Le mouvement kibboutznik est un phénomène social et politique unique qui a émergé en Palestine au début du XXe siècle, dans le contexte du sionisme et de la construction d'une société juive en Terre d'Israël. Les kibboutzim (pluriel de kibboutz) étaient des communautés agricoles collectivistes, fondées sur des principes socialistes et égalitaires.

À la fin du XIXe siècle, le sionisme politique, porté par des figures comme Theodor Herzl, émerge en réponse à l'antisémitisme croissant en Europe et à la quête d'un foyer national juif.
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Les premiers pionniers, appelés les haloutzim, arrivent en Palestine ottomane avec l'idée de "retour à la terre" et de construction d'une société juive autonome.
Le mouvement kibboutznik est fortement influencé par les idées socialistes, anarchistes et communautaires, notamment celles de penseurs comme Karl Marx, Pierre Kropotkine et Moses Hess. L'idée consiste à créer des communautés égalitaires, sans propriété privée. Cela répond à la fois à des aspirations utopiques et à des nécessités pratiques dans un environnement hostile.
Fondation des premiers kibboutzim
Considéré comme le premier kibboutz, Degania est fondé en 1909 près du lac de Tibériade par un groupe de jeunes pionniers juifs originaires d'Europe de l'Est. Leur objectif était de travailler la terre collectivement et de créer une société basée sur l'égalité et la coopération.
Dans les années 1910 et 1920, de nombreux kibboutzim sont établis dans toute la Palestine sur des terres achetées à prix d'or, souvent dans des zones reculées et difficiles à cultiver. Ces communautés jouent un rôle clé dans la défense et le développement du territoire, notamment en drainant des marais et en construisant des infrastructures.
Principes et fonctionnement
Collectivisme : Les kibboutzim fonctionnaient sur le principe de la propriété collective : terres, outils et ressources étaient partagés. Les décisions étaient prises démocratiquement lors d'assemblées générales.
Égalité : Tous les membres travaillaient selon leurs capacités et recevaient selon leurs besoins. Les enfants étaient souvent élevés en commun, dans des maisons dédiées, pour libérer les parents pour le travail.
Autosuffisance : Les kibboutzim visaient à être économiquement autonomes, principalement grâce à l'agriculture, mais aussi à l'industrie légère.
Rôle dans la construction de l'État d'Israël
Les kibboutzim ont joué un rôle crucial dans la défense du Yishouv (la communauté juive en Palestine) contre les attaques arabes et plus tard dans la guerre d'indépendance d'Israël (1947-1949). Beaucoup de membres des kibboutzim ont d'ailleurs rejoint des organisations militaires comme la Haganah.
Le mouvement kibboutznik était étroitement lié au parti travailliste (Mapai) et a exercé une influence significative sur la politique israélienne pendant des décennies. Des figures emblématiques comme David Ben Gourion et Golda Meir étaient issues de ce milieu.
À son apogée, dans les années 1950-1960, le mouvement kibboutznik comptait des centaines de kibboutzim et des dizaines de milliers de membres. Ces communautés étaient vues comme un modèle de réussite sociale et économique. mais dans les années 1970 les kibboutzim ont commencé à faire face à des difficultés économiques, notamment en raison de la mondialisation et de la concurrence. Les jeunes générations, attirées par la vie urbaine et les opportunités individuelles, ont quitté les kibboutzim en grand nombre.
À partir des années 1980, de nombreux kibboutzim ont adopté des réformes, introduisant une certaine propriété privée et des salaires différenciés. Certains kibboutzim se sont reconvertis dans le tourisme, l'industrie high-tech ou les services.
Le mouvement kibboutznik reste un exemple rare de mise en pratique réussie (bien que temporaire) des idéaux socialistes et communautaires. Les kibboutzim ont profondément marqué la culture israélienne, en incarnant des valeurs comme le travail manuel, l'égalité et le sacrifice pour la collectivité. Aujourd'hui, les kibboutzim sont souvent perçus comme des reliques d'une époque révolue, mais ils continuent d'inspirer des réflexions sur l'équilibre entre collectivisme et individualisme.
Le renouveau : les kibboutz urbains
Le mouvement des nouveaux kibboutz urbains émerge en Israël au début des années 2000, en réponse aux défis sociaux et économiques croissants dans les villes. Contrairement aux kibboutzim traditionnels, situés en zone rurale et axés sur l'agriculture, ces nouveaux kibboutz s'établissent en milieu urbain et se concentrent sur des activités éducatives, sociales et communautaires.
Le premier kibboutz urbain, **Kibboutz Tamuz** à Be'er Sheva, est fondé en 2006 par un groupe de jeunes idéalistes. Inspirés par les valeurs de coopération et de justice sociale des kibboutzim traditionnels, ils cherchent à appliquer ces principes dans un contexte urbain. Leur objectif est de revitaliser les quartiers défavorisés et de renforcer les liens communautaires.
Le succès de Kibboutz Tamuz inspire la création d'autres kibboutz urbains dans diverses villes israéliennes, tels que Kibboutz Migvan à Sderot et Kibboutz Eshbal dans le nord du pays. Chaque kibboutz urbain adapte ses activités aux besoins spécifiques de sa communauté, incluant des programmes éducatifs, des centres communautaires et des initiatives de développement local.
Les nouveaux kibboutz urbains fonctionnent sur un modèle de coopération, où les membres partagent les ressources et les responsabilités. Ils vivent souvent dans des logements communautaires et participent activement à la gestion des projets locaux. Les revenus proviennent de diverses sources, incluant des subventions gouvernementales, des dons et des activités économiques locales.
Ces kibboutz ont un impact significatif sur les communautés locales, en améliorant les conditions de vie et en renforçant la cohésion sociale. Cependant, ils font face à des défis tels que le financement, la gestion des ressources et la nécessité de s'adapter aux changements démographiques et économiques.
Le mouvement des nouveaux kibboutz urbains continue de croître et d'évoluer, avec de nouveaux projets en cours de développement. Ils représentent une adaptation moderne des idéaux kibboutznik, démontrant la pertinence continue de ces valeurs dans la société israélienne contemporaine.
Le 7 octobre 2023
Les kibboutz proches de la bande de Gaza ont payé un lourd tribu lors de l'attaque terroriste du 7 octobre 2023. Ces kibboutzim, avant les événements tragiques de 2023, représentaient des symboles de l'idéal sioniste et de la résilience israélienne, tout en étant des communautés prospères et dynamiques. La plupart des membres de ces communautés durement touchées par le terrorisme islamistes militaient pour la coexistence avec les Palestiniens, et étaient impliqués dans des actions sanitaires et sociales au profit des Gazaouis. Ils employaient auss des Gazaouis dans lesquels ils avaient toute confiance. Les kibboutz attaqués sont :
Be'eri
Be'eri a été fondé en 1946, pendant la période du mandat britannique, par des membres du mouvement de jeunesse sioniste Hashomer Hatzair. Le kibboutz est nommé en l'honneur de Berl Katznelson, un leader sioniste socialiste, dont le nom de plume était "Be'eri". Be'eri a joué un rôle important dans l'agriculture et l'industrie locale, contribuant à l'économie régionale. Il a également été un bastion de l'idéologie socialiste sioniste.
Kfar Aza
Kfar Aza a été établi en 1951 par des immigrants juifs d'Égypte et d'autres pays arabes. "Kfar Aza" signifie "village fortifié", reflétant son rôle défensif. Le kibboutz s'est développé autour de l'agriculture et de l'industrie légère. Il a également servi de communauté résiliente face aux tensions régionales.
Nahal Oz
Nahal Oz a été fondé en 1951 par des membres du mouvement Nahal, une branche des forces de défense israéliennes combinant service militaire et établissement de communautés agricoles. "Nahal Oz" signifie "ruisseau de la force". Le kibboutz a été un pionnier dans l'agriculture irriguée et a joué un rôle clé dans la sécurisation de la frontière avec Gaza.
Nirim
Nirim a été établi en 1946 par des membres du mouvement de jeunesse sioniste HaNoar HaOved VeHaLomed. "Nirim" signifie "prairies". Nirim a été un kibboutz agricole prospère, connu pour ses cultures et son élevage. Il a également été un point de défense stratégique pendant les conflits.
Ein HaShlosha
Ein HaShlosha a été fondé en 1950 par des survivants de la Shoah et des immigrants d'Amérique du Sud. "Ein HaShlosha" signifie "source des trois", en référence à trois sources d'eau locales. Le kibboutz a développé une économie mixte basée sur l'agriculture et l'industrie, et a été un centre communautaire actif.
Magen
Magen a été établi en 1949 par des anciens combattants de la guerre d'indépendance israélienne. "Magen" signifie "bouclier", symbolisant son rôle défensif. Magen a été un kibboutz agricole et industriel, contribuant à la sécurité et à l'économie de la région.
Re'im
Re'im a été fondé en 1949 par des immigrants juifs d'Europe de l'Est. "Re'im" signifie "amis", reflétant l'esprit communautaire du kibboutz. Re'im a été un centre agricole et culturel, connu pour ses festivals et événements communautaires.