[article du site projetaladin.org ]
La communauté juive en Iran est parmi les plus anciennes du monde. Ses membres descendent des Juifs qui sont restés dans la région après l'exil en Babylone, lorsqu'en 528 av. J.-C. le roi Cyrus permit aux Juifs de retourner à Jérusalem. Peu à peu, les communautés de Babylone essaimèrent vers les provinces et les cités perses de l'intérieur. Le pouvoir persan se montrait tolérant, et plus d'un notable juif joua un rôle éminent à la cour du monarque. L'histoire a retenu les noms de Zorobabel, Erza, Néhémie, Daniel, « Mordekhaï le Juif » et sa nièce Esther.
Plus tard, la conquête d'Alexandre, puis la domination séleucide sur les provinces orientales de l'Empire alexandrin, n'ont pas gêné les communautés juives de Perse, pas plus que le pouvoir parthe, qui leur assurait une large autonomie religieuse, culturelle, voire juridique. C'est sous le règne des Sassanides et de leur intolérant clergé zoroastrien, que la situation des Juifs de Perse se détériora pour un temps.
Au milieu du VIIe siècle, l'Etat perse devint une province de l'empire arabo-musulman. La conquête arabe substitua une religion d'Etat à une autre, mais pour les Juifs, c'était un progrès. Ils bénéficiaient, comme ailleurs sous la loi de l'islam, d'un statut inférieur mais protégé. Leur rôle économique n'était pas négligeable : artisans, boutiquiers, marchands et fabricants, l'urbanisation croissante de l'Orient musulman et l'essor du commerce international permutèrent l'émergence, dans les grands centres urbains comme Bagdad, Ahvaz, Ispahan, Chiraz, d'une classe nouvelle de riches négociants et effervescence spirituelle. Au cours de ces premiers siècles de domination musulmane, l'agitation sociale et religieuse, endémique parmi les populations persanes, affecta aussi les communautés juives. Ce fut le temps des sectes, de mouvements hérétiques comme le Karaïsme des juifs qui rejeta l'autorité du Talmud.
En 1258, la prise de Bagdad par les Mongols de Hûlagü Khan mit fin au califat abbasside et bouleversa une fois de plus la vie des communautés juives de la région. Ce furent des années fastes pour les Juifs de Perse, plus présents que jamais dans l'économie et les affaires politiques de l'empire, et assez à l'aise dans leur environnement culturel pour jeter les bases d'une riche littérature.
L'avènement de la dynastie séfévide (1501), qui tenta d'imposer l'islam chi'ite, engendra un nouveau retournement dramatique. Des massacres et des conversions forcées furent désormais le lot des Juifs persans, dont la population baissa brutalement, jusqu'à moins de 100 000 âmes. Telle fut également leur situation sous les Qadjars (1794- 1925), qui poursuivaient, en l'aggravant, la politique des Séfévides.
En 1925, l'avènement des Pahlavi changea le cours de l'histoire iranienne. Reza Khan (1878- 1944) fut le fondateur de la dynastie Pahlavi. Officier dans l'armée iranienne, grâce à ses talents et à ses manœuvres politiques ainsi qu'au soutien des Britanniques, il réussit à monter sur le trône en décembre 1925. Son arrivée au pouvoir marqua une nouvelle ère, non seulement pour le peuple iranien, mais également pour les Juifs d'Iran. Sous Reza Chah, la situation économique des Juifs s'améliora. Toutes les lois et les décrets discriminatoires les concernant furent annulés. Ils purent entrer dans l'armée, étudier dans des écoles publiques, sortir des mahalleh et habiter où ils le désiraient.
Les Juifs voulaient à tout prix ressembler aux iraniens, s'identifier aux valeurs et aux symboles de leur nationalisme laïque, mais ils souhaitaient aussi rester juifs. Ils aimaient la poésie et la littérature persanes, appréciaient la musique perse et célébraient les fêtes nationales du pays avec joie. Ils délaissèrent leurs noms juifs pour des noms iraniens et se glorifiaient du passé pré-islamique de l'Iran. Il semblerait que la tendance nationaliste laïque, du moins du point de vue de la conscience historique et culturelle, ait ouvert la voie d'un rapprochement entre les Juifs et le peuple iranien.
Pour des raisons politiques liées aux relations de l'Iran avec l'Union soviétique et le Royaume-Uni, Reza Chah souhaita entretenir dans les années 1930 des rapports plus étroits avec l'Allemagne nazie. Les liens commerciaux et culturels entre les deux pays se resserrèrent. Parallèlement arrivèrent en Iran de nombreux ingénieurs et techniciens allemands.
La propagande nazie à la radio et dans la presse insistait sur l'origine aryenne commune des deux peuples et qualifiait les Juifs de « race inférieure » et de «suceurs de sangs de l'humanité ». Les fascistes et les pan-iranistes collaborèrent avec les nazis, ce qui accrut encore les tensions entre Juifs et musulmans.
Avec l'arrivée des forces américaines, russes et britanniques en Iran (automne 1941), le fils aîné de Reza Shah, Mohammad Reza, succéda à son père. L'occupation de l'Iran (1941-1946) marqua le début d'une des époques les plus dynamiques du point de vue politique.
Les Juifs reprirent leurs activités politiques : ils fondèrent des clubs, organisèrent des groupes de formation et créèrent leur propre presse. De nombreux Juifs d'Iran ont apporté leur aide aux « Enfants de Téhéran » et aux autres réfugiés juifs russes et polonais qui transitaient par l'Iran pour se rendre en Israël.
Les Juifs iraniens connurent une période heureuse et prospère entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et l'avènement de la révolution islamique en 1979. La République islamique, très hostile à l'État d'Israël, regardait les Juifs iraniens avec suspicion. Le tribunal révolutionnaire d'Iran exécuta jusqu'à la fin de 2000 près de vingt Juifs. Cependant, la constitution de 1979 reconnut les Juifs comme une minorité religieuse et leur accorda un siège réservé au Parlement: c'est aujourd'hui Maurice Motamed qui occupe ce poste. Les Juifs iraniens ont leurs propres organisations, notamment Anjomane Kalimiyane Téhéran, qui édite un journal en persan intitulé Bina.
Du début de 1978 jusqu'à l'année 2000, plus de 60000 Juifs ont quitté l'Iran, Téhéran plus particulièrement. Ils ont en majorité choisi de s'installer aux Etats-Unis. On estime à environ 30 000 le nombre de Juifs présents aujourd'hui en Iran.