Voir aussi :
Né en 37 à Jérusalem, témoin en 70 de la prise de sa ville natale par les Romains et de l'incendie du Temple, Flavius Josèphe est le seul historien juif de cette époque dont l'œuvre ait survécu. À la fois polémiste et mémorialiste, Josèphe reste le témoin unique des temps troublés qui précédèrent et suivirent la chute de Jérusalem.
Le débat sur l'homme d'action acquis aux Romains porte aussi sur l'écrivain. Les acquisitions de l'archéologie (manuscrits de la mer Morte, 1947 ; forteresse de Massada, 1964, Hérodion, 1968-1969, fouilles de la cité de David et du Mur méridional du Temple de Jérusalem) corroborent les descriptions de Josèphe et éclairent sa narration.
Les travaux historiques contemporains, prenant en compte la partialité de l'auteur et le fait qu'il soit personnellement engagé dans les événements qu'il relate, s'accordent à souligner la valeur de l'œuvre pour la compréhension de l'histoire politique et sociale d'Israël comme de l'Empire romain.1
1-5. Description de Jérusalem ; ses défenses ; le palais d'Hérode.
1. Trois murs fortifiaient la ville du côté où elle n'était pas entourée de ravins infranchissables ; sur ces derniers points, il n'y avait qu'un retranchement. Elle était elle-même bâtie sur deux crêtes qui se faisaient face et que séparait un vallon creusé entre elles, où se terminait la ligne des maisons, pressées les unes contre les autres. Des deux éminences, l'une, où se trouvait la ville haute, était de beaucoup la plus élevée et la plus escarpée elle avait, à cause de la force de sa position, reçu du roi David le nom de « Forteresse » (ce roi était le père de Salomon qui construisit le premier Temple) aujourd'hui nous l'appelons le « haut marché ».
Quant à l'autre colline, c'est celle qui se nomme Acra et porte la ville basse comme sur un double croissant.
En face de cette dernière hauteur, il y en avait une troisième qui était, de sa nature, inférieure en altitude à Acra, dont une autre large vallée la séparait à l'origine.
Plus tard, au temps de la dynastie des Asmonéens, les rois comblèrent le vallon, dans le dessein de réunir la ville au Temple ; ils aplanirent Acra et en abaissèrent le sommet, pour que la vue du Temple dominât aussi cette colline. La vallée nommée « des fromagers » (Tyropéon), qui, nous l'avons dit, sépare la colline de la ville haute et la colline inférieure, s'étend jusqu'à Siloé ; tel est le nom de cette source d'eau douce et abondante.
Vers la campagne, les deux collines de la ville étaient entourées de profondes vallées ; de part et d'autres, les précipices en rendaient l'abord impraticable.
2. Des trois enceintes, la plus ancienne était très difficile à prendre, grâce aux vallons et à la montagne qui les dominait et sur laquelle le mur était bâti. Outre l'avantage du lieu, la construction en était solide, car David et Salomon et les rois qui suivirent rivalisèrent dans cette oeuvre. Le mur commençait au nord à la tour Hippicos et se dirigeait vers la galerie orientale du temple (Xystos) ; il touchait ensuite à la salle du conseil, et aboutissait au portique occidental du Temple. Du côté de l'ouest, il partait du même point, se prolongeait par le lieu appelé Bethso jusqu'à la porte des Esséniens ; il tournait ensuite vers le sud, au delà de la source de Siloé, revenait alors vers l'orient, dans la direction de la piscine de Salomon, et continuait jusqu'à l'endroit nommé Ophlas, où il rejoignait le portique oriental du Temple.
Le second mur s'amorçait à la porte de Gennath, qui faisait partie de la première enceinte ; il n'entourait que la partie septentrionale de la ville et montait jusqu'à la tour Antonia.
Le troisième mur avait pour origine la tour Hippicos ; de là il continuait vers le nord jusqu'à la tour Psephina, descendait en face de la sépulture d'Hélène, reine des Adiabéniens et mère du roi Izatas, se développait le long des caveaux royaux, s'infléchissait à la tour d'angle près du Tombeau du Foulon, enfin, se rattachant à l'ancien retranchement, aboutissait dans la vallée du Cédron. Ce fut Agrippa qui entoura de ce mur les nouveaux quartiers de la ville, jusque-là tout entiers sans défense ; car la cité, vu l'excès de la population, débordait peu à peu les remparts. On réunit donc à la ville la région située au nord du Temple, voisine de la hauteur, et, poussant assez loin, on habita une quatrième colline, nommée Bezetha : située en face de la tour Antonia, elle en est séparée par une excavation profonde ; c'est à dessein que ce fossé fut creusé, pour empêcher que les fondations de la tour, reliées à la hauteur, n'offrissent un accès facile et une élévation insuffisante. Ainsi donc la profondeur du fossé donna aux tours la plus grande hauteur possible. Ce quartier tout récent prit le nom indigène de Bezetha, qui, traduit en grec, se dirait Caenopolis (Villeneuve). Comme ses habitants avaient besoin d'être défendus, le père du roi actuel, nommé aussi Agrippa, commença la construction de la muraille dont nous venons de parler : mais, craignant que Claudius César ne soupçonnât que la grandeur de ce travail annonçait une révolution et des menées séditieuses, il l'interrompit, n'ayant fait que jeter les fondements. De fait, la ville eût été imprenable s'il avait continué la construction de la muraille comme il l'avait commencée : car elle était formée de pierres qui avaient vingt coudées de longueur sur dix d'épaisseur et ne pouvait pas être facilement entamée avec le fer ni ébranlée par des machines. Le mur eut dès l'abord une épaisseur de dix coudées, et la hauteur en eût vraisemblablement été considérable, si la magnificence de celui qui commença cette oeuvre n'avait été entravée. Plus tard, cependant les Juifs, travaillant avec ardeur, élevèrent le mur jusqu'à une hauteur de vingt coudées : ses créneaux mesuraient deux coudées, ses abris trois, en sorte que sa hauteur totale montait jusqu'à vingt-cinq coudées.
3. [156] Les remparts étaient dominés par des tours qui avaient vingt coudées de largeur et vingt de hauteur : elles étaient carrées et solides comme le mur même ; par leur ajustement et leur beauté, les pierres ne différaient pas de celles du Temple. Au-dessus de la masse imposante des tours, s'élevant jusqu'à vingt coudées, étaient de magnifiques salles, et au-dessus encore des étages, des réservoirs destinés à recueillir les eaux de pluie. Chaque tour était desservie par de larges escaliers tournants. Le troisième rempart avait quatre-vingt-dix de ces tours et le développement des courtines entre elles était de deux cents coudées. Le rempart intermédiaire comptait quatorze tours, l'ancien mur en comprenait soixante. Tout le périmètre de la ville était de trente-trois stades. Plus étonnante encore que le troisième rempart tout entier, s'élevait à l'angle nord-ouest la tour Psephinos, près de laquelle campa Titus. Haute de soixante-dix coudées, elle laissait apercevoir, au lever du soleil, l'Arabie et les dernières limites des terres des Hébreux jusqu'à la mer. Elle était de forme octogonale. En face de cette tour, se dressait l'Hippicos. Dans le voisinage de cette dernière tour, le roi Hérode en avait construit sur l'ancien rempart deux autres, remarquables pour leur grandeur, leur beauté, leur solidité, entre tous les édifices du monde. Car outre que ce roi était naturellement magnifique et plein d'amour-propre pour sa capitale, il fit hommage de la grandeur de ces ouvrages à ses affections privées, et consacra la mémoire des trois êtres qui lui étaient les plus chers, un frère, un ami, sa femme, dont ces tours prirent leur nom. L'une de ces personnes, il l'avait, comme nous l'avons dit précédemment, tuée par amour ; il avait perdu les deux autres dans une guerre où ils avaient vaillamment combattu.
L'Hippicos, appelée ainsi du nom de son ami, était carrée : elle mesurait également vingt-cinq coudées de longueur et de profondeur, trente de hauteur ; il n'y avait pas de vide à l'intérieur. Au-dessus du massif de maçonnerie et de l'appareillage se trouvait un réservoir de vingt coudées de profondeur pour recevoir la pluie ; au-dessus encore une demeure à deux étages, haute de vingt-cinq coudées, divisée en salles diversement ornées, encerclée de tourelles de deux coudées de haut en plus des abris de trois coudées la hauteur totale montait ainsi à quatre-vingts coudées.
La deuxième tour, qu'il appela Phasaël, du nom de son frère, avait des dimensions égales en longueur et en profondeur, quarante coudées de part et d'autre ; la partie massive atteignait aussi la même hauteur. Au-dessus courait un portique, haut de dix coudées, protégé par des mantelets et des bastions. Au centre de ce portique s'élevait une autre tour, comprenant de riches appartements et des bains, en sorte qu'il ne manquait à cette forteresse rien de ce qui pouvait lui donner un aspect royal. Le sommet était plus orné d'abris et de tourelles que celui de la forteresse précédente[22]. La hauteur totale de cette tour mesurait environ quatre-vingt-dix coudées. Elle rappelait par sa forme celle de Pharos, dont le feu éclaire les navigateurs cinglant vers Alexandrie ; mais son périmètre était beaucoup plus vaste elle était devenue à cette époque le siège de la tyrannie de Simon.
La troisième tour, celle qui prit ce nom de Mariamme porté par la reine, se dressait massive à vingt coudées de hauteur, sur une longueur et une profondeur de vingt coudées ; ses logements supérieurs étaient beaucoup plus riches et plus ornés que ceux des autres tours, car le roi avait jugé convenable que la forteresse à laquelle il avait donné le nom d'une femme offrit plus de parure que celles qui portaient des noms d'hommes. En revanche, il y avait plus de force dans celles-là que dans celle-ci. La hauteur totale de la tour de Mariamme était de cinquante-cinq coudées.
4. [172] Ces trois magnifiques tours paraissaient encore plus grandes par le fait de leur situation. Car l'ancien rempart qu'elles dominaient était lui-même édifié sur une colline élevée dont il formait comme la crête plus élevée encore, à une hauteur de trente pieds ; placées sur cette crête, les tours prenaient encore beaucoup d'élévation. Les dimensions des pierres étaient également merveilleuses ; car ce n'est pas de vulgaires moellons que se composaient ces tours ni de pierres facilement transportables à bras d'hommes ; on avait taillé, dans du marbre blanc, des blocs mesurant chacun vingt coudées de longueur, dix de profondeur et cinq de hauteur. Ils étaient ajustés si parfaitement les uns aux autres que chaque tour paraissait n'être qu'une seule pierre naturelle, dégrossie et polie aux angles par les mains des artisans, tant il était difficile d'apercevoir les joints de l'appareillage ! Ces tours regardaient le nord, et le palais du roi était contigu à leur face intérieure, défiant toute description : car il n'y manquait rien de ce qui pouvait rehausser la magnificence et la perfection de l'édifice. Il était tout entier ceint de murs dressés à une hauteur de trente coudées ; à la même distance s'élevaient des tours, de vastes corps de logis, pouvant recevoir même des appartements de cent lits, destinés aux hôtes. Il y avait là une indescriptible variété de pierres, et l'on trouvait rassemblées à profusion celles qui, partout, étaient rares. Il y avait des toits admirables pour la longueur de leurs poutres et l'éclat de leurs ornements ; une extrême abondance de chambres, dont les dispositions, offraient une infinie variété ; des ameublements complets, la plupart d'or et d'argent, les garnissaient toutes. De nombreux péristyles se succédaient en cercle, ayant chacun des colonnes d'espèce différente les uns, entièrement découverts, étaient verdoyants ; là des bois d'essence variée, de longues allées, entremêlées de profonds canaux et de réservoirs où se trouvaient partout en foule des statues de bronze qui répandaient les eaux : autour des ondes, de nombreuses tours, asile des colombes apprivoisées. Mais il est impossible de décrire dignement ce palais : d’ailleurs, le souvenir en est pénible quand on se rappelle les désastres causés par le feu qu'y allumèrent les brigands. Ce ne sont pas, en effet, les Romains qui ont brûlé ces merveilles, mais les conjurés de la ville, au début du soulèvement, comme nous l'avons déjà raconté : l'incendie commença à la tour Antonia, puis gagna le palais, et consuma les toits des trois tours.
Description du Temple.
1-6. Description du Temple. – 7. Les prêtres. – 8. La tour Antonia.
1. Le Temple était, comme je l'ai dit, bâti sur une forte éminence, et c'est à peine si, à l’origine, le plateau qui la terminait suffit à contenir le sanctuaire et l'autel. Les pentes, tout alentour, étaient escarpées. Mais quand le roi Salomon, qui d'ailleurs construisit le Temple, entoura d'un mur le côté oriental de l'édifice, il établit un portique sur le terrassement : de tous les autres côtés, le Temple restait sans défense. Dans les âges qui suivirent, comme le peuple ajoutait sans cesse de nouveaux remblais, la colline ainsi aplanie se trouva plus large. On abattit ensuite le rempart septentrional, et cela fournit l'espace qui fut plus tard occupé par toute l'enceinte du Temple. On entoura la colline, depuis ses fondements, d'un triple rempart circulaire. L'exécution de ce grand travail dépassa toute prévision : on y employa de longs siècles et tous les trésors sacrés que fournissaient les tributs envoyés à Dieu des diverses régions de l'univers. On construisit ainsi les enceintes supérieures et le temple inférieur. La partie la plus basse de ce dernier édifice fut, sur des terrassements, relevée de trois cents coudées, ou plus encore en certains endroits. Cependant la profondeur des fondations n'apparaissait pas tout entière car les Juifs avaient fortement comblé les vallons, dans le dessein d'égaliser le sol des rues de la ville. Des pierres de quarante coudées de longueur servirent à ces substructions. L'abondance des ressources et la générosité du peuple imprimaient aux projets une grandeur extraordinaire ; la patience et le temps aidaient à la réalisation d'une espérance dont on n'osait pas même concevoir le terme.
2. Les édifices élevés au-dessus de ces fondations énormes en étaient dignes. Tous les portiques avaient une double rangée de colonnes, d'une hauteur de vingt-cinq coudées, taillées d'une seule pièce dans des blocs d'un marbre très blanc. Les lambris qui couvraient ces portiques étaient de cèdre. La richesse naturelle des lambris, l'art dont ils étaient polis et ajustés offraient un merveilleux spectacle, mais aucun travail de peinture ou de sculpture n'y ajoutait un ornement extérieur. La largeur des portiques était de trente coudées, et leur périmètre total, en y comprenant la tour Antonia, mesurait six stades ; toute la partie qui était à découvert était pavée de pierres différentes, aux couleurs variées. En traversant cet espace dans la direction de la seconde tour du Temple. on trouvait autour de soi une balustrade de pierre, haute de trois coudées et très élégamment ouvragée. Des colonnettes s'y dressaient à intervalles égaux, prescrivant les unes en caractères grecs, les autres en caractères latins, la loi de pureté et interdisant à tout étranger de pénétrer dans le « lieu saint » ; car la seconde enceinte était appelée de ce nom[24]. On y montait de la première par quatorze degrés. De forme carrée, elle était entourée d'un mur particulier, dont la hauteur extérieure, atteignant quarante coudées, était masquée par l'escalier. La hauteur intérieure mesurait vingt-cinq coudées, car, l'escalier étant construit contre un terrain plus élevé, elle n'apparaissait pas complètement de l'intérieur et se trouvait dissimulée en partie par la colline[25]. Après les quatorze degrés, on avait le mur à une distance de dix coudées, sur un terrain entièrement aplani. Ensuite, un nouvel escalier de cinq marches conduisait aux portes qui étaient au nombre de huit du côté du nord et du midi, quatre de part et d'autre : il y en avait nécessairement deux à l'Orient, car de ce côté se trouvait la place, séparée par un mur, qui était réservée aux femmes pour le culte, et il avait fallu y pratiquer une seconde porte distincte en face de la première. Dans les autres directions, deux portes, l'une au midi, l'autre au nord, conduisaient à la cour des femmes ; en effet, elles ne pouvaient entrer par les autres, et il leur était même interdit, en passant par celle qu'on leur avait réservée, de franchir le mur le séparation. L'endroit était d'ailleurs ouvert également pour le culte aux femmes de la région et à leurs coreligionnaires venues du dehors. La partie occidentale n'avait pas de porte de ce côté, le mur était continu. Les portiques situés entre les portes, au dedans du mur faisant face aux salles du Trésor, étaient soutenus sur des colonnes très belles et très hautes : bien que simples et non doubles, ces portiques ne le cédaient en rien, sauf pour les dimensions, aux portiques inférieurs.
3. Des dix portes, neuf étaient entièrement recouvertes d'or et d'argent, comme aussi les montants et les linteaux : l'une d'elles, hors du Temple, devait à la gloire de l'airain de Corinthe sa grande supériorité sur celles qui étaient lamées d'argent et d'or. Chaque portail comprenait deux battants dont chacun avait trente coudées de hauteur et quinze de largeur. Après l'entrée, ces portails, s'élargissant à l'intérieur, embrassaient à droite et à gauche des vestibules longs et larges de trente coudées ; semblables à des tours, leur hauteur dépassait quarante coudées ; chacun était soutenu par deux colonnes, dont la circonférence mesurait douze coudées. Les dimensions des autres portes étaient les mêmes. Mais celle qui s'ouvrait au delà du portail corinthien, vers l'Orient, du côté de la salle des femmes, et en face de la porte du Temple, était plus vaste ; elle avait cinquante coudées d'élévation ; ses portes atteignaient quarante coudées, et son ornementation était plus magnifique, en raison de l'épaisseur de l'argent et de l'or qui y étaient prodigués. C'est Alexandre père de Tibère qui en avait garni les neuf autres portes. Quinze degrés conduisaient du mur des femmes au grand portail ; ils étaient moins élevés que les cinq degrés qui menaient aux autres portails.
4. Le Temple, cet édifice sacré, était placé au centre : on y accédait par douze marches. La hauteur et la largeur de sa façade mesuraient également cent coudées ; il se rétrécissait en arrière et n'avait plus là que soixante coudées, car, sur le devant, il y avait de côté et d'autre comme des épaules d'une longueur de vingt coudées. Son premier portail avait soixante-dix coudées de hauteur, vingt-cinq de largeur et n'était pas pourvu de battants car il figurait le ciel, immense et sans limites. Les métopes étaient toutes dorées : par ces ouvertures, la première partie de la nef apparaissait complètement du dehors dans sa majesté, et les côtés de la porte intérieure se montraient tout étincelants d'or aux veux des spectateurs. Comme le Temple portait un double toit, la première partie de la nef, seule, s'ouvrait à une grande hauteur, mesurant quatre-vingt-dix coudées d'élévation, cinquante de longueur et vingt de largeur. Le portail de cette nef était tout entier, comme je l'ai déjà dit, lamé d'or ; il en était de même de toute la paroi avoisinante : les pampres qui revêtaient la surface de la porte étaient d'or également, et des grappes de la taille d'un homme y pendaient. Comme le Temple avait un double toit, la perspective intérieure était plus basse que l'extérieure ; là les portes d'or avaient cinquante-cinq coudées de hauteur et seize de largeur. Devant elles se trouvait un voile de longueur égale, un peplos babylonien, brodé de laine violette, de lin, d'écarlate et de pourpre ; ce travail admirable offrait, dans sa matière, un mélange savant et comme une image de l'univers ; car il paraissait symboliser par l'écarlate le feu, par le lin la terre, par le violet l'air, par la pourpre la mer. Pour deux de ces matières, c'était la couleur qui faisait la ressemblance ; pour le lin et la pourpre, c'était leur origine, puisque l'un est fourni par la terre, l'autre par la mer. Sur le peplos était brodé tout le spectacle des cieux, les signes du zodiaque exceptés.
5. Quand on pénétrait à l'intérieur, c’était la partie basse du Temple qui recevait le visiteur. Elle avait soixante coudées de hauteur, une longueur égale et vingt coudées de largeur. A leur tour, ces soixante coudées étaient divisées : la première section offrait, sur une étendue de quarante coudées, trois oeuvres admirables et célèbres dans le monde entier, le chandelier, la table, l'encensoir. Les sept lampes du chandelier représentaient les planètes, car c'était bien le nombre des branches du candélabre ; les douze pains sur l'autel figuraient le cercle du zodiaque et l'année. L'encensoir, avec les treize parfums dont il était rempli, et qui provenaient de la mer et des régions habitées ou inhabitées de la terre, indiquait que tout appartient à Dieu et existe pour Dieu.
La partie la plus reculée de l'enceinte mesurait vingt coudées ; un voile la séparait aussi de l'extérieur. Aucun objet ne se trouvait là ; elle était pour tous inaccessible, intangible, invisible ; on l'appelait le « Saint des Saints ».
Sur les côtés du Temple inférieur étaient de nombreuses habitations sur triple étage, communiquant entre elles ; de part et d'autre des entrées spéciales y conduisaient depuis le portail. Le Temple haut, plus étroit, n'avait pas d’habitations ; il élevait à quarante coudées son propre faîtage, d'un style plus simple que le Temple inférieur. Si l'on ajoute ce nombre aux soixante coudées du Temple bas, on obtient une hauteur totale de cent coudées.
6. A la façade extérieure il ne manquait rien de ce qui pouvait frapper l'esprit ou les yeux. Partout revêtu de plaques d'or massif, le Temple brillait, aux premiers rayons du jour, d'un éclat si vif que les spectateurs devaient en détourner leurs regards comme des rayons du soleil. Pour les étrangers qui arrivaient à Jérusalem il ressemblait de loin à une montagne couverte de neige, car là où il n'était pas doré, il apparaissait de la plus pure blancheur. Sur son toit se dressaient des broches d'or, finement aiguisées, pour écarter les souillures des oiseaux qui seraient venus s'y poser. Quelques-unes des pierres de l'édifice avaient quarante-cinq coudées de longueur, cinq de hauteur et six de profondeur.
Devant le Temple se trouvait l'autel qui mesurait quinze coudées de hauteur, et se développait également sur une longueur et une largeur d'environ cinquante coudées ; de forme carrée, il était pourvu aux angles d'appendices en forme de cornet. On y accédait du midi par une rampe en pente douce. Le fer n'avait pas été employé pour construire cet autel, et jamais le fer ne l'avait touché.
Le Temple et l'autel étaient entourés d'une balustrade de pierres, belles et délicatement ouvragées, qui avait environ une coudée de hauteur ; elle maintenait le peuple à distance et le séparait des prêtres.
Si la ville entière était interdite aux hommes atteints de gonorrhée et de lèpre, le Temple l'était aussi aux femmes, dans le temps de la menstruation ; il ne leur était même pas permis, quand elles étaient pures, de franchir les limites que nous avons indiquées. Ceux des hommes qui n'étaient pas complètement purifiés se voyaient interdire la cour intérieure ; il en était de même des prêtres quand ils subissaient une purification.
7. Ceux qui, étant de famille sacerdotale, ne pouvaient exercer leurs fonctions à cause de quelque infirmité, se tenaient avec leurs confrères valides à l'intérieur de la balustrade ; ils recevaient les parts du sacrifice dues à leur naissance, mais portaient des vêtements ordinaires ; seul l'officiant revêtait le costume sacré. Les prêtres exempts de toute tare montaient à l'autel et au Temple en habits de lin : ils s'abstenaient rigoureusement de vin pur, par un scrupule religieux, pour ne transgresser aucune prescription du service divin.
Le grand-prêtre montait avec eux ; il ne le faisait pas toujours, mais seulement au sabbat, à la nouvelle lune, à la célébration d'une fête nationale ou d'une solennité publique annuelle. Quand il officiait, il s'enveloppait les cuisses d'un linge jusqu'au bas-ventre : il portait en dessous un vêtement de lin, et, par-dessus, une tunique de laine violette descendant jusqu'aux pieds, vêtement étroit et muni de franges, auxquelles étaient suspendues des clochettes d’or et une guirlande de grenades, symbolisant, celles-là le tonnerre, celles-ci l'éclair. La bandelette qui fixait le vêtement à la poitrine était formée de cinq pièces brodées de fleurs les couleurs étaient d'or, de pourpre, d'écarlate, de lin et de violette, dont nous avons déjà dit qu'étaient également tissées les tapisseries du Temple. L'éphode qu’il portait était diversifié des mêmes couleurs, mais il y entrait une plus grande quantité d'or ; cet ornement avait l'aspect d'une cuirasse que l'on met sur l'habit, et s'y agrafait par deux fibules d'or en forme de petits boucliers ; de belles et grandes sardoines y étaient serties, portant inscrits à la surface les noms des éponymes des tribus qui composaient la nation. Sur le devant étaient fixées douze autres pierres, trois par trois sur quatre rangées : sardoine, topaze, émeraude, escarboucle, jaspe, saphir, agate, améthyste, rubellite, onyx, béryl, chrysolithe ; sur chacune d'elles aussi était gravé le nom d'un éponyme. La tête du grand-prêtre était couverte d'une tiare de lin, ornée d'une bande de la couleur de l'hyacinthe autour d'elle était une couronne d'or, où étaient inscrites en relief les lettres sacrées qui sont quatre voyelles[40]. En temps ordinaire, le grand-prêtre ne revêtait pas ce costume, mais en prenait un plus simple, réservant le premier pour les occasions où il entrait dans le Saint des Saints ; il y pénétrait seul une fois par an, le jour où tout le peuple a coutume de jeûner en l'honneur de Dieu. Nous parlerons ailleurs avec plus de précision de la ville, du Temple, des mœurs et des lois qui s'y rapportent ; car il reste encore beaucoup à dire sur ces sujets.
8. La tour Antonia était située à l'angle de deux portiques du premier Temple, le portique de l'ouest et celui du nord : on l'avait construite sur un rocher élevé de cinquante coudées et escarpé de toutes parts. C'était l’œuvre du roi Hérode qui y montra au plus haut degré la magnificence de son caractère.
Le rocher, depuis ses fondements, était recouvert de plaques de pierres lisses, servant d'ornements et en même temps de défense, car tout homme qui eût essayé d'y monter ou d'en descendre aurait glissé. De plus, il y avait, devant l'édifice même de la tour, un mur de trois coudées, à l'intérieur duquel s'élevait jusqu'à une hauteur de quarante coudées toute la superstructure de l'Antonia. Au-dedans elle offrait l'étendue et l'aménagement d'un palais. Elle comprenait divers appartements de toute forme et de toute destination, des portiques, des bains et de vastes cours où pouvaient camper les troupes. Par toutes les dispositions utiles qu'elle offrait, c'était une ville ; par sa richesse, c'était un palais. Présentant dans l'ensemble l'aspect d'une tour, elle s'appuyait aux quatre angles d'entre elles avaient cinquante coudées de hauteur ; celle qui était placée à l'angle sud-est en mesurait soixante-dix, de sorte que de son sommet on apercevait le Temple tout entier. A l'endroit où elle se joignait aux portiques du Temple, elle avait deux escaliers qui y conduisaient ; c'est par là que descendaient les gardes, car il y avait toujours dans l'Antonia une cohorte romaine, dont les soldats, se répandant en armes parmi les portiques aux jours de fêtes, surveillaient le peuple et prévenaient tout désordre. Si le Temple dominait la ville comme une forteresse, l'Antonia dominait à son tour le Temple ; ceux qui gardaient ce poste gardaient aussi la ville et le Temple ; quant à la ville haute, elle avait pour défense particulière le palais d'Hérode. La colline de Bezetha était, comme je l'ai dit, séparée de la forteresse Antonia ; la plus haute de toutes, elle était contiguë à la partie de la ville, et seule, du côté du nord, cachait le Temple. Cette description de la ville et des murs, que je projette de reprendre plus tard en détail avec plus de précision, doit suffire pour le moment.