On peut revenir et on le fera sur l’origine de la situation actuelle en Cisjordanie. Il y a un sujet réel sur l’origine de propriété des terres sur lesquelles sont construites les implantations, autorisées ou non.
Selon le groupe d’opposition Shalom Archav ( la paix maintenant)1 :
« L’administration civile distingue quatre cas :
- Terre d’Etat : terre ayant été déclarée terre contrôlée par l’Etat
- Terre palestinienne privée : terre enregistrée et reconnue par l’Etat d’Israël comme appartenant à une personne palestinienne privée, et terre agricole qui n’a été ni déclarée « Terre d’Etat » ni acquise par des Juifs - Terre à l’étude : terre dont la propriété est encore débattue, et dont le statut reste à déterminer. De par la loi, ce genre de terre ne peut pas être développée
-Terre juive : terre acquise par des Juifs
Pour comprendre le mécanisme qui a présidé à confiscation de terres en Cisjordanie, il faut remonter à l’histoire politique de la région. Au cours des XIXe et XXe siècles, la Cisjordanie a été soumise à quatre puissances successives : les Ottomans, les Britanniques, les Jordaniens et les Israéliens. Chacune a laissé derrière elle une trace juridique et administrative, dont les conséquences jouent un rôle important dans la situation d’aujourd’hui. Depuis 1967, Israël a utilisé la législation ottomane, qui remonte au milieu du XIXe siècle, pour déclarer une terre « terre d’Etat ». D’après cette loi, toute terre est considérée comme « terre d’Etat » à moins de prouver le contraire. Pour pouvoir enregistrer une terre en tant que bien privé, il faut l’avoir cultivée depuis au moins dix ans. Si la terre n’est pas enregistrée, toute personne sera considérée comme son propriétaire tant qu’elle la cultive et acquitte les taxes. Si la terre n’est pas cultivée pendant trois années d’affilée, elle peut devenir propriété de l’Etat ottoman, soit « terre d’Etat ».
Israël a également exploité le fait qu’à l’ère ottomane, seules de petites portions de la Cisjordanie étaient enregistrées officiellement comme appartenant à tel ou tel propriétaire. Pendant les années 20, les Britanniques ont entrepris d’enregistrer les terres au nom des agriculteurs qui la cultivaient ou des propriétaires de maisons situées sur ces terres. Ce processus s’est poursuivi sous l’ère jordanienne. En 1968, Israël a stoppé le processus d’enregistrement de terres, en vertu d’un décret du gouverneur militaire dans les territoires occupés. Le motif déclaré était que ce décret devait servir à protéger les propriétaires de terres abandonnées (d’autres Palestiniens qui pourraient tenter de se faire enregistrer comme propriétaires en leur absence), et à empêcher toute discrimination à l’égard de des droits de ces propriétaires. Mais en réalité, ce décret a laissé des centaines de milliers de km2 de terres agricoles non enregistrées, finalement déclarées « terres d’Etat » et utilisées au seul profit d’Israël.
L’occupation à partir de 1967 a provoqué des changements dans l’économie palestinienne. De nombreux Palestiniens qui, par le passé, travaillaient dans l’agriculture, sont venus travailler en Israël. Cette situation a permis au « Gardien des Biens du Gouvernement en Judée et en Samarie » de déclarer une importante partie des terres non cultivées « terres d’Etat », en utilisant la loi ottomane.
Une « terre privée » à laquelle ce rapport se réfère est :
- Soit une terre qui a été enregistrée et reconnue comme bien avant 1968, à une époque où l’enregistrement de terres était encore ouvert aux Palestiniens
- Soit une terre cultivée reconnue par Israël comme étant privée d’après la loi ottomane.
En sus d’une déclaration à grande échelle qui a désigné la plupart de la Cisjordanie comme « terres d’Etat », terres ensuite attribuées uniquement aux colonies et aux colons, il existe un certain nombre d’autres moyens administratifs par lesquels l’Etat a pu s’emparer de terres en Cisjordanie.
Le moyen principal utilisé par l’Etat pour prendre le contrôle de terres privées a été la « saisie pour raisons militaires ». Contrairement à une « expropriation », où la propriété de la terre est transférée à l’Etat, la « saisie » laisse la propriété officielle de la terre à son propriétaire d’origine, mais transfère pour une période limitée son contrôle aux militaires. A l’expiration de cette période, l’armée doit soit renoncer au contrôle de la terre au profit de son propriétaire (chose qui n’est quasiment jamais arrivée en Cisjordanie), soit renouveler l’ordre de saisie.
De nombreuses colonies créées au cours de la première décennie de l’occupation israélienne en Cisjordanie ont été construites sur des terres « saisies pour raisons militaires ». Mais une décision capitale de la Haute Cour de Justice en 1979 (affaire Elon Moreh) a mis officiellement fin à cette pratique abusive. »
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Toujours selon l’ONG la Paix maintenant (texte du 21 novembre 2006 ) :
« Près de 40% des terres sur lesquelles les colonies ont été construites appartiennent à des personnes privées palestiniennes.
Plus de 40% des terres sur lesquelles ont été construites les colonies situées dans les « blocs de colonies à l’ouest de la clôture en train d’être érigée par Israël, dont 86.4% de Ma’ale Adoumim, 44.3% de Giv’at Ze’ev, 47.7% de Kedumim, et 35.1% d’Ariel, appartiennent à des personnes privées palestiniennes.
Plus de 3 400 bâtiments dans les colonies sont construits sur des terres appartenant à des propriétaires palestiniens.
Les « terres à l’étude » (survey lands) sont des zones dont la propriété reste à déterminer et sur lesquelles le développement est illégal. Mais seuls 5,7% du territoire couvert par les colonies, et 2,5% de celui couvert par les « blocs des colonies » sont des « terres à l’étude ».
Seule une petite proportion des terres des colonies a été achetée par des Juifs.
Plus de 50% des terres sur lesquelles les colonies ont été construites ont été déclarées « terres d’Etat », souvent par des moyens contestables et la plupart du temps au bénéfice des colonies. »