(source : La péninsule Arabique avant la venue de Muhammad)
En dépit du relatif isolement de la péninsule Arabique on peut admettre que dans les premiers siècles de l’ère chrétienne des croyances juives et chrétiennes en provenance des pays voisins de Syrie, d’Irak ou de Palestine n’étaient pas inconnues dans la région.
Depuis le ier siècle après J.-C., des juifs étaient établis dans la péninsule Arabique 6. On suppose que, surtout après la conquête de Jérusalem sous Titus en 70 après J.-C. puis l’écrasement de la révolte juive de Bar Kochba en 135, des juifs ont fui en Arabie ou y ont été amenés en captivité et se sont progressivement établis dans plusieurs oasis d’Arabie du Nord-Ouest.
On ne trouve des renseignements plus précis sur ces implantations juives qu’au début du viie siècle, à une époque où Muhammad a eu des contacts avec des juifs.
À cette époque il y avait dans la péninsule Arabique des peuplements juifs à Teima, Khaybar, Fadak, Wâdi l-Qurâ et à Yathrib (le nom de la ville de Médine à ce moment-là).
Les juifs y étaient déjà présents de longue date et constituaient un groupement particulièrement nombreux jusqu’au moment des démêlés guerriers avec les adeptes de Muhammad. À Médine même, la ville où Muhammad émigra en 622, habitaient les membres de plusieurs petites tribus, ainsi que trois grandes tribus, à savoir les Banû Qainuqâ‘, les Banû Naḍîr et les Banû Qurayza.
En revanche à La Mecque, la ville natale de Muhammad, il n’y avait sans doute que quelques familles juives isolées et aucune tribu juive homogène.
Il y a des raisons d’admettre que la population juive de Médine ne comportait peut-être pas seulement d’authentiques juifs, mais aussi de nombreux Arabes passés au judaïsme.
Depuis le ive siècle il existait en outre des communautés juives en Arabie du Sud à propos desquelles les sources sont beaucoup plus rares.
Les juifs des oasis d’Arabie du Nord se subdivisaient en plusieurs tribus, mais ils étaient sédentaires. Ils pratiquaient l’agriculture, l’artisanat, le commerce et les affaires financières. On ne peut établir avec certitude s’ils se distinguaient fortement de leur environnement du point de vue culturel. Ce qui les en distinguait en tout cas, c’était leur foi qu’ils maintinrent et défendirent même après l’entrée en scène de Muhammad.
À l’époque le Pentateuque (les cinq livres de Moïse) ou l’Ancien Testament n’étaient pas encore traduits en arabe 10. On peut cependant admettre qu’au moins l’une ou l’autre des croyances juives était connue dans ce cadre non juif caractérisé par la vie bédouine et la croyance en plusieurs dieux et démons.
On ne peut savoir avec certitude si à l’époque de Muhammad les juifs de la péninsule Arabique avaient déjà accès au Talmud complété peu avant 11. Sur la base de son analyse des traditions arabes (littérature arabe des ḥadîths ; ḥadîth = récit, compte rendu, tradition) concernant l’Ancien Testament, Ignace Goldziher admet que « parmi les musulmans la connaissance de la Tawrât (c’est-à-dire de la Torah) s’appuyait exclusivement sur les ouï-dire jusqu’aux ixe-xe siècles , car chez les auteurs musulmans on trouve constamment des citations de l’Ancien Testament, mais celles-ci sont le plus souvent reproduites sous forme incorrecte ».
Quand, par la suite, le Coran mentionne les juifs, il utilise deux désignations différentes, à savoir « les enfants d’Israël » (banû Isrâ’îl) ou « Juifs » (Yahûd). C’est surtout dans les récits repris de l’Ancien Testament que Muhammad les appelle « enfants d’Israël ». Le nom de « Juifs » sert pour les Israélites « incroyants », qui n’ont pas cru au message de Jésus 14. Il se peut que l’attente juive d’un Messie à venir, peut-être également connue parmi les non-Juifs, ait contribué à la disponibilité des Arabes à reconnaître en Muhammad l’envoyé de Dieu qui, lui, apporterait un message en arabe au peuple des Arabes....