Les controverses théologiques entre juifs et chrétiens, courantes dans les premiers siècles du christianisme, se poursuivent dans l’Europe médiévale, où elles se déroulent généralement dans un climat de cordialité. Dans le courant du XIe siècle, la chrétienté occidentale s’organise dans sa lutte contre les hérésies afin d’affermir son pouvoir spirituel. L’intérêt porté par les clercs aux textes juifs évolue alors graduellement de la méfiance à la franche hostilité. La littérature rabbinique devient la cible privilégiée de l’antijudaïsme.
En 1239, Nicolas Donin, juif converti, se rend à Rome auprès du pape Grégoire IX, auquel il soumet une accusation en règle contre le Talmud, livre jugé « immoral et offensant » pour les chrétiens, « blasphématoire » envers le Christ et la Vierge Marie. Le pape promulgue une bulle ordonnant la saisie de tous les exemplaires du Talmud en France, en Angleterre, en Aragon et en Castille, ainsi que l’ouverture d’une enquête sur le contenu du Talmud. Louis IX, dit Saint Louis sera le seul souverain à satisfaire à cette exigence.
Les livres sont recherchés dans toute la France et transportés à Paris, où une controverse est soutenue publiquement en présence du roi et de la reine mère, Blanche de Castille, les 25 et 26 juin 1240.
Le procès du Talmud est instruit selon les trente-cinq accusations énumérées dans la bulle de Grégoire IX et regroupées en cinq thèmes :
I. Sur la valeur et l’autorité du Talmud, l’importance exagérée qu’il a prise chez les juifs ;
II. Sur les blasphèmes qu’il contient contre Jésus ;
III. Sur les blasphèmes contre Dieu et contre la morale ;
IV. Sur les blasphèmes contre les chrétiens ;
V. Erreurs, sottises et absurdités.
Les acteurs principaux des débats sont, du côté chrétien, Eudes de Châteauroux, chancelier de l’Université de Paris, et Nicolas Donin.
Quatre rabbins leur font face : Yehiel ben Joseph, chef de l’école talmudique de Paris, Judah ben David de Melun, tossafiste (commentateur) qui dirige l’école talmudique de Melun, Samuel ben Salomon, appelé aussi sire Morel de Falaise, un des plus importants tossafistes français, et Moïse ben Jacob de Coucy, tossafiste, auteur du Sefer Mitsvot Gadol. Le greffier juif de la controverse est Nathan ben Joseph, surnommé l’Official.
Malgré le talent oratoire et l’érudition des rabbins, qui réfutent point par point les accusations, le Talmud est condamné.
Tous les exemplaires sont solennellement et publiquement brûlés à Paris, sur l’actuelle place des Vosges (on parle de vingt-quatre charretées de livres), probablement en 1242.
Les juifs tentèrent de faire réhabiliter leurs textes sacrés. Quelques années plus tard, Innocent IV consentit à faire réexaminer le verdict, mais une seconde commission, présidée par le dominicain Albert le Grand, ne fit que l’entériner en 1248. (Texte du MAHJ, les Juifs au moyen-âge)
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