Élevé dans une famille juive orthodoxe, Strauss, vers l’âge de 17 ans, s’est senti proche des idées et revendications sionistes. Bien qu'attaché au judaïsme orthodoxe, le sionisme lui semblait permettre de préserver la dimension communautaire traditionnelle du judaïsme. Strauss s’est peu à peu rendu compte que le sionisme, parce qu’il impliquait que les Juifs aient à assurer eux-mêmes la sauvegarde de leur vie terrestre, était en rupture avec l’idée orthodoxe selon laquelle le salut du peuple juif dépendait d’une intervention divine.
A 17 ans, Strauss adhère au sionisme politique. Pour des raisons avant tout émotionnelles (ni intellectuelles ni religieuses), il le considère comme le principal instrument de mobilisation contre le rationalisme moderne, qui est à l’origine de la crise de Weimar.
Strauss achève sa formation intellectuelle dans une Allemagne où le sionisme est une réalité consolidée et où le phénomène du « retour » (teshuvah) au judaïsme distingue une large partie de la jeunesse judéo-allemande, qui est insatisfaite du statut juif dans la modernité, notamment face à l'’impasse dans laquelle se trouve la stratégie assimilationniste
Le mouvement sioniste influence profondément Strauss, éveillant sa passion pour l’identité culturelle, la dignité historique et sociale et la responsabilité politique du peuple juif, dans une clé d’opposition radicale à tout ce qui représente le « vieux monde » (libéralisme, bourgeoisie, capitalisme) qui est maintenant terminé.
Entre 1919 et 1922, Strauss fait l’éloge du réalisme politique de Herzl alors même qu’il prononce des critiques considérables contre la version « spiritualiste » et « néo-orthodoxe » de Max Nordau [9]. Il est aussi fortement polémique envers le sionisme culturel d’Asher Ginzberg et Martin Buber, ainsi qu’envers le sionisme religieux de l’organisation Mizrahi, puisque les deux mouvements tentent de concilier, sans succès, le sécularisme politique de Herzl avec le judaïsme traditionnel. Pour le jeune Strauss, il n’y a donc qu’une seule véritable alternative pour les juifs : orthodoxie ou sionisme politique
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