Hagad El-Ad1 dans un discours devant le conseil de sécurité dresse un portrait particulièrement dur de l’occupation Israël en Cisjordanie, lui reprochant l’utilisation des tous les mécanismes démocratiques légaux aux seules fins des intérêts de colons. Il demande une intervention internationale ce qui lui vaut des critiques en Israël où des voix s’élèvent pour qu’il soit inculpé de haute trahison. (Hagad El-Ad est israélien et vit à Jérusalem)

Ce que je vais vous dire n’a pas pour objet de vous choquer. Mon propos est cependant de vous émouvoir...Au cours des 49 années écoulées, et ce n’est pas fini, l’injustice connue sous le nom d’occupation de la Palestine et contrôle par Israël de la vie des Palestiniens à Gaza, en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, est devenue partie intégrante de l’ordre international.

 


 

 

A moins d’une action internationale décisive, ce qui sera fait n’aboutira à rien.. Vivre sous régime militaire représente une violence invisible, bureaucratique, quotidienne. Cela signifie vivre sous un régime sans fin de demandes de permis, lequel contrôle la vie des Palestiniens depuis le berceau jusqu’au tombeau.. Ainsi, à chaque inspiration, les Palestiniens inhalent l’occupation. A la moindre erreur, vous pouvez perdre votre liberté de mouvement, vos moyens de subsistance ou même la possibilité de vous marier et de construire une famille avec votre bien-aimée.

Pendant ce temps, présents partout, il y a les colonies et les colons. Ce sont des citoyens israéliens qui vivent, sans se cacher, dans une démocratie du premier monde qui, d’une certaine manière, n’existe que pour eux, au-delà des frontières de leur pays.

...Presque tous les aspects de cette réalité sont considérés comme légaux par Israël. La façon dont Israël contrôle la vie des Palestiniens est unique par l’attention précautionneuse que la puissance occupante accorde à la lettre de la loi, tout en en étranglant l’esprit même.

..une fois en passant, peut-être une fois tous les dix ans, un militaire pas trop gradé se retrouve devant un tribunal bidon et, une fois en passant, un plan d’occupation des sols est approuvé pour un village. Ces singularités extraordinaires, soigneusement choisies, détournent utilement l’attention de l’image d’ensemble.

De façon à maintenir l’apparence de la légalité, Israël fait intervenir la procédure pour tout et n’importe quoi : pour alimenter de force des grévistes de la faim, comme ce fut le cas dernièrement à la Haute Cour ; pour approuver ou renouveler machinalement des ordres de détention administrative, ou prolonger le maintien en détention sans jugement de centaines de palestiniens ; pour démolir la maison de la famille de palestiniens qui ont perpétré des attentats -- oui, cela aussi est arrivé des centaines de fois, conformément à la procédure et avec le sceau de la Haute Cour. Depuis l’an 2000, plus de 4.400 palestiniens ont perdu leur maison de cette façon.

Israël a systématiquement légalisé des violations des droits humains dans les territoires occupés par l’installation de colonies pérennes, des démolitions punitives de maisons, un mécanisme partisan de constructions et de planification, de confiscation de terres palestiniennes et bien, bien plus de choses encore. Le système militaire d’application de la loi -- si on peut l’appeler ainsi -- blanchit des centaines de cas où des Palestiniens ont été tués ou victimes d’abus.

Israël a déclaré 20% de la Cisjordanie "terres domaniales" ; Israël autorise "généreusement" les Palestiniens à construire sur la moitié de un pour cent de la zone C, ces 60% de la Cisjordanie placés "temporairement" sous contrôle israélien il y a une génération ; au cours de la dernière décennie, Israël a démoli quelque 1 200 maisons de Cisjordanie, sans tenir compte des démolitions à Jérusalem-Est, rendant de ce fait sans domicile fixe plus de 5 500 personnes, dont la moitié étaient des mineurs ; si on incluait les chiffres de Jérusalem-Est, cela augmenterait ces chiffres de 50% encore. En avril 2016, il y avait environ 7 000 palestiniens dans les prisons israéliennes, dont un quart était détenu pendant le temps nécessaire à la procédure des tribunaux militaires, et environ 10% sont en détention administrative. Dernière série de chiffres : Pour un quart des quelque 740 plaintes déposées par B’Tselem auprès des autorités militaires depuis l’an 2000, aucune enquête n’a été ouverte ; pour une autre moitié, les plaintes ont été finalement classées sans suite ; et dans 25 cas seulement, des mises en examen ont été prononcées. Et tenez-vous bien : pendant ce temps, les autorités militaires ont matériellement perdu toute trace de 44 dossiers -- plus que les 25 cas qui ont été renvoyés devant un tribunal !

Israël insiste sur le fait que tout ceci est légal, aussi bien selon le droit israélien que selon le droit international. Tel n’est pas le cas.

...la politique israélienne est appliquée et promue avec un soutien toujours plus grand de la population israélienne...nous mesurons à quel point Israël a utilisé le "processus de

paix" lui-même pour gagner du temps -- beaucoup de temps -- puisqu’il établit toujours plus de faits accomplis chez les Palestiniens...

.... "Attendez" demande Israël, "Maintenant n’est pas le bon moment". Mais "Attendez" a presque toujours signifié "Jamais", répond Martin Luther King. …Vous ne pouvez pas occuper un peuple pendant cinquante ans et vous appeler une démocratie. ….Le Conseil de Sécurité des Nations unies doit agir. Et le moment d’agir, c’est maintenant. 2

De son côté l’association israélienne Yesh din qui travaille en Cisjordanie relève3 que

- 85% des enquêtes diligentées dont le motif est une infraction commise envers un palestinien sont clôturés sans suite du fait de l’échec de la police.

- Un tiers des implantations illégalement constituées en Cisjordanie, souvent sur des terres privées (avant la fameuse loi de régularisation de février 2017) sont rétroactivement autorisées.

- 95,6% des enquêtes suite aux dommages faits aux oliviers, arbres qui constituent la principale ressource de nombreux villageois de Cisjordanie, n’aboutissent pas.


 

1 L’objectif de l’organisation B’Tselem est d’informer et de sensibiliser l’opinion sur les violations des droits humains dans les Territoires occupés

2 Traduit de l’anglais par Philippe Daumas

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