Je perds trop de moments en des discours frivoles :

Il faut des actions, et non pas des paroles.

(Iphigénie, p.170, in Théâtre 2, Garnier-Flammarion, n° 37)

 

- Ce n'est plus une ardeur dans mes veines cachée: C'est Vénus toute entière à sa proie attachée.

 

- Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue; - Un trouble s'éleva dans mon âme éperdue; - Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler; - Je sentis tout mon corps et transir et brûler.

 

- Que ces vains ornements, que ces voiles me pèsent! - Quelle importune main, en formant tous ces noeuds, - A pris soin sur mon front d'assembler mes cheveux? - Tout m'afflige et me nuit, et conspire à me nuire.

 

- Je voulais en mourant prendre soin de ma gloire, - Et dérober au jour une flamme si noire ...

 

- Je ne me soutiens plus; ma force m'abandonne. - Mes yeux sont éblouis du jour que je revois, - Et mes genoux tremblants se dérobent sous moi.

 

- Ariane, ma soeur, de quel amour blessée, - Vous mourûtes aux bordsvous fûtes laissée!

 

* * *

 

Phèdre,

I: 1

Cet heureux temps n'est plus. Tout à changé de face

Depuis que sur ces bords, les dieux ont envoyé

la fille de Minos et de Pasiphaé

 

I:3

 Mon mal vient de plus loin. À peine au fils d’Égée

Sous les lois de l’hymen je m’étais engagée,

Mon repos, mon bonheur semblait être affermi ;

Athènes me montra mon superbe ennemi :

Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue ;

Un trouble s’éleva dans mon âme éperdue ;

Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler ;

Je sentis tout mon corps et transir et brûler :

Je reconnus Vénus et ses feux redoutables,

D’un sang qu’elle poursuit tourments inévitables !

Par des vœux assidus je crus les détourner :

Je lui bâtis un temple, et pris soin de l’orner ;

De victimes moi-même à toute heure entourée,

Je cherchais dans leurs flancs ma raison égarée :

D’un incurable amour remèdes impuissants !

En vain sur les autels ma main brûlait l’encens !

Quand ma bouche implorait le nom de la déesse,

J’adorais Hippolyte ; et, le voyant sans cesse,

Même au pied des autels que je faisais fumer,

J’offrais tout à ce dieu que je n’osais nommer.

Je l’évitais partout. Ô comble de misère !

Mes yeux le retrouvaient dans les traits de son père.

Contre moi-même enfin j’osai me révolter :

J’excitai mon courage à le persécuter.

Pour bannir l’ennemi dont j’étais idolâtre,

J’affectai les chagrins d’une injuste marâtre ;

Je pressai son exil ; et mes cris éternels

L’arrachèrent du sein et des bras paternels.

Je respirais, ŒNONE ; et, depuis son absence,

Mes jours moins agités coulaient dans l’innocence :

Soumise à mon époux, et cachant mes ennuis,

De son fatal hymen je cultivais les fruits.

Vaines précautions ! Cruelle destinée !

Par mon époux lui-même à Trézène amenée,

J’ai revu l’ennemi que j’avais éloigné :

Ma blessure trop vive aussitôt a saigné.

Ce n’est plus une ardeur dans mes veines cachée :

C’est Vénus tout entière à sa proie attachée.

J’ai conçu pour mon crime une juste terreur ;

J’ai pris la vie en haine, et ma flamme en horreur ;

Je voulais en mourant prendre soin de ma gloire,

Et dérober au jour une flamme si noire :

Je n’ai pu soutenir tes larmes, tes combats :

Je t’ai tout avoué ; je ne m’en repens pas.

Pourvu que, de ma mort respectant les approches,

Tu ne m’affliges plus par d’injustes reproches,

Et que tes vains secours cessent de rappeler

Un reste de chaleur tout prêt à s’exhaler.

 

Monologue d’Hermione – Andromaque (Acte V) de Racine

Où suis-je ? Qu’ai-je fait ? Que dois-je faire encore ?

Quel transport me saisit ? Quel chagrin me dévore ?

Errante et sans dessein je cours dans ce palais.

Ah ! ne puis-je savoir si j’aime ou si je hais ?

Le cruel ! de quel œil il m’a congédiée !

Sans pitié, sans douleur au moins étudiée !

L’ai-je vu se troubler et me plaindre un moment ?

En ai-je pu tirer un seul gémissement ?

Muet à mes soupirs, tranquille à mes alarmes,

Semblait-il seulement qu’il eût part à mes larmes ?

Et je le plains encore ! Et pour comble d’ennui,

Mon cœur, mon lâche cœur s’intéresse pour lui !

Je tremble au seul penser du coup qui le menace ?

Et prête à me venger, je lui fais déjà grâce ?

Non, ne révoquons point l’arrêt de mon courroux :

Qu’il périsse. Aussi bien il ne vit plus pour nous.

Le perfide triomphe, et se rit de ma rage :

Il pense voir en pleurs dissiper cet orage ;

Il croit que toujours faible et d’un cœur incertain,

Je parerai d’un bras les coups de l’autre main.

Il juge encor de moi par mes bontés passées.

Mais plutôt le Perfide a bien d’autres pensées :

Triomphant dans le Temple, il ne s’informe pas

Si l’on souhaite ailleurs sa vie ou son trépas.

Il me laisse, l’Ingrat ! cet embarras funeste.

Non, non encore un coup, laissons agir Oreste.

Qu’il meure, puis qu’enfin il a dû le prévoir,

£t puis qu’il m’a forcée enfin à le vouloir.

A le vouloir ? Hé quoi ? C’est donc moi qui l’ordonne ?

Sa mort sera l’effet de l’amour d’Hermione ?

Ce Prince, dont mon cœur se faisait autrefois,

Avec tant de plaisir, redire les exploits,

A qui même en secret je m’étais destinée,

Avant qu’on eût conclu ce fatal hyménée,

Je n’ai donc traversé tant de mers, tant d’Etats,

Que pour venir si loin préparer fon trépas,

L’assassiner, le perdre ? Ah ? devant qu’il expire…

 

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