Comment le Hamas exploite la population de Gaza: les récentes manifestations sont la démonstration claire de ses tactiques cyniques
Par DENNIS ROSS* – 23 avril 2018 (source coolisrael)
* Dennis Ross est consultant-chercheur émérite de l’Institut William Davidson de Washington pour la politique du Proche-Orient
« Le Hamas n’a jamais donné la priorité aux habitants de Gaza. Le Hamas rejette l’existence d’Israël et traite tout son territoire comme une fiducie islamique. Le peuple palestinien est instrumentalisé dans sa lutte pour le revendiquer. Pour la lutte, pour la cause, le peuple peut être sacrifié.
Pour quelle autre raison le Hamas construirait-il des tunnels pour protéger ses armes et ses combattants – mais pas son peuple – pendant un conflit avec Israël ?
Pourquoi, alors que les Gazaouis ont désespérément besoin de reconstruction, leurs dirigeants détourneraient-ils de minimes quantités de ciment, de câbles électriques et de fer au détriment de la construction de logements sous prétexte qu’ils en avaient désespérément besoin pour construire des tunnels?
Pourquoi sinon stocker, déployer et tirer ses roquettes dans ou à côté d’écoles, de mosquées et d’hôpitaux?
Dans ses conflits avec Israël, le Hamas cherche à maximiser les pertes civiles palestiniennes – de préférence les femmes et les enfants. Cela amène l’opprobre international sur Israël et rend plus difficiles ses capacités défensives.
Les marches de masse récentes sur la barrière frontalière avec Israël en sont un bon exemple. La direction du Hamas à Gaza a annoncé qu’ à partir du 30 mars, tous les vendredis – et ce jusqu’à la commémoration de ce qu’ils qualifient de « journée de la Nakba » (catastrophe)-, des manifestations auraient lieu à la barrière frontalière avec Israël. Le symbolisme étant parfaitement conforme afin de mobiliser à son avantage les passions populaires.
Or, bien entendu, ceci ne correspond à aucune histoire réelle. La vie à Gaza est terrible et Israël n’est pas à blâmer : quatre heures d’électricité par jour est insuffisant pour alimenter les stations d’épuration. Environ 96% de l’eau est imbuvable. Le taux de chômage avoisine les 50%, les médicaments dans les hôpitaux sont constamment insuffisants et les gens ne peuvent pas aller-venir et se sentent donc emprisonnés. Trop peu d’argent pour subvenir à leurs besoins, les camions d’Israël transportant des biens matériels et des fournitures humanitaires sont passés de 1.000 à moins de 200 par jour.
Certes, Mahmoud ABBAS, le président de l’Autorité palestinienne, a aggravé les privations économiques en ne payant plus Israël pour fournir de l’électricité à Gaza et en réduisant les salaires des (anciens) employés de l’Autorité palestinienne. Son but était de faire pression sur le Hamas, et c’est ce qu’il a fait – à tel point que Yahya SINWAR le leader du Hamas à Gaza – a envisagé de restituer son pouvoir aux autorités de l’AP.
Alors que les pourparlers de réconciliation reprenaient, ABBAS les considéraient comme un piège parce que le Hamas refusait de démanteler ses brigades Al Qassam ou de désarmer ses combattants – et après la récente tentative d’assassinat du Premier ministre palestinien, Rami HAMDALLAH, il menace de nouveau le Hamas de nouvelles sanctions économiques.
Pour la direction du Hamas, au vu de l’insatisfaction populaire grandissante, la seule chose à faire était de détourner l’attention publique vers Israël et, par conséquent, de faire pression sur ABBAS qui ne peut pas paraître indifférent aux Palestiniens tués par les Israéliens.
Comme me l’a dit un diplomate européen, les dirigeants du Hamas reconnaissent en privé qu’ABBAS est la source de leurs difficultés actuelles, mais le fait de se concentrer sur Israël est une tactique éprouvée, voire cynique.
Le Hamas sait que le monde ne verra que les victimes palestiniennes et les reliera aux conditions misérables de vie à Gaza – conditions imputées au blocus israélien de la Bande de Gaza.
Bien évidemment, c’est Israël et l’Egypte qui contrôlent ce qui peut entrer et sortir de Gaza. Mais contrairement à Israël, l’Égypte maintient sa frontière fermée au transit des personnes ou des biens à destination et en provenance de Gaza, sauf en de bien rares occasions.
Les dirigeants du Hamas ont mesuré le peu d’intérêt à franchir la frontière égyptienne, sachant que les pertes humaines seraient bien plus élevées et que la réaction internationale serait minimale.
Nous voilà devant un sérieux risque d’escalade et d’un autre conflit entre le Hamas et Israël – laissant Gaza encore plus dévasté. Ses dirigeants étant persuadés qu’ils ont peu à perdre, une seule chose pourrait changer le funeste calcul du Hamas: la perspective d’un véritable changement sur le terrain à Gaza.
L’administration TRUMP doit traduire sa récente conférence annonçant des contributions aux projets concernant Gaza en un plan d’action et un enjeu d’ordre public.
A défaut de crédibilité suffisante auprès des Palestiniens, il serait judicieux que les Européens et les Arabes publient une déclaration publique commune déclarant qu’ils sont prêts, immédiatement, à mettre en œuvre des projets de production d’électricité, d’eau, d’assainissement et de reconstruction, en échange de garanties qu’il n’y aura aucune escalade avec Israël. Personne ne va aller financer des projets d’infrastructure qui risqueraient d’être détruits dans un nouveau conflit.
Il est temps d’imposer un choix crucial absolu au Hamas: cesser l’escalade des tensions au profit d’importants travaux de reconstruction.
Les dirigeants du Hamas peuvent traiter la population palestinienne comme des pions, mais ils ne sont pas indifférents à la pression publique. Il est temps de la mettre en œuvre. »