Mon rêve familier
Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant 
 D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime 
 Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même 
 Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.
 
 Car elle me comprend, et mon coeur, transparent 
 Pour elle seule, hélas ! cesse d'être un problème 
 Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême, 
 Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.
 
 Est-elle brune, blonde ou rousse ? - Je l'ignore. 
 Son nom ? Je me souviens qu'il est doux et sonore 
 Comme ceux des aimés que la Vie exila.
 
 Son regard est pareil au regard des statues, 
 Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a 
 L'inflexion des voix chères qui se sont tues.
 
Il pleure dans mon coeur
Il pleure dans mon coeur
 Comme il pleut sur la ville ; 
 Quelle est cette langueur
 Qui pénètre mon coeur ?
Ô bruit doux de la pluie
 Par terre et sur les toits ! 
 Pour un coeur qui s’ennuie, 
 Ô le chant de la pluie !
Il pleure sans raison
 Dans ce coeur qui s’écoeure. 
 Quoi ! nulle trahison ?… 
 Ce deuil est sans raison.
C’est bien la pire peine
 De ne savoir pourquoi
 Sans amour et sans haine
 Mon coeur a tant de peine !