Sur l'antisémitisme, son histoire et ses causes (1894)

"Bernard Lazare, Juif assimilé né à Nîmes, partageait avec Pierre-Joseph Proudhon et une partie des anarchistes et du mouvement ouvrier son hostilité à l’égard des capitalistes juifs. Il combattait aussi à sa manière l’antisémitisme de son temps, comme le montrent ses premiers articles dans la presse, et surtout son livre L’antisémitisme, son histoire et ses causes, publié en réaction à La France Juive d’Edouard Drumont (1886) et au lancement, par ce dernier, en 1892, du journal La libre Parole, dont le sous-titre était « la France aux Français » : Lazare y dénonçait l’antijudaïsme des temps anciens, fondé sur une législation répressive, et l’antisémitisme de son époque, mais il accusait aussi « les Juifs » d’en être en partie responsables, soit en raison de leur exclusivisme politique et religieux (d’où son propre athéisme et sa foi en l’assimilation), soit en raison de leur part active dans le développement du capitalisme, source d’injustice sociale. Plaidant, selon ses termes, pour une transformation du Juif en israélite, il s’en prenait, avec une violence qui rappelle le Marx de la Question juive, aux Juifs riches, mais aussi aux pauvres immigrants, qui lui semblaient menacer l’assimilation.

Lazare ... révisa très radicalement ses positions à partir de l’affaire Dreyfus. Devant le déchaînement des antisémites, il s’engagea de toutes ses forces dans la bataille en tant que Juif, mettant en jeu sa carrière et sa réputation. Il fut le premier, et au début le seul, à comprendre et à dénoncer, dès juin 1895, avec une rare lucidité l’antisémitisme à l’œuvre dans la dégradation de Dreyfus. Puis, fin 1896, le premier à « accuser », quinze mois avant Zola, les ministères, la presse et l’État-major

À partir de cette époque, Lazare ne cessa jamais son combat pour la liberté, et prenant conscience de l’échec massif de l’assimilation, cette stratégie « d’adaptation individuelle à l’ordre social » , il élabora une réflexion absolument révolutionnaire sur la question juive, à travers les trois termes qui la résument au XIXe siècle et dont il proposa une analyse critique : émancipation, antisémitisme, sionisme.

Pour Lazare, cette idée ne pouvait être mise en œuvre sans un préalable indispensable, à savoir l’auto-émancipation des peuples.

Le sionisme ne pouvait se réaliser, selon lui, que si les Juifs se libéraient d’abord de toute aliénation : "Avant de donner un sol à un peuple, il faut faire de ce peuple un peuple libre." in https://revue.alarmer.org/bernard-lazare-critique-de-la-servitude-volontaire/

>> Lire aussi la lettre du 24 juin 1901 que Bernard Lazare a adressé à Theodor Herzl