L’histoire de la production d’oranges à Jaffa, en Palestine, mêle agriculture, commerce et symbolisme culturel. Les oranges de Jaffa, également connues sous le nom d’oranges de Shamouti, sont devenues un emblème de la région et ont joué un rôle central dans l’économie locale et les échanges internationaux.
La culture des agrumes dans la région de Jaffa remonte à plusieurs siècles. Les oranges ont été introduites en Palestine par les Arabes au cours du Moyen Âge, probablement au Xe siècle. La région, bénéficiant d’un climat méditerranéen favorable, s’est rapidement adaptée à la culture des agrumes. Les oranges de Jaffa, en particulier, se sont distinguées par leur saveur sucrée, leur faible teneur en pépins et leur peau épaisse, idéale pour l’exportation.
La production d’oranges à Jaffa a connu un essor significatif au XIXe siècle.
"En 1812 le Foreign Office Confidential Print Eastern Affairs rapporte que l'administration ferroviaire et le transport maritime mettent en place une infrastructure de transport d'oranges de Jaffa et son commerce à l'exportation. A cette époque la plus grande partie des oranges est cultivée en Grèce et au Moyen-Orient à Candia, en Syrie et dans les environs de Jaffa sur une mince bande littorale au climat doux («je ne connais aucune culture étendue et réussie à plus de quatre milles de la mer»). Le marché britannique de l'orange est fortement demandeur (le Royaume-Uni importe en 1823 8 millions de quintaux d'oranges principalement d'Espagne. Il cherche à promouvoir la production en zone irrigable à présence britannique: Palestine, Afrique du Sud et Australie."
Sous l’Empire ottoman, Jaffa est devenue un centre commercial important, et les oranges ont été l’un de ses principaux produits d’exportation. Les agriculteurs locaux, principalement arabes, ont développé des techniques de culture et d’irrigation sophistiquées pour maximiser les rendements. Les oranges étaient acheminées vers les marchés européens, notamment en Grande-Bretagne et en Allemagne, où elles étaient très appréciées. À la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, les oranges de Jaffa ont atteint leur apogée.
" En 1867, Olympe Audouard mentionne le commerce des belles oranges de Jaffa qui «sont réputées dans le monde entier». À partir de 1870 l'orange de Jaffa est un succès commercial largement exporté (Turquie Ottomane, Russie, Grande-Bretagne qui absorbe 75 % de la production en 1907, puis dans le monde entier). L'orange de Jaffa est alors mise en culture dans de nombreux pays producteurs, Maghreb, Liban, Turquie, Chypre, Californie (1920)"La variété Shamouti, une mutation naturelle découverte dans les années 1840, est devenue la plus prisée. Cette période a également vu l’arrivée de colons juifs en Palestine, qui ont contribué à l’expansion de la culture des agrumes. Des plantations modernes ont été établies, et des infrastructures portuaires ont été développées pour faciliter l’exportation.
"En 1935-1937 l'orange de Jaffa représente 79 % des exportations palestiniennes, le verger est planté pour 90 % de Shamouti et le reste en Valencia, Beledi et Navel. Jean Gottmann (1935) décrit le fruit de la «Shamouti, vulgairement appelée orange de Jaffa comme une orange très originale que l'on ne retrouve nulle part ailleurs dans le monde : de très grande taille, de forme ovale, sans pépins, légèrement acide, mais très sucrée, parfumée d'un arome délicat, elle mérite sa réputation de fruit de luxe». La notoriété de Shamouti comme excellent fruit de table n'a jamais été mise en cause jusqu'à nos jours."
Pendant le mandat britannique en Palestine (1920-1948), la production d’oranges a continué de croître. Les Britanniques ont investi dans les infrastructures agricoles et ont encouragé l’exportation des oranges de Jaffa. Cependant, cette période a également été marquée par des tensions croissantes entre les communautés arabes et juives, qui se reflétaient dans le secteur agricole.
Les oranges de Jaffa sont devenues un symbole de la prospérité économique, mais aussi des divisions politiques.
La guerre de 1948 et la création de l’État d’Israël ont eu un fort impact sur la production d’oranges à Jaffa. De nombreux Arabes palestiniens ont quitté leurs terres, et les plantations ont été reprises par des agriculteurs juifs. La ville de Jaffa, autrefois un centre vibrant, a été intégrée à Tel Aviv, et son rôle économique a décliné. Malgré cela, les oranges de Jaffa ont continué à être exportées sous le label israélien.
Dans les décennies qui ont suivi, la production d’oranges à Jaffa a dû faire face à de nouveaux défis. La concurrence internationale, les changements climatiques et la diminution des ressources en eau ont affecté les rendements. Aujourd’hui, les oranges de Jaffa restent un produit emblématique, mais leur production est moins importante qu’auparavant.
Elles sont principalement cultivées dans la plaine côtière d’Israël et continuent d’être exportées dans le monde entier.Les oranges de Jaffa ne sont pas seulement un produit agricole ; elles sont également un symbole culturel et historique. Pour les Palestiniens, elles représentent un héritage agricole et une identité perdue. Pour les Israéliens, elles incarnent le succès économique et l’innovation agricole.
Aujourd’hui, les oranges de Jaffa sont souvent utilisées dans l’art, la littérature et les médias pour évoquer des thèmes liés à la terre, à l’identité et à la mémoire.