Je veux dédier ce poème A toutes les femmes qu'on aime Pendant quelques instants secrets A celles qu'on connaît à peine Qu'un destin différent entraîne
Et qu'on ne retrouve jamais
A celle qu'on voit apparaître Une seconde à sa fenêtre Et qui, preste, s'évanouit Mais dont la svelte silhouette Est si gracieuse et fluette Qu'on en demeure épanoui
A la compagne de voyage Dont les yeux, charmant paysage Font paraître court le chemin Qu'on est seul, peut-être, à comprendre Et qu'on laisse pourtant descendre Sans avoir effleuré la main
A celles qui sont déjà prises Et qui, vivant des heures grises
Près d'un être trop différent Vous ont, inutile folie, Laissé voir la mélancolie D'un avenir désespérant
Chères images aperçues Espérances d'un jour déçues Vous serez dans l'oubli demain Pour peu que le bonheur survienne Il est rare qu'on se souvienne Des épisodes du chemin
Mais si l'on a manqué sa vie On songe avec un peu d'envie A tous ces bonheurs entrevus Aux baisers qu'on n'osa pas prendre Aux coeurs qui doivent vous attendre Aux yeux qu'on n'a jamais revus
Alors, aux soirs de lassitude Tout en peuplant sa solitude Des fantômes du souvenir On pleure les lèvres absentes De toutes ces belles passantes Que l'on n'a pas su retenir
Supplique pour être enterré sur la plage de Sète
En Si,
Intro : Bm x 4
Bm ; F# ; Em A7 D B7 ; Em ; Bm ; G F# Bm G F# (dernier G F# A Bm A G A Bm)
La Camarde, qui ne m'a jamais pardonné D'avoir semé des fleurs dans les trous de son nez, Me poursuit d'un zèle imbécile. Alors, cerné de près par les enterrements,
J'ai cru bon de remettre à jour mon testament, De me payer un codicille. Trempe, dans l'encre bleue du golfe du Lion, Trempe, trempe ta plume, ô mon vieux tabellion, Et, de ta plus belle écriture, Note ce qu'il faudrait qu'il advînt de mon corps, Lorsque mon âme et lui ne seront plus d'accord Que sur un seul point : la rupture. Quand mon âme aura pris son vol à l'horizon Vers celles de Gavroche et de Mimi Pinson, Celles des titis, des grisettes, Que vers le sol natal mon corps soit ramené Dans un sleeping du "Paris-Méditerannée", Terminus en gare de Sète. Mon caveau de famille, hélas ! n'est pas tout neuf. Vulgairement parlant, il est plein comme un oeuf,
Et, d'ici que quelqu'un n'en sorte, Il risque de se faire tard et je ne peux Dire à ces brave gens "Poussez-vous donc un peu !" Place aux jeunes en quelque sorte. Juste au bord de la mer, à deux pas des flots bleus, Creusez, si c'est possible, un petit trou moelleux, Une bonne petite niche, Auprès de mes amis d'enfance, les dauphins, Le long de cette grève où le sable est si fin, Sur la plage de la Corniche. C'est une plage où, même à ses moments furieux, Neptune ne se prend jamais trop au sérieux, Où, quand un bateau fait naufrage, Le capitaine crie : "Je suis le maître à bord !
Sauve qui peut ! Le vin et le pastis d'abord ! Chacun sa bonbonne et courage !" Et c'est là que, jadis, à quinze ans révolus, A l'âge où s'amuser tout seul ne suffit plus, Je connus la prime amourette.
Auprès d'une sirène, une femme-poisson, Je reçus de l'amour la première leçon, Avalai la première arête. Déférence gardée envers Paul Valéry, Moi, l'humble troubadour, sur lui je renchéris, Le bon maître me le pardonne, Et qu'au moins, si ses vers valent mieux que les miens, Mon cimetière soit plus marin que le sien, Et n'en déplaise aux autochtones. Cette tombe en sandwich, entre le ciel et l'eau, Ne donnera pas une ombre triste au tableau,
Mais un charme indéfinissable. Les baigneuses s'en serviront de paravent Pour changer de tenue, et les petits enfants Diront : "Chouette ! un château de sable !" Est-ce trop demander... ! Sur mon petit lopin, Plantez, je vous en prie, une espèce de pin, Pin parasol, de préférence, Qui saura prémunir contre l'insolation Les bons amis venus fair' sur ma concession D'affectueuses révérences. Tantôt venant d'Espagne et tantôt d'Italie, Tous chargés de parfums, de musiques jolies, Le mistral et la tramontane Sur mon dernier sommeil verseront les échos, De villanelle un jour, un jour de fandango, De tarentelle, de sardane... Et quand, prenant ma butte en guise d'oreiller, Une ondine viendra gentiment sommeiller
Avec moins que rien de costume, J'en demande pardon par avance à Jésus, Si l'ombre de ma croix s'y couche un peu dessus Pour un petit bonheur posthume. Pauvres rois, pharaons ! Pauvre Napoléon ! Pauvres grands disparus gisant au Panthéon ! Pauvres cendres de conséquence ! Vous envierez un peu l'éternel estivant, Qui fait du pédalo sur la vague en rêvant, Qui passe sa mort en vacances
Mourir pour des idées
Mourir pour des idées, l'idée est excellente Moi j'ai failli mourir de ne l'avoir pas eue Car tous ceux qui l'avaient, multitude accablante En hurlant à la mort me sont tombés dessus Ils ont su me convaincre et ma muse insolente
Abjurant ses erreurs, se rallie à leur foi Avec un soupçon de réserve toutefois Mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente, D'accord, mais de mort lente
Jugeant qu'il n'y a pas péril en la demeure Allons vers l'autre monde en flânant en chemin Car, à forcer l'allure, il arrive qu'on meure Pour des idées n'ayant plus cours le lendemain Or, s'il est une chose amère, désolante En rendant l'âme à Dieu c'est bien de constater Qu'on a fait fausse route, qu'on s'est trompé d'idée Mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente D'accord, mais de mort lente
Les saint jean bouche d'or qui prêchent le martyre Le plus souvent, d'ailleurs, s'attardent ici-bas Mourir pour des idées, c'est le cas de le dire C'est leur raison de vivre, ils ne s'en privent pas Dans presque tous les camps on en voit qui supplantent Bientôt Mathusalem dans la longévité J'en conclus qu'ils doivent se dire, en aparté "Mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente D'accord, mais de mort lente"
Des idées réclamant le fameux sacrifice Les sectes de tout poil en offrent des séquelles Et la question se pose aux victimes novices Mourir pour des idées, c'est bien beau mais lesquelles ?
Et comme toutes sont entre elles ressemblantes Quand il les voit venir, avec leur gros drapeau Le sage, en hésitant, tourne autour du tombeau Mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente D'accord, mais de mort lente
Encor s'il suffisait de quelques hécatombes Pour qu'enfin tout changeât, qu'enfin tout s'arrangeât Depuis tant de "grands soirs" que tant de têtes tombent Au paradis sur terre on y serait déjà Mais l'âge d'or sans cesse est remis aux calendes Les dieux ont toujours soif, n'en ont jamais assez Et c'est la mort, la mort toujours recommencée
Mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente D'accord, mais de mort lente
O vous, les boutefeux, ô vous les bons apôtres Mourez donc les premiers, nous vous cédons le pas Mais de grâce, morbleu! laissez vivre les autres! La vie est à peu près leur seul luxe ici bas Car, enfin, la Camarde est assez vigilante Elle n'a pas besoin qu'on lui tienne la faux Plus de danse macabre autour des échafauds! Mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente D'accord, mais de mort lente
Stances à un cambrioleur
Prince des monte-en-l'air et de la cambriole Toi qui eus le bon goût de choisir ma maison Cependant que je colportais mes gaudrioles En ton honneur j'ai composé cette chanson
Sache que j'apprécie à sa valeur le geste Qui te fit bien fermer la porte en repartant De peur que des rôdeurs n'emportassent le reste Des voleurs comme il faut c'est rare de ce temps
Tu ne m'as dérobé que le strict nécessaire Délaissant dédaigneux l'exécrable portrait Que l'on m'avait offert à mon anniversaire Quel bon critique d'art mon salaud tu ferais
Autre signe indiquant toute absence de tare Respectueux du brave travailleur tu n'as Pas cru décent de me priver de ma guitare Solidarité sainte de l'artisanat
Pour toutes ces raisons vois-tu, je te pardonne Sans arrière-pensée après mûr examen Ce que tu m'as volé, mon vieux, je te le donne
Ça pouvait pas tomber en de meilleures mains
D'ailleurs moi qui te parle, avec mes chansonnettes Si je n'avais pas dû rencontrer le succès J'aurais tout comme toi, pu virer malhonnête Je serais devenu ton complice, qui sait
En vendant ton butin, prends garde au marchandage Ne vas pas tout lâcher en solde au receleurs Tiens leur la dragée haute en évoquant l'adage Qui dit que ces gens-là sont pis que les voleurs
Fort de ce que je n'ai pas sonné les gendarmes Ne te crois pas du tout tenu de revenir Ta moindre récidive abolirait le charme Laisse-moi je t'en prie, sur un bon souvenir
Monte-en-l'air, mon ami, que mon bien te profite Que Mercure te préserve de la prison Aie pas trop de remords, d'ailleurs nous sommes quittes Apres tout ne te dois-je pas une chanson
Post-Scriptum, si le vol est l'art que tu préfères Ta seule vocation, ton unique talent Prends donc pignon sur rue, mets-toi dans les affaires Et tu auras les flics même comme chalands
Les copains d'abord
Non, ce n'était pas le radeau De la Méduse, ce bateau, Qu'on se le dis' au fond des ports, Dis' au fond des ports, Il naviguait en pèr' peinard
Sur la grand-mare des canards, Et s'app'lait les Copains d'abord Les Copains d'abord.
Ses fluctuat nec mergitur C'était pas d'la littératur', N'en déplaise aux jeteurs de sort, Aux jeteurs de sort, Son capitaine et ses mat'lots N'étaient pas des enfants d'salauds, Mais des amis franco de port, Des copains d'abord.
C'étaient pas des amis de lux', Des petits Castor et Pollux, Des gens de Sodome et Gomorrh', Sodome et Gomorrh', C'étaient pas des amis choisis
Par Montaigne et La Boeti', Sur le ventre ils se tapaient fort, Les copains d'abord.
C'étaient pas des anges non plus, L'Evangile, ils l'avaient pas lu, Mais ils s'aimaient tout's voil's dehors, Tout's voil's dehors, Jean, Pierre, Paul et compagnie, C'était leur seule litanie Leur Crédo, leur Confitéor, Aux copains d'abord.
Au moindre coup de Trafalgar, C'est l'amitié qui prenait l'quart, C'est elle qui leur montrait le nord, Leur montrait le nord. Et quand ils étaient en détresse,
Qu'leur bras lancaient des S.O.S., On aurait dit les sémaphores, Les copains d'abord.
Au rendez-vous des bons copains, Y'avait pas souvent de lapins, Quand l'un d'entre eux manquait a bord, C'est qu'il était mort. Oui, mais jamais, au grand jamais, Son trou dans l'eau n'se refermait, Cent ans après, coquin de sort ! Il manquait encor.
Des bateaux j'en ai pris beaucoup, Mais le seul qui'ait tenu le coup, Qui n'ait jamais viré de bord, Mais viré de port, Naviguait en père peinard
Sur la grand-mare des canards, Et s'app'lait les Copains d'abord Les Copains d'abord.
Le pornographe du phonographe
Autrefois, quand j'étais marmot J'avais la phobie des gros mots Et si j'pensais " merde " tout bas Je ne le disais pas Mais
Aujourd'hui que mon gagne-pain C'est d'parler comme un turlupin Je n'pense plus " merde ", pardi Mais je le dis
J'suis l'pornographe Du phonographe Le polisson De la chanson
Afin d'amuser la gal'rie Je crache des gauloiseries Des pleines bouches de mots crus Tout à fait incongrus Mais En m'retrouvant seul sous mon toit Dans ma psyché j'me montre au doigt Et m'crie: " Va t'faire, homme incorrec'
Voir par les Grecs "
J'suis l'pornographe Du phonographe Le polisson De la chanson
Tous les sam'dis j'vais à confess' M'accuser d'avoir parlé d'fess's Et j'promets ferme au marabout De les mettre tabou Mais Craignant, si je n'en parle plus D'finir à l'Armée du Salut Je r'mets bientôt sur le tapis Les fesses impies
J'suis l'pornographe
Du phonographe Le polisson De la chanson
Ma femme est, soit dit en passant D'un naturel concupiscent Qui l'incite à se coucher nue Sous le premier venu Mais M'est-il permis, soyons sincèr's D'en parler au café-concert Sans dire qu'elle a, suraigu Le feu au cul ?
J'suis l'pornographe Du phonographe Le polisson De la chanson
J'aurais sans doute du bonheur Et peut-être la Croix d'Honneur A chanter avec décorum L'amour qui mène à Rom' Mais Mon ang' m'a dit : " Turlututu Chanter l'amour t'est défendu S'il n'éclôt pas sur le destin D'une putain "
J'suis l'pornographe Du phonographe Le polisson De la chanson
Et quand j'entonne, guilleret A un patron de cabaret
Une adorable bucolique Il est mélancolique Et Me dit, la voix noyée de pleurs " S'il vous plaît de chanter les fleurs Qu'ell's poussent au moins rue Blondel Dans un bordel "
J'suis l'pornographe Du phonographe Le polisson De la chanson
Chaque soir avant le dîner A mon balcon mettant le nez Je contemple les bonnes gens Dans le soleil couchant Mais
N'me d'mandez pas d'chanter ça, si Vous redoutez d'entendre ici Que j'aime à voir, de mon balcon Passer les cons
J'suis l'pornographe Du phonographe Le polisson De la chanson
Les bonnes âmes d'ici bas Comptent ferme qu'à mon trépas Satan va venir embrocher Ce mort mal embouché Mais Mais veuille le grand manitou Pour qui le mot n'est rien du tout Admettre en sa Jérusalem
A l'heure blême
Le pornographe Du phonographe Le polisson De la chanson