Suite au congrès de Jéricho du 1er décembre 1948 Hussein réalise son rêve et se proclame « roi de Jordanie ». Jérusalem est le centre religieux du royaume, et Amman la capitale. Cette percée à l’ouest est diversement appréciée des autres nations arabes.

Ainsi naquit, de ces réductions multiples, l’aire territoriale d’une monarchie jordanienne qui n’a cessé en fait, sous des dehors chétifs et menacés, de remettre en cause, au moins jusqu’à la fin des années cinquante, l’exiguïté de ses limites.1

L'annexion est effective le 24 janvier et le nouveau nom de la Transjordanie est donc la Jordanie, l'émirat de 1923 s'étant transformé en Royaume en 1946.

Le consentement des notables Palestiniens ne vise en réalité qu’à stabiliser sa base populaire. Rappelons qu’en 1950 un tiers des Jordaniens sont des Arabes Palestiniens dont la majorité conteste fortement l’autorité du roi et le considère même comme un traître. Conscient d’ailleurs de son impopularité, Abdallah nomme, en août 1950, un Palestinien du nom d’Aref Al-Aref au poste de maire de Jérusalem.

Le 24 avril 1950, le nouveau Parlement jordanien, élu le 1er janvier, comprenant un nombre de sièges égal pour les deux rives du Jourdain, entérine « l’Union des deux rives », à savoir la création du royaume hachémite de Jordanie (Al Mamlaka al Urduniya al Hashemiyah).

L'annexion ne provoque pas de réaction des Palestiniens, des pays arabes ou de l'ONU. Gaza est occupé par les Égyptiens (sans réaction non plus). Cependant seuls la Grande-Bretagne2 et le Pakistan reconnaissent l'annexion.

La population du nouvel État passe de 375 000 habitants dont des bédouins sédentarisés à 1,2 millions d'habitants dont 460 000 de Cisjordanie et 350 000 réfugiés palestiniens

L'appellation 'Cisjordanie' est alors employée pour remplacer les termes usuels de Judée et Samarie employés jusqu'alors (appellations ininterrompues depuis la Bible jusqu'en 1967 : biblique, ottomane, britannique puis Onusienne) , tant par l'empire ottoman que par l'ONU dans le plan de partage. Judée et Samarie deviennent à partir de 1967 des termes utilisés uniquement par les Israéliens).

Dans sa « Description de la Judée », l'explorateur Victor Guerin utilise le terme Cisjordanie, qu'il définit différemment :

Cette charpente osseuse de la Palestine proprement dite ou Cisjordanie3

Sous la houlette de son roi Abdallah I, puis de ses successeurs les rois Talal et Hussein, la Jordanie lance, dès 1950, une politique de réinstallation « à pas forcés ».

Contrairement aux autres pays arabes d’accueil qui choisissent de préserver leur statut d’apatride aux réfugiés, au nom du droit du retour, la Jordanie confère la citoyenneté aux quelques 800 000 Palestiniens se trouvant alors sous sa souveraineté, dont environ 400 000 réfugiés.

Cette mesure, qui a facilité la réintégration socioprofessionnelle de nombreux réfugiés, n’est pas politiquement innocente. Elle accompagne l’annexion de la Cisjordanie, décidée par le Parlement jordanien en avril 1950 et, plus globalement, s’inscrit dans le cadre d’un projet national bâti autour de l’intégration des deux rives du Jourdain, sous la bannière unificatrice du souverain hachémite.

1 La Jordanie, Que sais-je , LJ Duclos

2 La Grande-Bretagne ne reconnaît que l'annexion de la Cisjordanie, pas celle de Jérusalem-Est.

3 Victor Guerin, Description géographique et archéologique de la Palestine- La Judée


Quelques dates sur l'histoire de la Jordanie

28 juin 1919

Traité de Versailles. Démantèlement de l'empire Ottoman

1921

Protectorat britannique de Transjordanie

16 septembre 1922

Mandat britannique de la SDN étendu à la Transjordanie

25 mai 1923

Proclamation de l’Émirat de Transjordanie

1925-1926

Renversement des Hachémites par les Wahhabites d'Ibn Saoud (venus du Nedj) dans le Hedjaz. Ma'an et Aqaba sont octroyés par traité à la Transjordanie

25 Mai 1946

Indépendance du Royaume hachémite de Transjordanie

24 janvier 1949

Annexion de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est

3 avril 1949

Accord d'armistice avec Israël

24 avril 1950

Le Parlement enterine l'annexion de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est et la proclamation du Royaume hachémite de Jordanie

20 juillet 1951

Assassinat du roi Abdallah


Pour les réfugiés de Jordanie, l’acquisition de la citoyenneté a un coût politique très élevé : celui de devoir se démettre d’une identité palestinienne liée à la mémoire du village d’origine et grâce à laquelle le droit du retour garde toute son actualité.

De fait, toutes les initiatives initiales de recréation des institutions culturelles palestiniennes sont jugées suspectes et aucune n’a survécu. Le terme de "Palestine" est banni de tous les documents officiels par le décret royal du 1er mars 1950.

Par ailleurs, la part réservée à la géographie et à l’histoire des Palestiniens est réduite à la portion congrue dans les manuels scolaires jordaniens : l’objectif est résolument de promouvoir au sein des jeunes générations une identité nationale intégrant Jordaniens de souche et réfugiés palestiniens dans le cadre de ce que l’on appelle la "Petite patrie arabe" (al-watan al-`arabi al-saghîr).

Ce n’est qu’au milieu des années 1960, à la faveur de la création de l’OLP en 1964 puis de l’occupation israélienne de la Cisjordanie en 1967, que l’utilisation du terme de « Palestine » à des fins nationalistes retrouve droit de cité.1

1 La question des réfugiés palestiniens en Jordanie entre droit au retour et implantation définitive, jalal al husseini, troisième trimestre 2004, Cahiers d'Orient. P31 à 50.