Allocution du général De Gaulle

 

Dans son discours du 25 août 1944, à l’Hôtel de Ville, de Gaulle pose, selon l’historien Henry Rousso, la « première pierre du mythe fondateur de l’après-Vichy ». On trouvera ci-dessous plusieurs variantes d’un texte souvent cité, mais jamais dans son entier, ni dans sa version la plus sûre, et différents éléments d’interprétation.

 

- Article de Le Soir 27 août 1944-

L’ennemi n’est pas encore abattu, il reste sur notre territoire. Mais il ne suffira pas que nous l’ayons, avec le concours de nos chers et admirables alliés, chassé de chez nous, pour que nous nous tenions pour satisfaits, nous voulons, sur son territoire, entrer, comme il se doit, en vainqueurs.

Le chef du gouvernement provisoire de la République française prononçait, à son arrivée à l’Hôtel de Ville, un important discours dont voici le texte :

« Pourquoi voulez-vous que nous dissimulions l’émotion qui nous étreint tous, hommes et femmes, qui sommes ici chez nous, dans Paris libéré, debout ? Non, nous ne dissimulerons pas ici cette émotion profonde et sacrée. Il y a là des minutes dont nous savons tous qu’elles dépassent chacune de nos pauvres vies. Paris, Paris outragé, Paris brisé, Paris martyrisé, mais Paris libéré, libéré par lui-même, libéré par son peuple, avec le concours des armées de la France, avec l’appui et le concours de la France qui se bat c’est-à-dire la vraie France, la France éternelle.

« Eh bien ! puisque Paris est libre puisque l’ennemi qui le tenait a capitulé dans nos mains, la France rentre à Paris chez elle. Elle y rentre sanglante, mais elle y rentre bien résolue. Elle y rentre éclairée par d’amères leçons, mais elle y rentre plus certaine que jamais de ses devoirs et de ses

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Après l’harassante journée d’hier, le général de Gaulle a passé la nuit rue Saint-Dominique, au ministère de la Guerre, où il est arrivé, hier soir, avec son entourage : Thierry d’Argenlieu, Jean Marin et de nombreuses personnalités.
Après la cérémonie au tombeau du Soldat inconnu, le général se rend à l’Hôtel de Ville où on l’attend dans le courant de l’après-midi.

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droits. J’ai dit d’abord de ses devoirs, ce qui exprime tout pour le moment. Nous savons qu’il s’agit de la guerre.

L’ennemi n’est pas encore abattu, il en reste sur notre territoire. Mais il ne suffira pas que nous l’ayons, avec le concours de nos chers et admirables alliés, chassé de chez nous, pour que nous nous tenions pour satisfaits. Nous voulons sur son territoire entrer, comme il se doit, en vainqueurs.

« C’est pour cela que l’avant- garde française est entrée à Paris coups de canon. C’est pour cela que la grande armée française d’Italie a débarqué dans le Midi et remonte rapidement la vallée du Rhône. C’est pour cela que nos braves et chères forces de l’intérieur vont devenir des unités bien armées.

C’est pour avoir cette revanche, cette vengeance, que nous saurons continuer de nous battre jusqu’au dernier jour, jusqu’au jour de la victoire complète et totale, la seule qui saura nous satisfaire.

Ce devoir de guerre, tous les hommes qui sont ici et ceux qui nous entendront en France, savent bien qu’il comporte d’autres devoirs, dont le principal s’appelle l’unité nationale.

« La nation n’admettrait pas, dans la situation où elle se trouve, que cette unité soit rompue. La nation sait bien que pour vaincre, pour se reconstruire et pout être grande, il lui faut avoir avec elle tous ses fils. La nation sait bien que ses fils et ses filles, hormis quelques malheureux traîtres, qui se sont livrés à l’ennemi ou lui ont livré les autres et qui connaîtront la rigueur des lois, tous les fils de France marchent et marcheront pour le combat de la France, la main dans la main.

« Je dis ici puisqu’il faut qu’on l’entende après ce qui s’est passé depuis quatre ans après l’abdication que vous savez, et après l’usurpation odieuse, il n’y a pas d’autre moyen pratique et acceptable pour que le peuple fasse entendre sa voix que le suffrage universel et libre de tous les Français et toutes les Françaises, dès que les conditions de vie de la nation permettront de passer la parole au peuple, c’est-à-dire au souverain.

« Nous ne voulons plus que la nation, puisse redouter la faim, la misère, le lendemain, nous voulons des Français dignes et des Françaises dignes d’eux-mêmes, dignes d’elles-mêmes et du pays. Nous voulons pour chacun en France des conditions d’existence qui soient à la hauteur de ce qu’un homme et une femme sont en droit de réclamer.

« Enfin la France a des droits au dehors. La France est une grande nation. Elle l’a prouvé je pense, et nous n’avons qu’à regarder autour de nous. Nous voilà debout, rassemblés, noue voilà parmi les vainqueurs, et ce n’est pas fini. Cette nation a des droits, et ces droits elle saura les faire valoir. Elle a le droit d’assurer sa sécurité. Elle a le droit d’être parmi les grandes nations qui vont faire la paix du monde. Elle a le droit de se faire entendre dans toutes les parties de la terre, elle est une grande puissance mondiale. Elle fera toujours en sorte que les autres en tiennent compte, puisque cela est de l’intérêt suprême, de l’intérêt de l’humanité. Voilà ce que nous voulons faire, autour du gouvernement : la guerre, l’unité et la grandeur.

Voilà notre programme. Je n’ai qu’à vous regarder tous pour savoir de la manière la plus certaine que c’est celui de tous les Français. Il entraînera bien des difficultés. Il en entraînera spécialement à Paris. Ce n’est pas du jour au lendemain que nous pourrons rendre à toute la France sa place d’autrefois, que nous pourrons retrouver la grandeur séculaire de notre pays.

Nous aurons bien des obstacles à surmonter.

Le Gouvernement fera son devoir comme la nation doit exiger qu’il le fasse. Ainsi, j’en suis sûr, irons-nous vers des jours meilleurs, non seulement pour le pays mais pour chacun des enfants qui se retrouveront dans cette génération Nous n’avons pas d’autre chose à vouloir que de nous montrer, jusqu’à la fin, dignes de la France.

« Vive la France. »

 

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