Les 23-24 septembre 1996, le nouveau Premier ministre Benyamin Netanyahu, autorise l’ouverture de l’accès Nord du souterrain des anciens combattants juifs Hasmonéens (63 av. jc). Ce tunnel de 480 mètres peut permettre de fluidifier le flux de visiteurs devant le Kotel, en les faisant circuler de l’entrée de la Yeshiva Porat Yosef jusqu’au couvent des petites sœurs de Sion, situé le long de la via Dolorosa en plein quartier musulman de la vieille ville.
Le Waqf s’oppose à toute atteinte du statu quo, considérant qu’il s’agit là d’une atteinte au mur de soutènement des mosquées de l’esplanade et donc d’une menace directe envers la mosquée Al-Aqsa.
' Cela fait partie des plans visant à la judaïsation de la cité, affirme Adnan Husseini, directeur du Waqf. Ces travaux se déroulent sur des terrains qui nous appartiennent. Ils ont causé de graves fissures dans quatre de nos immeubles». Pour les Palestiniens, c’est aussi une voie de pénétration vers le quartier musulman.'1
Yasser Arafat dénonce « un grand crime »2 contre l’Islam. Le Hamas appelle à une reprise de l’intifada « pierre contre pierre ».
Le percement du tunnel déclenche une explosion de violence en 3 jours. Les troubles commencent le 24 septembre à Jérusalem-Est et gagnent le lendemain Ramallah et Bethléem.
' Le 26, les combats en Cisjordanie et surtout à Gaza, au cours desquels l’armée fait usage de blindés, d’hélicoptères et d’armes lourdes, font une soixantaine de morts. Il s’agit de la journée la plus meurtrière dans le pays depuis l’occupation des territoires, en 1967. l’état d’urgence est décrété dans tout le pays.
Le tunnel de la discorde
Le 27, le gouvernement rejette la responsabilité des émeutes sur l’Autorité palestinienne et repousse les demandes de celle-ci relatives à la fermeture du tunnel, à l’application des accords conclus avec le gouvernement précédent et à l’ouverture de négociations sur le statut définitif de tous les territoires occupés. Il réaffirme la souveraineté d’Israël sur la Ville sainte. Tandis que l’ensemble de la communauté internationale demande la reprise des négociations, les États-Unis tentent d’organiser une rencontre entre Benyamin Netanyahu et Yasser Arafat. Malgré les appels au calme du président de l’Autorité palestinienne, de nouveaux affrontements meurtriers éclatent, notamment à Jérusalem-Est. Le bilan de trois jours d’émeutes s’élève à soixante-deux morts palestiniens et quatorze soldats israéliens tués.' 3
Le Conseil de sécurité des Nations unies s’empare du sujet le 27 septembre 1997. Dans un communiqué , il condamne le percement et se dit préoccupé de la situation dans les territoires occupés. Interviennent à la tribune M. Klaus Kinkel, Vice-Chancelier et Ministre des affaires étrangères de l’Allemagne, M. Amr Moussa, Ministre des affaires étrangères de l’Egypte, M. Malcom Rifkind, Ministre des affaires étrangères et des affaires du Commonwealth du Royaume-Uni, M. Hervé de Charette, Ministre des affaires étrangèrs de la France, M. Evgeniy Primakov, Ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie, M. Ali Alatas, Ministère des affaires étrangères de l’Indonésie, M. Jose Miguel Insulza, Ministre des relations extérieures du Chili, M. Dariusz Rosati, Ministre des affaires étrangères de la Pologne et M. Delmer Urbizo Panting, Ministre des affaires étrangères du Honduras.
Le conseil entend Farouk Kaddoumi, observateur permanent de la Palestine auprès des Nations unies qui considère que
' Israël a commis une nouvelle et dangereuse violation des obligations qui lui incombent en vertu du droit international, du droit international humanitaire et des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité. [le percement de l’entrée du tunnel ], d’une longueur d’environ 500 mètres, est parallèle au mur ouest de la mosquée Al-Aqsa (…) et toute utilisation de ce tunnel menacent la sécurité et l’intégrité de la mosquée Al- Aqsa et les fondations des édifices islamiques qui se trouvent au-dessus du tunnel. En dépit des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, l’action d’Israël est à l’évidence une nouvelle mesure visant à judaïser la Ville de Jérusalem et à créer encore un fait accompli en ce qui concerne le statut de la Ville sainte.
Dans ces conditions, et comme il s’agit d’une question qui présente une importance religieuse et spirituelle considérable, l’Observateur permanent demande au Conseil de sécurité de prendre les mesures nécessaires pour régler cette affaire et obtenir qu’Israël revienne en arrière.' 4
Farouk Kaddoumi fait aussi observer que :
' lors de manifestations de protestation contre l’ouverture illégale et provocatrice du tunnel sous le mur ouest de la mosquée Al-Aqsa, les troupes israéliennes ont immédiatement eu recours à la violence, notamment en tirant sur les manifestants. Par ailleurs, plusieurs déclarations récentes de responsables israéliens ont indiqué qu’Israël avait l’intention de continuer à faire fi de la légalité internationale et de ses obligations en tant que puissance occupante. Les événements d’aujourd’hui rendent la question encore plus urgente. Aussi, ’Observateur permanent se déclare-t-il convaincu que le Conseil de sécurité prendra les mesures nécessaires. '
En réponse, le vice Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères David Levy
' dénonce intégralement le caractère biaisé des faits répandus à propos des événements dramatiques qui ont eu lieu ces derniers jours, jetant ainsi une ombre noire sur le processus de paix.
Aucun grief contre Israël ne saurait justifier l’incitation à la violence et l’utilisation d’armes chargées, en particulier, par ceux mêmes qui doivent garantir le respect de la loi et de l’ordre public, conformément aux accords signés. l’atmosphère de violence, les menaces et les appels au conflit armé ne sauraient détourner Israël des principes fondamentaux qui guident sa politique, à savoir, le rétablissement de la paix mais aussi la garantie de la sécurité nationale et personnelle de tous les citoyens israéliens.
l’engagement du gouvernement actuel à respecter les accords signés par le gouvernement précédent témoigne des valeurs démocratiques qui guident Israël. Cet engagement doit être dûment reconnu par toutes les parties intéressées.
Israël a été menacé de faire l’objet d’un conflit armé si l’ensemble des revendications de l’autre partie ne sont pas satisfaites. Des insultes personnelles odieuses et sans précédents ont été proférées quotidiennement à l’endroit des dirigeants israéliens. Aucun pays ne peut accepter cela même au nom de la paix.
l’ouverture du tunnel qui justifie la convocation de cette séance du Conseil n’est qu’un prétexte fallacieux. Cette séance n’est qu’une autre tentative de dicter sa conduite à Israël et de faire pression pour réaliser des objectifs politiques et influer sur les résultats des négociations.
La réouverture du tunnel s’explique tout simplement par la nécessité d’assurer un meilleur confort et une meilleure sécurité aux nombreux visiteurs, qu’ils soient Juifs, Chrétiens ou Musulmans, et aux nombreux touristes et pèlerins qui se rendent dans la ville sainte pour contempler ses splendeurs. l’Autorité religieuse des Musulmans de Jérusalem a été prévenue en temps voulu.
Ce tunnel ne menace en rien les monuments arabes, a poursuivi le Vice- Premier Ministre. Il a été pris comme prétexte pour mener une offensive générale et orchestrée contre Israël. Reconnaissant le caractère sensible et dangereux de la situation actuelle, M. Levy a invité tous les membres du Conseil à lancer un appel à tous les acteurs régionaux pour qu’ils fassent preuve de prudence, de réserve et de responsabilité dans leurs propos et leurs actes. Il revient au Président de l’Autorité palestinienne de donner des instructions claires et sans équivoques à ses forces et aux résidents des zones autonomes pour qu’ils s’abstiennent d’actes de violence. Il y va de sa responsabilité. '
Vingt années plus tard, le tunnel est visité chaque jours par les nombreux touristes de toutes confessions et l’esplanade qu’il ne fait que longer ne s’est ni fissurée ni écroulée. l’affaire est un bon révélateur des tensions régionales autour du conflit et de l’hystérie qui entoure le moindre fait. Ce que résume peut-être Hervé de Charette, le Ministre français des Affaires étrangères :
' l’incident qui a mis le feu aux poudres peut paraître d’une importance secondaire. A la lettre, il est exact que le percement d’un tunnel est moins grave que nombre de mesures affectant directement la vie des Palestiniens : bouclage des territoires, interdiction aux Palestiniens de se rendre à Jérusalem, destruction des maisons, ou encore extension des colonies de peuplement. Cependant, cette initiative prise dans un lieu si hautement symbolique a témoigné sinon d’une volonté de provocation délibérée, du moins d’une erreur psychologique grave.'
1 Chrisotphe Boltanski, Libération, 2/01/1997
2 Un crime contre les drotis, les biens et les sentiments religieux des Palestiniens (Encyclopérie Universalis)
3 Encyclopéria universalis