Ce jour là a lieu la rencontre entre le Président Roosevelt et le premier roi d'Arabie Saoudite, Abdelaziz Ibn-Seoud, sur le Quincy, un bateau militaire américain amarré sur le grand lac Amer en Égypte. Roosevelt, revient de la conférence de Yalta (4 février 1945) où il avait rencontré Staline et Churchill.
Le 'Pacte du Quincy' aurait alors été signé entre Roosevelt et Ibn-Saoud par lequel les États-Unis s'engageaient à protéger l'Arabie Saoudite, contre l'assurance de se voir approvisionner en pétrole, pour une durée de 60 ans.
Roosevelt et Ibn-Seoud sur le Quincy |
Cependant, aucune source primaire ne fait état d'un tel pacte, ni les mémoires du traducteur, ni la transcription sur l'agenda de Roosevelt de la journée du 4 février. Pour l'historien Henry Laurens, le Pacte n'existe pas, il s'agit d'une légende simplificatrice1, car en pratique, la conduite des deux alliés a finalement suivi cette ligne directrice. John Forrestall, secrétaire américain à la défense, affirme ainsi en juin 1948 que l’Arabie doit désormais être considérée comme incluse dans la zone de défense de l’hémisphère occidental .2
Par contre, à défaut de pacte, il est certain que les discussions ont porté sur la Palestine.
Ce qui préoccupait alors Roosevelt était le sort des Juifs survivants d’Europe centrale. Alors qu’Abdelaziz al-Saoud pensait que ceux-ci pouvaient s’installer dans les maisons des Allemands qui les avaient persécutés, le président des États-Unis exprimait l’espoir qu’il pourrait compter sur l’hospitalité des Arabes pour les accueillir. Mais ceci était impensable pour le roi d’Arabie Saoudite et finalement, Roosevelt s’engagea à ne jamais se montrer hostile à l’encontre des Arabes, notamment en ce qui concernait la Palestine. Le 5 avril 1945, Roosevelt écrivit une lettre à Abdelaziz al-Saoud, dans laquelle il réitérait son engagement :
« Grand et bon ami, j’ai reçu la lettre que votre Majesté m’a envoyée en date du 10 mars 1945, dans laquelle elle faisait référence à la question de la Palestine et à l’intérêt permanent des Arabes dans l’évolution actuelle qui touche ce pays.... j’ai clarifié notre désir qu’aucune décision ne soit prise à propos de la situation de ce pays sans une consultation complète à la fois des Arabes et des Juifs. ... je ne prendrai aucune mesure qui pourrait se montrer hostile à l’encontre du peuple arabe.3
Cet engagement ne sera pas respecté par Truman qui succède à Roosevelt en avril 1945. À son retour, Roosevelt affirmera qu’il a davantage appris sur la Palestine en cinq minutes de la part d’Ibn Saoud que dans toute sa vie précédente ; son fidèle second Harry Hopkins notera qu’il a seulement découvert ce que tout le monde savait : que les Arabes ne voulaient pas un juif de plus en Palestine.4
En 2005, le président Bush reçoit en son ranch de Crawford le prince Abdallah5. Il commence son discours ainsi :
Il y a soixante ans, le président Franklin D. Roosevelt et le fondateur du Royaume d'Arabie Saoudite, le roi Abdulaziz Al Saud, ont tenu une réunion historique sur un navire robuste amaré sur le grand lac Amer, sur le canal de Suez. En six heures, le prédécesseur du président Bush et le père du prince héritier ont établi un fort lien personnel qui a donné le ton pendant des décennies de relations étroites entre nos deux nations. Aujourd'hui, nous avons renouvelé notre amitié personnelle et celle qui unit nos nations. Dans notre réunion, nous avons convenu que des changements importants dans le monde nous demandent de forger une nouvelle relation entre nos deux pays: un partenariat renforcé fondé sur notre partenariat passé, répond aux défis actuels et embrasse les opportunités auxquelles nos nations seront confrontées à la prochaine soixante ans. Notre amitié commence par la reconnaissance que nos nations ont des histoires fières et très distinctes.6
1 L'auteur de « la question de Palestine » parle même de légende urbaine.
2 Rapport n° 2938, 6 juillet 2015, AN Proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur les liens entre le France et l'Arabie Saoudite.
3 Vincent Capdepuy in Aggiornamento hist-geo
4 le 'pacte du Quincy' et Henry Laurens in Orient XXL 25 février 2016 : De quoi parlaient le président américain et le roi saoudien en février 1945 ?
5 Le roi Abdallah est l'un des 53 fils d'Abdelaziz , le fondateur du royaume. Il succède à son demi-frère, le roi Fahd en 2005, et décède 10 ans plus tard.
6 https://2001-2009.state.gov/p/nea/rls/rm/45327.htm, archives du département d’État 2001 - 2009