La ville de Tsippori (Sepphoris), qualifiée au premier siècle de l'ère chrétienne de "parure de toute la Galilée" par l'historien juif Flavius Josèphe, est située sur une colline de Basse Galilée, fertile et riche en sources d'eau, à mi-chemin entre la Méditerranée et le lac de Tibériade, à 5 kilomètres de Nazareth.

Tsippori est mentionnée dans plusieurs sources juives des premiers siècles de l'ère vulgaire.
Fondée à l'époque hellénistique, le gouverneur romain Gabinius en fit, au milieu du premier siècle avant J.-C, la capitale administrative de la Galilée.
L'époque une période de tensions extrêmes entre les Juifs de Judée et l’Empire romain. Depuis la conquête de la région par Pompée en 63 av. J.-C., les Romains imposent leur domination, avec des impôts lourds et une administration qui alimente la colère des populations locales. Les tensions atteignent un point critique sous le règne de Néron, alors que les procurateurs romains en Judée, notamment Florus, se montrent particulièrement brutaux et corrompus.
En 66 apr. J.-C., un incident lié au prélèvement des impôts dans Jérusalem dégénère en une révolte ouverte, connue sous le nom de Grande Révolte juive. Les insurgés juifs, menés par des groupes zélotes et sicaires, s'emparent de Jérusalem et massacrent la garnison romaine. Rome envoie alors une expédition militaire sous le commandement de Cestius Gallus, gouverneur de Syrie, mais celui-ci échoue à reprendre la ville et subit une lourde défaite à la bataille de Beth-Horon.
Cet échec pousse l’empereur Néron à confier la répression de la révolte au général Vespasien, un stratège expérimenté, qui commence méthodiquement la reconquête de la région en 67 apr. J.-C. Il se concentre d'abord sur la Galilée, bastion clé des insurgés, avant de marcher sur Jérusalem.
Mais Tsippori ne joint pas à la révolte contre Rome en l'an 66 de l'ère chrétienne, ouvrant au contraire ses portes aux légions de l'Empereur romain Vespasien, ce qui la sauve, ainsi que le raconte Flaivus Joseph
Flavius Josèphe lui-même, avant de devenir historien au service de Rome, est envoyé en Galilée par les révoltés pour organiser la défense des villes. Dans son récit, il raconte comment il a tenté de fortifier plusieurs localités, mais il mentionne que Tsippori n'a pas suivi cette voie.
La soumission de Tsippori
Dans La Guerre des Juifs (Livre II, 511-520), Josèphe raconte que Tsippori, anticipant l’inévitable avancée romaine, prend une décision radicale. Plutôt que de se joindre à la révolte, les dirigeants de la ville envoient des ambassadeurs auprès de Cestius Gallus, le gouverneur romain de Syrie, pour lui offrir leur allégeance.
« Sepphoris, la plus grande ville de toute la Galilée, prévoyant l’issue de la guerre, envoya des ambassadeurs auprès de Cestius Gallus, légat de Syrie, pour lui demander la paix et une garnison romaine. Ce dernier accepta leur soumission et envoya des troupes pour occuper la ville, épargnant ainsi ses habitants des horreurs de la guerre qui allaient ravager le reste de la région. »
Ce choix permet à Tsippori d’éviter le sort tragique de nombreuses autres villes juives qui résistent aux Romains et sont détruites. Vespasien, lorsqu’il arrive en Galilée en 67, trouve une ville déjà sous contrôle romain et n’a donc pas besoin de l’assiéger ou de la punir.
Plusieurs raisons expliquent la décision de Tsippori :
- Un réalisme politique : Les élites locales comprennent que la révolte juive a peu de chances de réussir contre la puissance militaire romaine. Elles choisissent donc la soumission pour éviter des destructions inutiles.
- Une population mixte : Contrairement à des villes comme Jérusalem, où le sentiment anti-romain est exacerbé, Tsippori compte une forte population gréco-romaine qui a peu d'intérêt pour la révolte.
- Un centre économique prospère : La ville est riche et commerçante. S’opposer à Rome mettrait en péril son économie et son statut.
- L’absence d’une faction radicale : Contrairement à Gamla ou Jérusalem, Tsippori n’abrite pas de groupes zélotes ou sicaires capables d’imposer une ligne dure contre Rome.
En acceptant une garnison romaine, Tsippori se met sous la protection de l'Empire, évitant ainsi le sort de villes comme Yodfat, où Josèphe lui-même sera capturé après un long siège meurtrier.
Conséquences et héritage
Après la guerre, Tsippori devient encore plus prospère. Alors que Jérusalem est détruite en 70 apr. J.-C., la Galilée devient le nouveau centre du judaïsme rabbinique. Au IIe siècle, sous le règne des Antonins, la ville devient un centre d’étude majeur et accueille Rabbi Yehuda HaNassi, le compilateur de la Mishnah.

Sous l’Empire byzantin, Tsippori continue de prospérer et devient un centre chrétien, tout en conservant une importante communauté juive. Les fouilles archéologiques y ont révélé d’importantes mosaïques, témoignant de son importance culturelle et religieuse à travers les siècles.
Le choix de Tsippori d’éviter la guerre en se rendant aux Romains a façonné son destin. Alors que d’autres villes juives ont été rasées et leurs populations massacrées ou déportées, Tsippori a su naviguer habilement dans une période troublée et tirer profit de son pragmatisme politique.
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Sur les monnaies frappées à l'époque à Tsippori, elle est nommée Eirenopolis, "cité de la paix". Plus tard, son nom fut changé en Diocaesarea, en l'honneur de Zeus et de l'Empereur.

Au second siècle de l'ère vulgaire, Tsippori devint le centre de la vie religieuse et spirituelle juive en Terre d'Israël. Le sanhédrin (conseil suprême religieux et judiciaire juif), présidé par Rabbi Yéhouda Hanassi, se trouvait à Tsippori au début du troisième siècle. A cette époque, les Juifs constituaient la majorité de la population de la cité. Même après que le Sanhédrin s'installa à Tibériade, Tsippori demeura un important centre d'études bibliques, avec des sages éminents qui enseignaient dans de nombreuses académies.

A l'époque byzantine, la communauté chrétienne de Tsippori s'accrût considérablement. Cette croissance alla de pair avec la construction de nombreuses églises et par une participation des chrétiens aux affaires municipales. Tsippori devait décliner après la conquête arabe au milieu du septième siècle.

Au Xlle siècle, sous la domination des Croisés, une petite tour de guet et une église (consacrée à Anne et Joachim, les parents de Marie, mère de Jésus) furent édifiées tout en haut de la ville. Les vestiges de la tour, partiellement restaurée par la suite, sont encore visibles aujourd'hui.
Durant les périodes romaines et byzantines, une acropole se trouvait sur l'éminence surplombant la cité, tandis que la ville s'étalait plus bas, couvrant une arête en arceau, à l'est de l'acropole.
Points d'intérêt sur le site
Depuis 1990, d'importants secteurs de Tsippori ont été dégagés, confortant les sources écrites portant sur l'histoire de la cité.
L'acropole
Les premiers quartiers résidentiels de la cité furent mis au jour sur le côté occidental de l'acropole. Ces vestiges prouvent que le peuplement initial de Tsippori remonte aux périodes asmonéenne et hérodienne (allant de la fin du second siècle avant au premier siècle de l'ère vulgaire). Ces bâtiments, d'un étage ou deux, étaient édifiés de part et d'autre d'une étroite ruelle pavée. On y retrouve de nombreux bains rituels juifs (mikvaot) creusés dans le soubassement et plâtrés. Plusieurs marches mènent au fond de ces piscines rituelles à usage domestique.
La villa romaine
Une superbe villa romaine du troisième siècle de l'ère vulgaire a été découverte sur le côté occidental de l'acropole. Cette résidence de deux étages comprenait de nombreuses pièces, quelques-unes pavées de mosaïques multicolores, distribuées autour d'une cour intérieure (atrium), bordée de portiques couverts à colonnes.

Cette cour était reliée par des portes au triclinium, la plus vaste pièce de l'édifice, pavée d'une superbe mosaïque. La partie décorée du pavement, en T, permettait aux hôtes, allongés sur leurs couches sur les trois côtés de la pièce, d'apprécier les divers panneaux du sol. Ces mosaïques évoquent, en plus de vingt nuances de tessères (tessarae) colorées, la vie de Dionysos, dieu grec du vin, ansi que des scènes de la vie quotidienne liées aux rites dionysiaques.
La ville basse
Une grande partie de la ville basse, à l'est de l'acropole, a été mise au jour. D'abord habitée au cours du deuxième siècle, elle présente un réseau bien conçu de rues et d'ilots (insulae) de bâtiments.
Deux rues pavées à colonnades, aux trottoirs abrités d'un toit - le cardo, avec le decumanus à l'intersection - étaient flanquées des deux côtés par des boutiques. Ces rues connurent de nombreuses modifications au fil des siècles. A la fin de la période byzantine, les trottoirs furent revêtus d'un parement de mosaïques aux motifs géométriques, avec cette inscription en grec : "Sous notre très saint évêque Euthropius, la cité toute entière, en ce temps de la quatorzième indiction".

Le plus grand et le plus riche bâtiment découvert jusqu'ici, 'la Maison de la fête du Nil', date du Ve siècle et couvre une superficie de 50 mètres sur 30 mètres. Une vingtaine de salles sont ornées de superbes mosaïques multicolores, dont les plus raffinées, pratiquement intactes, décrivent des scènes de la fête du Nil.
La synagogue
Dans la ville basse, on devait découvrir les vestiges d'une synagogue du VIe siècle, de forme allongée (16 m sur 6,5 m), et divisée par une rangée de colonnes en une salle principale et une aile plus exiguë. La mosaïque de la salle principale, partiellement détériorée, porte en son centre un zodiaque avec le dieu solaire Hélios dans son charriot, entouré de personnages, de signes du zodiaque et du nom des mois. L'ensemble est divisé en panneaux, certains dépeignant des scènes bibliques (Abraham et les anges, le sacrifice d'Isaac) et d'autres le rituel du Temple (un sacrifice, une offrande des prémices et la table portant les pains de proposition).
Depuis 1990, la majeure partie des travaux archéologiques menés sur place, sous la direction de Z. Weiss et E. Netzer, le sont pour le compte de l'Université hébraïque de Jérusalem. Auparavant, le site avait fait l'objet de fouilles menées conjointement par une équipe de l'université de Caroline du Nord et de l'Université hébraïque, dirigée par E.M. Meyers, C.L. Meyers et E. Netzer. Des expéditions pour le compte des universités de Floride du Sud et Duke, dirigées par E.M. Meyers, C.L. Meyers et K. Hoglund, travaillent actuellement sur le site. (source MFA Israël 6/12/2010 cité in Juif.org)