Un avion civil Constellation d'El-Al effectue un vol régulier entre Vienne et Lod. Il transporte 58 passagers et entre accidentellement dans l'espace aérien bulgare.L'avion, qui vole à très haute altitude, émet de signaux de détresse dès 5h37 GMT. Le signal est capté à Athens et transmis aux autorités bulgares
Deux Mig 15 partent à sa poursuite et l'abattent tuant ses 51 passagers et 7 membres d'équipage de neuf nationalités dont les nationalités israélienne et française.
Le gouvernement bulgare reste muette pendant 24 heures avant de réagir. Pourtant le chargé d'affaires israélien a interrogé le ministre des affaires étrangères bulgares huit heures après le drame.
Finalement, dans une note verbale en date du 4 août 1955 explique comme suit la destruction : « les forces de la défense anti-aérienne bulgare ont fait preuve d'une certaine hâte et n'ont pas pris les mesures nécessaires pour contraindre l'avion à se soumettre et à atterrir ».
La Bulgarie présente ses excuses :
« Le 27 juillet a. c. vers 7 h. 30 un avion de voyageurs israélien a pénétré sans préavis dans l'espace aérien bulgare dans la région de la ville de Trn il a survolé les villes de Stanké Dimitrov et de Blagoevgrad et il s'est dirigé vers le sud dans la direction de la ville de Pétritch. Aperçu par la défense anti-aérienne bulgare, l'avion, qui volait à une très grande altitude, a été averti plusieurs reprises, conformément aux règlements internationaux, d'atterrir.
L'avion ne l'a pas fait et la défense anti-aérienne bulgare a ouvert le feu à la suite de quoi, l'avion a été atteint et il est tombé au nord de la ville de Pétritch.
Il appert des renseignements reçus que tous les voyageurs et tout l'équipage de l'avion ont péri.
Le Gouvernement bulgare prie la Légation d'Israël de bien vouloir transmettre au Gouvernement de l'État d'Israël ses profonds regrets et de lui communiquer qu'il a nommé une commission gouvernementale spéciale, chargée de faire l'enquête de cet accident déplorable et d'établir les circonstances dans lesquelles il a eu lieu.
Le Gouvernement bulgare se déclare prêt prendre sa charge la part respective des dommages matériels qui ont été causés après qu'ils auront été dûment établis.
Le Ministère saisit cette occasion pour réitérer A la Légation d'Israël les assurances de sa haute considération.
Sofia, le 28 juillet 1955. »
Le Gouvernement Bulgare se montre cependant très évasif face aux demandes du Gouvernement israélien. Ce dernier demande dans une note verbale du 14 février 1956 des réparations pécuniaires à hauteur de 2 658 144 $.
« ...dans son désir de parvenir à un prompt règlement amiable, le Gouvernement d'Israël était prêt à renoncer à sa demande en réparation des dommages qu'il avait lui-même directement subis. Toutefois, eu égard à L'attitude adoptée depuis lors par le Gouvernement bulgare, le Gouvernement d'Israël rétablit maintenant ce chef de réclamation »
L'affaire est portée devant la haute cour de justice mais celle ci se déclare incompétente car
la déclaration d'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour permanente de Justice internationale faite par la Bulgarie en 1921 ne saurait être considérée comme comportant acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour internationale de Justice.
...En conséquence, la Cour dit, par douze voix contre quatre, qu'elle n'est pas compétente pour statuer sur le différend porté devant elle par la requête du Gouvernement d'Israël. »1
Voir le texte intégral de l'arrêt de la cour internationale de justice avec en annexes les échanges de note entre la Bulgarie et Israël
L'historienne Vania Mikhaïlova2 a publié une étude sur le sujet, basée sur de vieux rapports de l’armée bulgare, ainsi que sur des archives diplomatiques de plusieurs pays occidentaux. Selon elle,
le principal dossier sur cette affaire est celui conservé par le Ministère des affaires étrangères à Sofia et il reste à ce jour classé «confidentiel défense» malgré l’expiration du délai de 30 ans prévu par la loi. Selon les autorités, sa déclassification pourrait «affaiblir les positions de la Bulgarie dans des négociations avec un pays tiers». Une explication aussi énigmatique que vague.
Dans cette ambiance d’omerta, toutes sortes de rumeurs ont proliféré en Bulgarie. L’avion d’El Al aurait transporté des métaux précieux, des agents du Mossad et même le tout jeune roi déchu de la Bulgarie, Siméon II, et c’est ce qui expliquerait la réticence de l’équipage à se poser, ainsi que l’acharnement des Mig bulgares à détruire le Constellation… Même si elle reconnaît la persistance de nombreuses zones d’ombre – notamment sur le rôle joué par l’attaché militaire soviétique en Bulgarie dans la prise de décision –, Vania Mikhaïlova estime que la «tragédie du vol 402» s’explique plus banalement par un enchaînement fatal d’erreurs humaines, la plupart dictées par les réalités de l’époque. «Cinquante-huit personnes ont été sacrifiées sur l’autel de la Guerre froide, conclut-elle. L’événement a manifesté, pour la première fois, la nécessité d’un dialogue afin d’éviter de tels cas.»3
1La Haye, 26 mai 1959
2Historienne bulgare, auteur d'un livre sur le sujet