En 1198, Philippe Auguste rappelle les Juifs en même temps qu’il passe avec Thibault de Champagne un accord d’ « extradition réciproque ». En fait ils sont de plus en plus mal tolérés dans un État en formation et chaque nouvelle acquisition des Capétiens aura pour eux des conséquences désastreuses. Le XIIIe siècle enregistre de surcroît le développement des villes et la fin de l’extension de l’espace agricole. Or, les Juifs exclus des confréries et des corporations ne sont pas des bourgeois, même s’ils vivent dans l’enceinte d’une cité. Exclus de la propriété foncière, ils ne sont pas non plus paysans ; ils sont, en conséquence, plus exposés que d’autres aux mouvements sociaux qui se développent dans une société urbaine compartimentée.. Voici le texte de l’ordonnance concernant le prêt à intérêt, édictée par Philippe Auguste en 1206 :
« 1. Aucun juif ne pourra prendre un plus gros intérêt, que de deux deniers par livre pour chaque semaine.
« 2. Nul juif ne pourra forcer son débiteur à compter avant l’an, à moins que le débiteur ne veuille s’acquitter et compter, car toutes les fois que le débiteur voudra compter et rendre au juif ce qu’il lui devra, le juif ne pourra le refuser.
« 3. Les juifs feront sceller leurs obligations, dans le jour qui leur aura été fixé par les baillis du Roi, et après ce jour ils ne pourront plus rien exiger par vertu de l’ancien sceau.
« 4. S’il arrive qu’un débiteur soit en fuite ou en pèlerinage, on arrêtera ou fixera ce qu’il doit, et de ce jour l’intérêt de la somme due ne courra plus qu’à raison de deux deniers par livre et par semaine.
« 5. Les juifs en prêtant ainsi à intérêt ne pourront prendre pour gages des vases et des ornements ecclésiastiques, des vêtements ensanglantés ou mouillés récemment, des terres des églises sous le Roi, sans son consentement, ni des terres des églises qui sont sous le comte de Troyes ou d’autres barons sans leur permission et s’ils le font, ils perdront ce qu’ils auront prêté et rendront les gages à ceux à qui ils appartiennent.
« 6. Dans le temps du prêt, le juif et le débiteur seront tenus d’affirmer, le débiteur qu’il aura reçu tout le contenu dans l’obligation et qu’il n’aura rien donné, ni rien promis au juif, et le juif qu’il n’aura rien reçu, ni qu’il ne lui aura été rien promis. Et si dans la suite, ils sont convaincus du contraire, le juif perdra sa créance et le débiteur sera en la miséricorde du Roi.
« 7. Le juif ne pourra rien exiger de ce qu’il aura prêté si son obligation n’est scellée, ou à moins qu’il n’ait des gages entre ses mains, comme or, argent, vêtements ou animaux.
« 8. Il y aura dans chaque ville deux hommes de probité qui garderont le sceau des juifs, et ils feront serment sur l’Evangile qu’ils n’apposeront le sceau à aucune promesse, s’ils n’ont connaissance par eux-mêmes, ou par d’autres, que la somme qu’elle contient est légitimement due.
« 9. Il n’y aura dans chaque ville qu’une personne, qui rédigera les obligations passées au profit des juifs, et cette personne donnera caution qu’elle fera exactement son devoir.
« 10. Cet établissement ne durera que tant que le Roi, la comtesse de Troyes, Guy de Dampierre et les autres barons, dont le Roi prendra l’avis, le jugeront à propos.
(D’après « Être juif dans la société française du Moyen Age à nos jours » par Béatrice Philippe, édition de 1999 et « Histoire de Philippe Auguste »
par Jean-Baptiste Capefigue, (Tome 1) paru en 1829, cité in La France Pittoresque)