À la fin du XVIIIe siècle, la France est en pleine tourmente révolutionnaire.

La Révolution française, débutée en 1789, a bouleversé l'ordre politique, social et économique du pays.

La monarchie absolue a été renversée, et la Première République a été proclamée en 1792. Cependant, les tensions internes et les menaces extérieures persistent.

Les guerres de la Première Coalition (1792-1797) opposent la France révolutionnaire à une alliance de monarchies européennes, dont l'Autriche, la Prusse, la Grande-Bretagne et l'Espagne. La France, dirigée par le Directoire, un gouvernement faible et corrompu, est en quête de stabilité et de prestige.

Napoléon Bonaparte, jeune général corse, s'est distingué par ses victoires militaires, notamment lors de la campagne d'Italie (1796-1797), où il a vaincu les Autrichiens et étendu l'influence française en Europe. Devenu une figure populaire et ambitieuse, Napoléon cherche à consolider son pouvoir et à redorer le blason de la France. Le Directoire, craignant son influence grandissante, envisage de l'éloigner de Paris en lui confiant une mission à l'étranger.

 
Au Proche-Orient, l'Empire ottoman, autrefois puissant, est en déclin. Les provinces arabes, dont l'Égypte, sont sous domination ottomane, mais leur contrôle est affaibli par des conflits internes et des rivalités entre gouverneurs locaux. L'Égypte, en particulier, est un territoire stratégique en raison de sa position géographique, qui contrôle l'accès à la mer Méditerranée et à la mer Rouge, ainsi que de son potentiel économique.

La Grande-Bretagne, puissance maritime dominante, cherche à protéger ses routes commerciales vers l'Inde, sa colonie la plus précieuse.

La France, rivale de la Grande-Bretagne, voit dans l'Égypte une opportunité de menacer les intérêts britanniques et d'établir une base pour étendre son influence en Orient. Les idées des Lumières et la fascination pour l'Égypte antique, renforcées par les récentes découvertes archéologiques, alimentent également l'intérêt français pour cette région.

Causes de la campagne d'Égypte

Plusieurs facteurs expliquent le lancement de la campagne d'Égypte par Napoléon.

Tout d'abord, sur le plan politique, le Directoire souhaite éloigner Napoléon, dont la popularité menace leur autorité. En lui confiant une mission lointaine, ils espèrent réduire son influence tout en exploitant ses talents militaires pour renforcer la position de la France.

Sur le plan stratégique, l'Égypte représente un objectif clé pour affaiblir la Grande-Bretagne. En s'emparant de l'Égypte, la France pourrait menacer les routes commerciales britanniques vers l'Inde et potentiellement établir une présence durable en Orient. Napoléon, visionnaire et ambitieux, voit également dans cette campagne une opportunité de gloire personnelle et de légitimité politique.

Enfin, sur le plan culturel et scientifique, l'Égypte fascine les intellectuels français. Napoléon emmène avec lui une commission de savants, artistes et ingénieurs, chargés d'étudier et de documenter les richesses de l'Égypte antique. Cette expédition a donc une dimension à la fois militaire et intellectuelle.

Déroulement

La campagne d'Égypte commence en mai 1798, lorsque Napoléon quitte Toulon à la tête d'une flotte de plus de 300 navires transportant environ 35 000 soldats. Après avoir évité la flotte britannique commandée par l'amiral Nelson, les Français débarquent à Alexandrie le 1er juillet 1798. Napoléon s'empare rapidement de la ville et se dirige vers Le Caire.

Le 21 juillet 1798, les Français remportent la bataille des Pyramides contre les Mamelouks, la caste militaire qui domine l'Égypte. Cette victoire permet à Napoléon de prendre le contrôle du Caire et de consolider sa position en Égypte. Cependant, la situation se complique rapidement.

Le 1er août 1798, la flotte française est détruite par Nelson lors de la bataille d'Aboukir, coupant les forces françaises de leurs lignes de ravitaillement et d'approvisionnement. Isolés en Égypte, les Français doivent faire face à des révoltes locales, à des attaques des Mamelouks et à des difficultés logistiques.

En février 1799, Napoléon lance une campagne en Syrie pour contrer une menace ottomane. Bien qu'il remporte plusieurs victoires, comme la prise de Jaffa, il échoue à prendre Saint-Jean-d'Acre, défendue par les Britanniques et les Ottomans. Forcé de battre en retraite, Napoléon retourne en Égypte.

 

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Le 25 juillet 1799, Napoléon remporte une victoire décisive contre les Ottomans à la bataille d'Aboukir, mais la situation en France devient critique. Le Directoire est en pleine crise, et les nouvelles de défaites militaires en Europe atteignent l'Égypte. Napoléon décide alors de rentrer en France pour y reprendre les rênes du pouvoir.

La bataille d’Aboukir eut lieu le entre l'Armée française d'Orient et les Turcs ottomans en Égypte menés par Mustapha Pacha. Malgré une nette infériorité numérique, les Français menés par le général Napoléon Bonaparte remportent une victoire décisive notamment grâce à leur cavalerie, menée par Murat. Cette victoire annihile les forces ottomanes, donnant un répit stratégique à l’occupation française en Égypte.

 


Départ précipité de Napoléon

Isolé en Égypte, Napoléon apprend, par des journaux et des courriers, que la situation politique en France est instable. Le Directoire, au pouvoir depuis 1795, est affaibli par des crises internes, des dissensions politiques et une situation économique désastreuse. Sentant l’opportunité de jouer un rôle décisif dans la future direction du pays, Napoléon décide de rentrer en France.

Le 22 août 1799, Napoléon quitte secrètement l’Égypte, laissant le commandement à son général Kléber. Il embarque sur la frégate *La Muiron* avec une poignée de fidèles, dont Berthier, Murat et Lannes. Le voyage est périlleux, car la Méditerranée est contrôlée par la Royal Navy britannique. Napoléon évite de justesse les patrouilles ennemies et débarque à Fréjus le 9 octobre 1799.

Son retour est accueilli avec enthousiasme par la population locale, qui voit en lui un héros national. La nouvelle de son arrivée se répand rapidement, et il entame une marche triomphale vers Paris.

À Paris, Napoléon est reçu en sauveur. Les Français, lassés des querelles politiques et des difficultés économiques, placent en lui leurs espoirs. Il est soutenu par des figures influentes comme Sieyès, qui cherche à renverser le Directoire pour établir un régime plus stable. Napoléon orchestre alors le coup d’État du 18 Brumaire (9 novembre 1799), qui marque la fin du Directoire et le début du Consulat. Il devient Premier Consul, concentrant ainsi le pouvoir entre ses mains.

Ce retour précipité d’Égypte est un tournant décisif dans la carrière de Napoléon. Non seulement il marque la fin de sa campagne égyptienne, mais il ouvre aussi la voie à son ascension vers le pouvoir suprême en France. L’expédition d’Égypte, bien que militairement ambiguë, renforce son prestige et sa légende, grâce notamment à la découverte de la pierre de Rosette et aux travaux scientifiques menés par les savants accompagnant l’armée. Ainsi, le retour de Napoléon en 1799 est un moment clé de l’histoire française, annonçant une nouvelle ère politique et la montée de l’Empire.


La situation en Égypte après le départ de Napoléon

Après le départ précrédité de Napoléon en août 1799, le commandement de l'armée française en Égypte est confié au général Jean-Baptiste Kléber. Kléber, un officier compétent et respecté, hérite d'une situation difficile. Les forces françaises sont isolées, coupées de la métropole après la destruction de leur flotte à Aboukir, et doivent faire face à des révoltes locales, à des attaques des Mamelouks et à la menace croissante des Ottomans, soutenus par les Britanniques.

Kléber comprend rapidement que la position française en Égypte est intenable à long terme. Il entame des négociations avec les Ottomans et les Britanniques pour obtenir une retraite honorable.

En janvier 1800, il signe la convention d'El-Arish avec l'amiral britannique Sidney Smith, qui prévoit l'évacuation des troupes françaises d'Égypte en échange de leur retour en France. Cependant, le gouvernement britannique refuse de ratifier l'accord, estimant que les termes sont trop favorables aux Français. Kléber se retrouve donc contraint de reprendre les hostilités.

La bataille d'Héliopolis et la reconquête de l'Égypte

En mars 1800, les Ottomans lancent une offensive majeure pour reprendre l'Égypte. Une armée ottomane, commandée par le grand vizir Yusuf Pacha, avance depuis la Syrie. Kléber décide de les affronter avant qu'ils ne puissent atteindre Le Caire.

Le 20 mars 1800, les forces françaises, bien que largement inférieures en nombre, remportent une victoire décisive à la bataille d'Héliopolis. Cette victoire permet à Kléber de reprendre le contrôle de la Haute-Égypte et de stabiliser temporairement la situation.

Cependant, malgré cette victoire, la position des Français reste précaire. Les révoltes locales continuent, et les ressources manquent. Kléber doit faire face à des défis logistiques et politiques considérables. Il tente de réorganiser l'administration française en Égypte et de gagner le soutien de la population locale, mais ses efforts sont entravés par les tensions internes et les difficultés matérielles.

Le 14 juin 1800, Kléber est assassiné au Caire par un étudiant syrien nommé Suleiman al-Halabi, qui agit probablement sous l'influence des Ottomans.

 

 

Sa mort est un coup dur pour l'armée française, car Kléber était un chef compétent et respecté. Le commandement est repris par le général Jacques-François Menou, un officier moins expérimenté et moins populaire.

Menou hérite d'une situation encore plus difficile que celle de Kléber. Les Ottomans, encouragés par la mort de Kléber, intensifient leurs attaques. Les Britanniques, sous le commandement de Ralph Abercromby, débarquent en Égypte en mars 1801 avec une force expéditionnaire. Les Français doivent désormais faire face à une double menace : les Ottomans à l'est et les Britanniques au nord.

Les combats en Palestine : Jaffa et Acre



Avant le départ de Napoléon, les Français avaient déjà mené des opérations en Palestine, notamment à Jaffa et à Acre. En mars 1799, Napoléon avait pris Jaffa après un siège sanglant. La ville avait été mise à sac, et les soldats français avaient commis des atrocités contre la population civile et les prisonniers de guerre. Cette prise avait permis à Napoléon de sécuriser une base pour son avancée vers Acre.

Acre, une ville fortifiée située sur la côte méditerranéenne, était un objectif stratégique pour Napoléon. Cependant, la ville était défendue par les Ottomans, soutenus par les Britanniques sous le commandement de Sidney Smith. Le siège d'Acre, qui dura de mars à mai 1799, fut un échec pour les Français. Malgré plusieurs assauts, ils ne parvinrent pas à prendre la ville, en grande partie à cause des fortifications renforcées par les Britanniques et de la résistance acharnée des défenseurs. Napoléon fut finalement contraint de battre en retraite, marquant la fin de sa campagne en Palestine.

Après la mort de Kléber et sous le commandement de Menou, la situation des Français en Égypte continue de se détériorer. Les Britanniques et les Ottomans coordonnent leurs efforts pour chasser les Français.

En mars 1801, les Britanniques débarquent à Aboukir et remportent une victoire décisive à la bataille d'Alexandrie. Menou, malgré ses efforts, ne parvient pas à repousser les forces coalisées.

En août 1801, Menou capitule finalement à Alexandrie. Les termes de la reddition prévoient l'évacuation des troupes françaises d'Égypte. Les soldats français sont rapatriés en France, mais ils doivent abandonner leurs armes et leurs équipements. La campagne d'Égypte, qui avait commencé avec de grandes ambitions, se termine ainsi par une retraite humiliante.


Après le départ précipité de Napoléon, l'armée française en Égypte, sous le commandement de Kléber puis de Menou, a donc dû faire face à des défis considérables. Malgré des victoires tactiques comme celle d'Héliopolis, les Français n'ont jamais réussi à consolider leur position en Égypte. Les révoltes locales, les attaques des Ottomans et l'intervention britannique ont finalement conduit à la chute de la présence française en Égypte. La campagne d'Égypte, bien qu'elle ait marqué un chapitre important de l'histoire militaire et scientifique, s'est soldée par un échec stratégique pour la France.