En mer

Mon ami,

 Je ne sais si tu seras encore à Londres quand ceci t’arrivera. Je tiens pourtant à te dire que tu dois, au fond, comprendre, enfin, qu’il me fallait absolument partir, que cette vie violente et toute de scènes sans motif que ta fantaisie ne pouvait m’aller foutre plus !

Seulement, comme je t’aimais immensément (Honni soit qui mal y pense !) je tiens aussi à te confirmer que si – d’ici à 3 jours, je ne suis pas r’avec ma femme, dans des conditions parfaites, je me brûle la gueule : 3 jours d’hôtel, un rivolvita, ça coûte : de là, ma « pingrerie » de tantôt. Tu devrais me pardonner. – Si, comme c’est trop probâbe, je dois faire cette dernière connerie, je la ferai du moins en brave con. – Ma dernière pensée, mon ami, sera pour toi, pour toi qui m’appelais du pier tantôt, et que je n’ai pas voulu rejoindre, parce qu’il fallait que je claquasse — ENFIN !

Veux-tu que je t’embrasse en crevant?

Ton pauvre

 P. Verlaine

Nous ne nous reverrons plus en tout cas. Si ma femme vient, tu auras mon adresse et j’espère que tu m’écriras. En attendant, d’ici à 3 jours, pas plus, pas moins, Bruxelles, poste restante — à mon nom.


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