APERCU DES TRAVAUX DE LA COMMISSION DE CONCILIATION SUR LA QUESTION DES COMPTES BLOQUES
Distr. RESTRICTED
A/AC.25/W/R.77
FRENCH, ORIGINAL: ENGLISH
(Document de travail préparé par le Secrétariat)
1. A la suite de l’exode des Arabes palestiniens, le Gouvernement d’Israël a bloqué leurs avoirs dans les banques (comptes courants), ainsi que leurs valeurs mobilières et les dépôts qu’ils avaient effectués dans des coffres, en espèces ou sous d’autres formes. Ces avoirs ont été bloqués en application des règlements.1 édictés par la puissance mandataire durant la deuxième guerre mondiale.
2. Les Arabes résident en Israël sont admis à faire valoir leurs droits sur les avoirs qu’ils possèdent dans les banques du pays. Selon les autorités israéliennes, 600 demandes auraient été formulées par des Arabes, ce qui représente le déblocage de 150.000 livres israélienne environ. Quant aux Arabes se trouvant hors du territoire d’Israël, ils ne peuvent faire aucun prélèvement sur leurs comptes, même si la banque où ils avaient leur compte a transféré son siège dans l’un des États arabes. La raison en est que les fonds ont été en partie déposés dans les succursales des banques situées en Israël ou ils ont été bloqués en vertu de l’Absentée Property Act (Loi sur les biens des personnes absentes).
3. D’après les autorités israéliennes, le montant des soldes créditeurs des comptes en banque que possédaient les réfugiés s’élevait à 4 millions environ de livres palestiniennes. Le nombre des titulaires de ces comptes ne semble pas dépasser le chiffre de 10.000. Ce montant de 4 millions correspond, approximativement, aux estimations fournies par les délégations des pays arabes à Lausanne.
4. Le 11 avril 1949, la Commission de conciliation a demandé au Gouvernement d’Israël le déblocage des avoirs en question, mais celui-ci, tout en déclarant2 qu’il n’avait pas l’intention de confisquer ces avoirs, a fait remarquer que les intéressés n’en auraient la disposition qu’à la conclusion de la paix et sous réserve des règlements monétaires de caractère général qui pourraient être en vigueur à cette époque.
5. Après de nombreux échanges de vues entre la Commission d’une part, les délégations arabes et israéliennes d’autre part, la Commission, d’accord avec les parties, a institué un comité mixte d’experts sur le déblocage des avoirs chargé de présenter les grandes lignes d’une procédure permettant le déblocage en question.
6. Le Comité, dans ses conclusions, a énoncé le principe d’une procédure3 en vertu de laquelle le Gouvernement d’Israël, sous certaines conditions et jusqu’à concurrence d’un montant de 100 livres par compte, garantirait4 aux États arabes le remboursement des avances qu’ils pourraient consentir en leur propre monnaie aux réfugiés. Le Gouvernement d’Israël garantirait ces avances en prenant, vis-à-vis des Etats arabes, l’engagement de débloquer à la fin de l’opération les comptes en banques des réfugiés bénéficiaires de l’opération, pour rembourser les Etats ayant consenti les avances. Quant à la monnaie de garantie, celle-ci devrait être la livre sterling, étant donné le remplacement, depuis 1948 de la livre palestinienne par la livre israélienne et la convertibilité des livres palestiniennes en livres sterling.
7. Toutefois, il n’a pas été possible, pour des raisons techniques, de mettre cette procédure en application. Mais les titres de propriété, l’identité des ayants-droit et le montant de chèque compte étant connus, rien ne s’oppose à ce que les titulaires en recouvrent la libre disposition sans délai. En conséquence la commission a proposé; à Paris, que les parties intéressées procèdent réciproquement, au déblocage total de ces comptes, en monnaies équivalentes à celles des comptes initiaux et librement convertibles. La Commission a estimé qu’un accord à cet effet contribuerait à améliorer le sort des réfugiés et constituerait un pas en avant dans le développement des relations pacifiques.
8. En réponse, la délégation d’Israël à rappelé que cette question avait fait l’objet d’un accord technique conclu en février 1950, “rendu possible par l’attitude conciliante d’Israël mais qui n’a pu être mis en œuvre du fait d’une absence de coopération de la part des gouvernements arabes. Un règlement de la question, qui pourrait bien résulter des conversations de Paris, devrait inclure la libération des comptes juifs bloqués en Irak”.
9. Les délégations des quatre Etats arabes représentées à Paris ont accepté la proposition visant à ce que les Parties acceptent réciproquement de libérer les comptes bloqués, et ont insisté pour une mise en œuvre immédiate de cette mesure.
10. En ce qui concerne la question des avoirs juifs bloqués en Irak, la Commission se rappellera la lettre en date du 29 mars 1951 (IS/60), que le Gouvernement d’Israël lui a fait parvenir au sujet de la loi que le Gouvernement de l’Irak avait promulguée au cours de ce même mois de mars, et qui ordonnait la saisie biens appartenant aux Juifs irakiens qui avaient demandé à immigrer en Israël.
11. Dans cette lettre, le Gouvernement d’Israël informait la Commission qu’aux termes d’un décret promulgue en mars 1950, les Juifs irakiens étaient autorités à quitter le pays à condition de renoncer à la nationalité irakienne; qu’au cours de l’année, 104.000 Juifs irakiens s’étaient inscrits sur les listes d’émigration à destination d’Israël et que le 10 mars 1951, vingt-quatre heures après l’expiration du délai d’inscription, le Gouvernement de l’Irak avait présente à la Chambre un projet de loi qui avait été rapidement adopté et salon lequel tous les avoirs détenus par les Julie ou au nom des Juifs qui s’étaient inscrits en vue de leur émigration étaient bloqués et un administrateur nommé par le Gouvernement recevait le droit d’en disposer.
12. Le Gouvernement d’Israël informait la Commission qu’il s’était vu obligé de prendre des mesures pour protéger les Juifs que cette loi atteignait. La Commission savait déjà ce Gouvernement s’était déclaré prêt à participer au fonds de réintégration qui serait constitué par les Nations Unies, en y versant les sommes représentant les indemnités de compensation pour les terres arabes abandonnées”. Toutefois, le Gouvernement d’Israël pourrait entièrement faire face à cet engagement en raison de l’obligation nouvelle qui lui incombait de réinstaller quelque cent mille Juifs que les mesures législatives prises en Irak avaient plongé dans le dénouement. Le Gouvernement d’Israël avait donc décidé de tenir compte de la valeur des biens juifs saisis en Irak, au moment de l’exécution de l’engagement qu’il avait souscrit en ce qui concerne le paiement d’indemnités pour les biens arabes abandonné en Israël.
13. La lettre indiquait que si l’on pouvait obtenir de l’Irak l’assurance qu’il serait procédé à une liquidation équitable et au libre transfert des avoirs en question; il n’y aurait plus lieu de lier les deux comptes.
14. La Commission a examiné cette lettre du Gouvernement d’Israël au cours de sa séance du 26 avril 1951 (SR/210). La discussion a surtout porté sur les points suivants :
i) Précédent
On a exprimé l’avis qu’il n’existait pas de précédent à la situation actuelle.
ii) Compétence de la Commission
On a estimé que, d’une part, la Commission n’était pas compétente pour s’occuper de la question générale des Juifs irakiens, mais que, d’autre part: a) la situation existante constituait un obstacle a l’établissement de la paix et la tâche principale de la Commission consistait à éliminer de tels obstacles; b) la Commission était directement intéressée à la question pour autant qu’elle exerçait une influence sur la capacité d’Israël à payer une indemnité pour les biens arabes abandonnés.
iii) L’attitude d’Israël était-elle compatible avec la résolution 194 (III) de l’Assemblée générale ?
On a exprimé l’avis que l’attitude d’Israël était incompatible avec le principe de l’indemnisation énoncé dans la résolution 194 (III) de 1’Assemblée générale. D’autre part, la lettre du Gouvernement d’Israël constituait la reconnaissance, par Israël, de l’obligation de payer une indemnité, encore que cette reconnaissance ne fut pas entièrement satisfaisante à deux égards : premièrement, la lettre faisait mention des “terres arabes abandonnée”, tandis que la résolution de l’Assemblée générale visait tous les biens abandonnes par les Arabes; deuxièmement, elle semblait ignorer le fonds de compensation au profit du fonds de réintégration.
iv) Décision de la Commission.
La Commission a décidé de communiquer aux gouvernements des pays arabes la lettre du Gouvernement d’Israël et d’informer les réfugiés de la teneur de cette lettre au moyen d’un communiqué de presse. En accusant réception de la lettre et en la communicant aux gouvernements des pays arabes intéressés, la Commission déclarerait qu’elle se réservait le droit d’exprimer, en temps opportun, son opinion sur in question de compétence et sur la question de fond soulevée dans in lettre d’Israël. Enfin, la Commission a décidé de s’efforcer d’amener le Gouvernement d’Israël à modifier sa position.
15. Jusqu’ici, aucun changement n’est intervenu ni dans la position du Gouvernement d’Israël, ni dans celle du Gouvernement de Irak. La communication de la lettre du Gouvernement d’Israël aux gouvernements des États arabes n’a été suivie d’aucune réponse de leur part.
16. Tenant compte de ce qui précède, le Conseil juridique de la Commission a proposé, à Paris, que si la question du blocage des biens juifs en Irak était soulevée au cours des conversations actuelles avec les délégations d’Israël et des États arabes, la Commission adopte la position suivante :
a) Le Gouvernement d’Israël devrait être informé que la contribution qu’il offre de verser au Fonds de réintégration établi par la résolution 3931 (v) de l’Assemblée générale devrait être distincte des indemnités versées en vertu du paragraphe 11 de la résolution 194 (III), et cela pour les raisons suivante :
i) Les contributions au Fonds de réintégration sont volontaires, tandis que l’obligation d’Israël de payer une indemnité en vertu du paragraphe 11 est fondée sur une décision de l’Assemblée générale et aussi sur des principes de droit et d’équité.
ii) Le Fonds de réintégration est séparé et distinct du Fonds de compensation. Le premier est géré par l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche Orient, et tend à la réintégration des réfugiés, tandis que le second en vertu du troisième point des propositions de la Commission, serait géré par un administrateur et servirait à verser une indemnité aux divers ayants-droit.
b) Au cas où le Gouvernement d’Israël estimerait que le point 4 des propositions de la Commission concernant la libération réciproque des comptes bloqués devrait s’appliquer également aux comptes juifs bloqués en Irak, la Commission devrait s’efforcer d’obtenir l’accord du Gouvernement irakien sur ce point.
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1 Défence (Finance) Régulations de 1941, édicté en application de l’Article 2 de l’Emergency. Powers (Colonial Defence) Order in Council de 1949, et Emergency Powers (Defence) Act de 1939.
2 IS/13, archives de la Commission de conciliation.
3 Pour les détails de cette procédure, voir COM/GEN/W.8 du 6 décembre 1949.
4 En livres sterling et par l’intermédiaire, direct ou indirect, d’un Trustee.
1Cf infra