Ce pourrait être un simple différent immobilier partout ailleurs dans le monde. Mais à Jérusalem, il y a d'autres facteurs qui influent, interfèrent et compliquent.

Au cas particulier, une association 'Ateret Cohanim' a acheté deux immeubles à l'église orthodoxe grecque de Jérusalem.

L'association Ateret Cohanim, qui achète en sous-main, est une association religieuse, elle possède une Yeshiva, et ultra nationaliste, qui a pour but de réinstaller les Juifs dans les quartiers musulmans ou chrétiens en y acquérant des propriétés. Son nom signifie 'couronne des prêtres'.

L'achat a eu lieu en 2004. La cession, en fait un bail emphytéotique1, concerne un bâtiment et deux hôtels situés dans la vieille ville , près de la porte de Jaffa. Il s'agit de l’hôtel Petra et de l'impérial hôtel. Pour le siteinfos-israel.news, « les experts disent que leur achat faciliterait une expansion accrue pour l'association dans la vieille ville »2

Le journal Maariv révélait en 2005 le lien entre les sociétés qui avaient acquis les immeubles et l'association Ateret Cohanim.

Le patriarche Irénéos Ier, signataire pour l'église avait alors dû démissionner devant la colère des Palestiniens. Ceux-ci estimant qu'il brade le patrimoine arabe au profit des Juifs.

A l'initiative du successeur d'Irénéos, le nouveau patriarche Théophile III, l’Église entend obtenir par voie de justice l'annulation de la vente. Théophile III considère que la vente est illégale et qu'elle a été obtenue sans autorisation.

L’Église orthodoxe compte 200 millions de membres dans le monde dont 90 000 en Israël et une important patrimoine foncier. Elle est issue historiquement de la scission de 451 lors du Concile de Chalcédoine3.

Les Palestiniens ont déjà eu l'occasion de reprocher au patriarcat orthodoxe de brader ses biens au profit des Juifs. Le Patriarchat orthodoxe serait le second propriétaire foncier en Israël4.

Le 1er août 2017, le tribunal de district de Jérusalem confirme la vente.

Mais le 13 août, l’Église orthodoxe, lors d'une conférence de presse transmise depuis Amman, dénonce les pressions, le motif politique de la décision et la corruption entourant l'affaire. Pour l'église, la cession s'est faite au travers de trois sociétés écrans situées à l'étranger. Mais la juge, Gila Kanfi-Steinitz, n'a pas considéré pour autant qu'il était établi qu'il y avait eu des malversation de fraude ou de corruption.

“ Cette décision de justice « a dépassé toutes les limites […]. Elle ne peut être expliquée que par des motifs politiques », a souligné samedi Théophile III dans la capitale jordanienne.

Il a dénoncé un jugement qui « non seulement affecte le patriarcat mais frappe aussi le cœur du Quartier chrétien de la Vieille Ville […] et aura certainement des effets négatifs sur la présence chrétienne en Terre sainte. »5

Il faut dire que l'association Ateret Cohanim s'est déjà fait connaître pour ses 'coups'.

En 1992, elle était présentée ainsi dans Le mensuel Monde diplomatique6, pas vraiment favorable aux politiques israéliennes en général, quelles qu'elle soient :

..l’État hébreu est en train de transformer la ville sainte de Jérusalem en une ville-forteresse.

...Dans la vieille ville, surtout dans le quartier musulman, la colonisation a été entreprise par des groupes de religieux fanatiques dont le plus important et le plus actif est Ateret Cohanim (la Couronne des prêtres). Il s’est installé dès 1981 dans le quartier musulman où il a établi ses locaux dans un appartement de la rue Tariq El Wad menant à la mosquée Al Aqsa et au mur des Lamentations. Il s’emploie depuis lors à récupérer ce qu’il appelle d’« anciennes propriétés juives » . Il est aidé en cela par Atara Lyoshna, un autre groupe déjà implanté auparavant dans le même quartier et qui entretient des liens étroits avec les services officiels de la garde des propriétés des absents et avec l’administration des domaines d’Israël. Plus curieusement peut-être, Ateret Cohanim bénéficie également du soutien d’importantes personnalités gouvernementales et religieuses, tels le premier ministre, M. Yitzhak Shamir, le ministre des affaires étrangères, M. David Levy, les deux grands rabbins ashkénaze et séfarade (11), ou encore M. Ariel Sharon qui a loué à Ateret Cohanim un appartement dans la rue Tariq El Wad et s’y est installé en décembre 1987, alors même que l’Intifada prenait de l’ampleur.

L’implication du gouvernement israélien dans l’activité de colonisation d’Ateret Cohanim dans la vieille ville de Jérusalem a été révélée lors de l’occupation, en avril 1990, de l’hospice Saint-Jean, propriété du patriarcat grec orthodoxe, et situé à quelques mètres de l’église du Saint-Sépulcre, en plein quartier chrétien. L’affaire est toujours entre les mains de la justice israélienne, et l’on a appris que les ministères de l’habitat et des affaires religieuses avaient payé de fortes sommes (des centaines de milliers de dollars) à Ateret Cohanim pour financer ses activités.

La mainmise des colons israéliens sur les propriétés palestiniennes de la vieille ville est facilitée par l’imbroglio juridique que crée la juxtaposition des lois israéliennes s’appliquant à la location et des lois jordaniennes parfois encore en vigueur. Les locataires occupant une propriété ont le droit de la sous-louer sans en demander l’autorisation aux propriétaires. Ils en deviennent ainsi de facto les nouveaux propriétaires, et certains se laissent tenter par les fortes sommes d’argent que les groupes de colons sont prêts à payer pour acheter le droit d’occupation - jusqu’à 20 000 dollars la pièce - pour les maisons les plus détérioriées .

Ateret Cohanim a exposé ses projets dans des brochures publicitaires où il affirme qu’une grande partie du quartier musulman est en réalité un vieux quartier juif, parce que des juifs l’ont habité au dixième siècle. Ce groupe religieux détient actuellement des dizaines de maisons dans ce quartier et pourrait à tout moment faire valoir des droits sur une vingtaine d’autres. Mais ses ambitions ne s’arrêtent pas aux murailles de la vieille ville. Les incidents qui ont éclaté en octobre dernier dans le quartier de Silouan, au pied du mur sud de la vieille ville, révèlent le danger qui menace la présence arabe hors de l’enceinte.

Dans la nuit du 9 octobre, en effet, plusieurs étudiants d’Ateret Cohanim, avec l’aide de quatre parlementaires, dont trois du parti d’extrême droite Tehiya, ont occupé cinq maisons appartenant à des Palestiniens. Le porte-parole d’une organisation vouée au « retour des juifs à Silouan », connue sous le nom d’El-Ad, a annoncé que son organisation avait acheté ces maisons il y a sept ans et que, en outre, elle détenait 50 % des terres dans cette région, et 15 % des maisons. Selon les habitants du quartier, plusieurs mois avant la date du 9 octobre, des dizaines d’entre eux avaient reçu un avertissement des services de la garde des biens des absents leur demandant d’évacuer leurs maisons. Le gouvernement israélien ayant approuvé l’installation des colons à Silouan le 8 décembre dernier, dès le 12 de nouveaux colons sont venus s’installer de force dans des maisons palestiniennes. Du coup, M. Fayçal Husseini, principal conseiller de la délégation palestinienne à la conférence de Madrid, a demandé que la question de Jérusalem soit examinée en toute priorité lors des négociations bilatérales. Or on connaît l’intransigeance des Israéliens à propos de Jérusalem

 

En octobre 2014, des Juifs emménagent de nuit dans un immeuble du quartier de Silwan, quartier arabe en contrebas des murailles de Jérusalem. L'immeuble dont l'achat avait été « facilité » par l'association. Des dizaines de personnes se sont donc installés dans neuf appartements, près de Beit Yanatahn où un immeuble acquis par Ateret Cohanim avait déjà été investi par des résidents juifs.

Les Palestiniens qui ont vendu les biens avaient déménagé quatre mois avant.

Dans le même quartier, un groupe américain, Kendall finances, avait réalisé le 30 septembre une opération similaire visant à augmenter le nombre de juifs dans un quartier alors arabe.

En 2015,

En mai,

“ Ateret Cohanim avait pris le contrôle d’un autre bâtiment à Silwan.

Ce bâtiment, qui selon Ateret Cohanim était autrefois la synagogue de Kfar Hashiloah, un village construit pour les immigrants yéménites pauvres sur la pente du mont des Oliviers au début des années 1880, appartient au Hekdesh Kfar Hashiloah, c’est-à-dire le fonds de la communauté.

Une longue bataille juridique devant le tribunal de district de Jérusalem entre les représentants du fond et les membres de la famille Abu Naab, qui s’était installée dans le bâtiment, a pris fin avec un ordre d’expulsion de la famille.

Des Juifs vivaient à Kfar Hashiloah depuis les années 1880 jusqu’en 1938, au faîte des émeutes arabes des années 1936-39, qui ont amené les Britanniques à les déloger.7

Puis en août,

“ Escortée par la police, une cinquantaine de Juifs israéliens ont emménagé dans un immeuble dans le quartier de Silwan à Jérusalem-Est tôt jeudi matin, affirmant que la propriété appartenait à des immigrants juifs avant la création de l’Etat d’Israël.

Ateret Cohanim, ... a déclaré dans un communiqué que l’emménagement a été programmé la nuit pour « éviter des frictions inutiles avec certains des Arabes locaux qui auraient pu se produire dans la journée. ».

Le bâtiment de cinq étages est situé dans la zone Batn al-Hawa de Silwan, un quartier délabré à l’extérieur de la Vieille Ville de Jérusalem qui abrite plusieurs centaines de résidents juifs et environ 50 000 Palestiniens.

Selon Daniel Luria, le directeur d’Ateret Cohanim, le bâtiment appartenait initialement à des immigrants juifs du Yémen qui ont été forcés d’abandonner la propriété pendant les années tumultueuses avant la création d’Israël en 1948. Après cela, dit-il, le terrain est venu sous contrôle jordanien. Pendant la guerre des Six Jours en 1967, Israël a pris le contrôle de Jérusalem-Est – y compris Silwan – et de la Cisjordanie.

Luria dit que les droits juridiques sur la propriété ont été vérifiés par les tribunaux au cours de l’année écoulée alors que les résidents palestiniens affirment qu’ils ont été injustement expulsés et victimes d’intimidations illégales. 

en 2016,

“ L’association ‘Ateret Cohanim’ s’est installée lundi matin dans une maison qu’elle vient d’acheter dans le ‘quartier musulman’ de la Vieille Ville de Jérusalem. Le bâtiment, qui compte six appartements, se trouve à proximité de l’endroit où ont été assassinés le Rav Néhémia Lavi et Aaron Benitah-Benett hy’d. Le Rav Shmouel Eliahou, rabbin de Safed, s’est déplacé spécialement pour participer à l’office de Shaharit organisé sur place avec les nouveaux habitants juifs des logements. Tout s’est déroulé en présence de policiers chargés d’assurer la sécurité des lieux. 8

 


1 Bail de très longue durée souvent conclu pour 99 ans

22 août 2017

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7 Times of Israël 28 août 2015, Stuart Winer et Rahel Jaskow