. Le siège de la synagogue sera toujours dans la ville dont la population israélite sera la plus nombreuse.

III. Dans aucun cas, il ne pourra y avoir plus d’une synagogue consistoriale par département.

IV. Aucune synagogue particulière ne sera établie, si la proposition n’en est faite par la synagogue consistoriale à l’autorité compétente. Chaque synagogue particulière sera administrée par deux notables et un rabbin, lesquels seront désignés par l’autorité compétente.

V. Il y aura un grand rabbin par synagogue consistoriale.

VI. Les consistoires seront composés d’un grand rabbin, d’un autre rabbin, autant que faire se pourra, et de trois autres Israélites, dont deux seront choisis parmi les habitants de la ville où siégera le consistoire.

VII. Le consistoire sera présidé par le plus âgé de ses membres, qui prendra le nom d’ancien du consistoire.

VIII. Il sera désigné par l’autorité compétente, dans chaque circonscription consistoriale, des notables, au nombre de vingt-cinq, choisis parmi les plus imposés et les plus recommandables des Israélites.

IX. Ces notables procéderont à l’élection des membres du consistoire, qui devront être agréés par l’autorité compétente.

X. Nul ne pourra être membre du consistoire, 1° s’il n’a trente ans ; 2° s’il a fait faillite, à moins qu’il ne soit honorablement réhabilité ; 3° s’il est reconnu avoir fait l’usure.

XI. Tout Israélite qui voudra s’établir en France ou dans le royaume d’Italie, devra en donner connaissance, dans le délai de trois mois, au consistoire le plus voisin du lieu où il fixera son domicile.

XII. Les fonctions du consistoire seront, 1° de veiller à ce que les rabbins ne puissent donner, soit en public, soit en particulier, aucune instruction ou explication de la loi qui ne soit conforme aux réponses de l’assemblée, converties en décisions doctrinales par le grand sanhédrin ; 2° de maintenir l’ordre dans l’intérieur des synagogues, surveiller l’administration des synagogues particulières, régler la perception et l’emploi des sommes destinées aux frais du culte mosaïque, et veiller à ce que, pour cause ou sous prétexte de religion, il ne se forme, sans une autorisation expresse, aucune assemblée de prières ; 3° d’encourager par tous les moyens possibles, les Israélites de la circonscription consistoriale à l’exercice des professions utiles, et de faire connaître à l’autorité ceux qui n’ont pas des moyens d’existence avoués ; 4° de donner, chaque année, à l’autorité connaissance du nombre de conscrits israélites de la circonscription.

XIII. Il y aura à  Paris, un consistoire central, composé de trois rabbins et de deux autres Israélites.

XIV. Les rabbins du consistoire central seront pris parmi les grands rabbins ; et les autres membres seront assujettis aux conditions de l’éligibilité portées en l’article X.

XV. Chaque année, il sortira un membre du consistoire central, lequel sera toujours rééligible.

XVI. Il sera pourvu à son remplacement par les membres restants. Le nouvel élu ne sera installé qu’après avoir obtenu l’agrément de l’autorité compétente.

XVII. Les fonctions du consistoire central seront, 1° de correspondre avec les consistoires ; 2° de veiller dans toutes ses parties à l’exécution du présent règlement ; 3° de déférer à l’autorité compétente toutes les atteintes portées à l’exécution dudit règlement, soit par infraction, soit par inobservation ; 4° de confirmer la nomination des rabbins, et de proposer, quand il y aura lieu, à l’autorité compétente, la destitution des rabbins et des membres du consistoire.

XVIII. L’élection du grand rabbin se fera par les vingt cinq notables désignés en l’article VIII.

XIX. Le nouvel élu ne pourra entrer en fonction qu’après avoir été confirmé par le consistoire central.

XX. Aucun rabbin ne pourra être élu, 1° s’il n’est natif ou naturalisé français ou Italien du Royaume d’Italie, 2° s’il ne rapporte une attestation de capacité, souscrite par trois grands rabbins italiens, s’il est italien, et français, s’il est français, et, à dater de 1820, s’il ne sait la langue française en France, et l’italienne dans le royaume d’Italie ; celui qui joindra à la connaissance de la langue hébraïque quelques connaissance des langues grecque et latine, sera préféré, toutes choses égales d’ailleurs.

XXI. Les fonctions de rabbins sont 1°, d’enseigner la religion, 2° la doctrine renfermée dans les décisions du grand sanhédrin ; 3° de rappeler en toute circonstance l’obéissance aux lois, notamment et en particulier à celles relatives à la défense de la patrie, mais d’y exhorter plus spécialement encore tous les ans, à l’époque de la conscription, depuis le premier de l’autorité jusqu’à la complète exécution de la loi, 4° de faire considérer aux Israélites le service militaire comme un devoir sacré, et de leur déclarer que, pendant le temps où ils se consacreront à ce service, la loi les dispense des observances qui ne pourraient point se concilier avec lui, 5° de prêcher dans les synagogues, et réciter les prières qui s’y font en commun pour l’Empereur et la famille impériale, 6° de célébrer les mariages et de déclarer les divorces, sans qu’ils puissent, dans aucun cas, y procéder que les parties requérantes ne leur aient bien et dûment justifié de l’acte civil de mariage ou de divorce.

XXII. Le traitement des rabbins membres du consistoire central est fixé à six mille francs ; celui des grands rabbins des synagogues consistoriales, à trois mille francs ; celui des rabbins des synagogues particulières sera fixé par la réunion des Israélites qui auront demandé l’établissement de la synagogue ; il ne pourra être moindre de mille francs. Les israélites des circonscriptions respectives pourront voter l’augmentation de ce traitement.

XXIII. Chaque consistoire proposera à l’autorité compétente un projet de répartition entre les Israélites de la circonscription, pour l’acquittement du salaire des rabbins ; les autres frais du culte seront déterminés et répartis sur la demande des consistoires par l’autorité compétente. Le paiement des rabbins membres du consistoire central sera prélevé proportionnellement sur les sommes perçues dans les différentes circonscriptions.

XXIV. Chaque consistoire désignera hors de son sein un Israélite non rabbin, pour recevoir les sommes qui devront être perçues dans la circonscription.

XXV. Ce receveur paiera par quartier les rabbins, ainsi que les frais du culte, sur une ordonnance signée au moins par trois membres du consistoire. Il rendra ses comptes chaque année, à jour fixe, au consistoire assemblé.

XXVI. Tout rabbin qui, ne se trouvera pas employé, et qui voudra cependant conserver son domicile ne France ou dans le royaume d’Italie, sera tenu d’adhérer, par une déclaration formelle t qu’il signera, aux décisions du grand sanhédrin. Copie de cette déclaration sera envoyée, par le consistoire qui l’aura reçue au consistoire central.

XXVII. Les rabbins membres du grand sanhédrin seront préférés, autant que faire se pourra, à tous autres pour les places de grands rabbins.

Certifié conforme :
Le Ministre Secrétaire d’état, signé HUGUES B. MARET

 

SOURCE > Bulletin des Lois, 1808, tome 8, 4e série, décret 3237 du 17 mars 1808, p. 217-220.