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A l’issue des négociations de paix menées par les deux délégations du 19 au 23 décembre 2000, les parties en présence acceptèrent d’examiner les "idées" d’un règlement de paix que leur avait soumises le Président américain. Si elles n’ont pas permis d’aboutir à un accord, les propositions de l’ex-Président américain gardent néanmoins une importance certaine car elles marquent un point de rapprochement jusqu’alors jamais atteint. En effet, elles ont fait l’objet d’une acceptation conditionnelle par chacune des parties et ont servi de base aux négociations israélo-palestiniennes d’Erez puis de Taba en janvier 2001. Aussi, il devrait être difficile, lors de négociations ultérieures, de n’en tenir aucun compte.

 


Bill Clinton (1993 - 2001)

 

Les propositions américaines concernaient le territoire du futur État palestinien, la question de Jérusalem, celle des réfugiés, dont la notion des retour est précisée, et les garanties de sécurité.

 

Le territoire

Le futur État palestinien comprendrait quelque 95 % de la Cisjordanie (entre 94 % et 96 %).

En compensation des terres annexées par Israël, ce dernier céderait 1 % à 3 % de son territoire actuel. Des territoires pourraient aussi être loués pour une longue durée. 80 % des colons seraient rassemblés dans des blocs de colonies.

Un "passage protégé permanent" relierait la bande de Gaza à la Cisjordanie et la continuité territoriale devrait être assurée à l’intérieur de l’État palestinien.

 

Jérusalem

Les parties arabes reviendraient aux Palestiniens, les parties juives aux Israéliens, y compris pour la vieille ville.

S’agissant de l’esplanade des Mosquées-mont dû Temple, deux possibilités sont avancées :

- souveraineté palestinienne sur l’esplanade des Mosquées et souveraineté israélienne sur le Mur occidental ainsi que a) sur l’espace sacré pour les Juifs dont il fait partie ou b) sur le Saint des Saints dont il fait partie ;

- souveraineté palestinienne sur l’esplanade des Mosquées et souveraineté israélienne sur le Mur occidental, ainsi qu’une souveraineté fonctionnelle sur la question des excavations sous l’Esplanade des Mosquées ou derrière le Mur. Tout travail éventuel d’excavation nécessiterait donc un consentement mutuel. Un contrôle international veillerait à l’application des accords.

 

Esplanade des Mosquées – mont dû Temple

 

Les réfugiés

Israël reconnaîtrait les souffrances morales et matérielles subies par les Palestiniens du fait de la guerre de 1948 et participerait à l’effort de la communauté internationale pour aider les réfugiés.

Le droit au retour des Palestiniens s’entendrait comme le droit pour eux de revenir dans l’État de Palestine. Israël pourrait accueillir quelques-uns de ces réfugiés, mais il n’y aurait cependant pas un droit au retour à l’intérieur des frontières de l’ État d’Israël. Cinq possibilités existeraient pour les réfugiés : installation à l’intérieur de l’État palestinien, installation sur les terres israéliennes transférées à l’État palestinien dans le cadre des échanges de territoires, aide à une installation dans les pays d’accueil, réinstallation dans des pays tiers, admission en Israël.

Le retour à Gaza ou en Cisjordanie serait un droit pour tous les réfugiés palestiniens, tandis que les autres possibilités dépendraient des politiques décidées par les pays concernés. Israël pourrait mentionner dans l’accord conclu son intention de permettre à un certain nombre de réfugiés de venir s’établir en Israël conformément à sa décision souveraine. La priorité devrait être donnée aux réfugiés du Liban et les deux parties conviendraient que la mise en œuvre de ces solutions équivaudrait à l’application de la résolution 194 de l’Assemblée générale des Nations unies.

 

Les garanties de sécurité

Une force internationale garantirait par sa présence l’application des accords, et son retrait ne serait possible que par consentement mutuel. Cette force se déploierait progressivement dans la région, le retrait israélien devant s’échelonner sur trente-six mois.

Israël maintiendrait une présence militaire réduite dans la vallée du Jourdain, sous l’autorité de la force internationale, pendant une autre période de trente-six mois, délai pouvant être raccourci en fonction d’un contexte régional favorable pour la sécurité d’Israël.

Israël maintiendrait également trois stations d’alerte avancées en Cisjordanie pendant une durée de dix ans à l’issue de laquelle ce maintien pourrait être revu, le changement de statut devant faire l’objet d’un accord mutuel.

En cas de menace militaire imminente et manifeste contre Israël, des zones de déploiement d’urgence seraient prévues. La force internationale en serait avertie.

L’État palestinien exercerait sa souveraineté dans son espace aérien, mais des arrangements satisferaient aux besoins opérationnels et d’entraînement d’Israël.

L’État palestinien serait un "État non militarisé" : à la force internationale s’ajouterait une importante force de sécurité palestinienne chargée de la sécurité des frontières et de la dissuasion.

 

Fin du conflit

L’accord signé marquerait la fin du conflit, son application mettant fin à toutes les revendications, les résolutions 242 et 338 des Nations unies étant alors considérées comme appliquées. L’État palestinien aurait pour capitale (Jérusalem).

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Discours original de Clinton formulant ses paramètres

(introduction du MFA israélien)

 

Dans un dernier effort pour relancer le processus de paix, les États-Unis ont invité les négociateurs israéliens et de l'AP à revenir à Washington pour des entretiens séparés avec les équipes de paix américaines. Ils sont venus le 18 décembre et ont rencontré pendant deux jours séparément les responsables américains. Le 20 décembre, le ministre des affaires étrangères Ben-Ami et le négociateur de l'AP Saeb Erekat ont rencontré à la Maison Blanche le président Clinton et la secrétaire d'État Albright. Ces entretiens n'ont pas permis de faire beaucoup de progrès et, à un moment donné, l'AP a quitté la salle. Le 23 décembre, Clinton a présenté aux parties ses paramètres pour un accord sur le statut final. Il a demandé que les parties lui répondent avant le 27 décembre si ces paramètres étaient acceptables comme base pour la poursuite des négociations. Voici les propositions telles qu'elles ont été communiquées aux médias israéliens par diverses sources :

 

Territoire :

D'après ce que j'ai entendu, je pense que la solution devrait se situer au milieu des 90 %, entre 94 et 96 % du territoire de l'État palestinien en Cisjordanie.

Les terres annexées par Israël devraient être compensées par un échange de terres de 1 à 3 % en plus des arrangements territoriaux tels qu'un passage sûr permanent.

Les parties devraient également envisager l'échange de terres louées pour répondre à leurs besoins respectifs...

Les parties devraient élaborer une carte conforme aux critères suivants :

- 80% des blocs de colonies

- continuité

- Réduire au minimum les zones annexées

- Réduire au minimum le nombre de Palestiniens touchés

La sécurité :

La clé réside dans une présence internationale qui ne peut être retirée que par consentement mutuel. Cette présence permettra également de surveiller la mise en œuvre de l'accord entre les deux parties.

Mon meilleur jugement est que la présence israélienne resterait dans des endroits fixes de la vallée du Jourdain sous l'autorité de la force internationale pendant encore 36 mois. Cette période pourrait être réduite en cas d'évolution régionale favorable qui diminuerait la menace pour Israël.

En ce qui concerne les stations d'alerte rapide, Israël devrait maintenir trois installations en Cisjordanie avec une présence de liaison palestinienne. Ces stations seront soumises à un examen tous les dix ans, tout changement de statut devant être convenu d'un commun accord. (Selon la version israélienne du procès-verbal, Mme Clinton a déclaré que les stations seraient soumises à un réexamen après 10 ans).

En ce qui concerne les développements d'urgence, je comprends que vous devrez encore élaborer une carte des zones et des routes concernées. Je propose la définition suivante : menace imminente et démontrable à la sécurité nationale d'Israël de nature militaire qui nécessite l'activation d'une urgence nationale. Bien entendu, les forces internationales devront être notifiées de toute détermination de ce type

En ce qui concerne l'espace aérien, je suggère que l'État de Palestine ait la souveraineté sur son espace aérien, mais que les deux parties devraient trouver des arrangements spéciaux pour les besoins israéliens en matière de formation et d'opérations.

Je comprends que la position israélienne est que la Palestine devrait être définie comme un "État démilitarisé" alors que la partie palestinienne propose "un État avec des armes limitées". En guise de compromis, je suggère de l'appeler "État non militarisé".

Cela sera cohérent avec le fait qu'en plus d'une force de sécurité palestinienne forte, la Palestine aura une force internationale pour la sécurité des frontières et à des fins de dissuasion.

Jérusalem :

Le principe général est que les zones arabes sont palestiniennes et les zones juives sont israéliennes. Cela s'appliquerait également à la vieille ville. J'invite les deux parties à travailler sur des cartes afin de créer une contiguïté maximale pour les deux parties.

En ce qui concerne le Haram/mont du temple, je pense que les lacunes ne sont pas liées à l'administration pratique mais à des questions symboliques de souveraineté et à la recherche d'un moyen de respecter les croyances religieuses des deux parties.

Je sais que vous avez discuté d'un certain nombre de formulations... J'ajoute à ces deux formulations supplémentaires la garantie d'un contrôle palestinien effectif sur le Haram tout en respectant la conviction du peuple juif. En ce qui concerne l'une ou l'autre de ces deux formulations, il y aura un contrôle international pour assurer la confiance mutuelle.

 

1. Souveraineté palestinienne sur le Haram et souveraineté israélienne sur a) le Mur occidental et l'espace sacré pour le judaïsme dont il fait partie ou b) le Mur occidental et le Saint des Saints dont il fait partie.

Les deux parties s'engageront fermement à ne pas creuser sous le Haram ou derrière le Mur.

2. Souveraineté palestinienne sur le Haram et souveraineté israélienne sur le Mur occidental et souveraineté fonctionnelle partagée sur la question des fouilles sous le Haram et derrière le Mur, de sorte qu'un consentement mutuel serait requis avant que toute fouille puisse avoir lieu.

 

Les réfugiés :

J'ai le sentiment que les différences portent davantage sur les formulations et moins sur ce qui se passera sur le plan pratique.

Je crois qu'Israël est prêt à reconnaître les souffrances morales et matérielles causées au peuple palestinien par la guerre de 1948 et la nécessité d'aider la communauté internationale à résoudre le problème.

Le fossé fondamental porte sur la manière de traiter le concept de droit au retour. Je connais l'historique de la question et je sais combien il sera difficile pour les dirigeants palestiniens de donner l'impression d'abandonner ce principe.

La partie israélienne ne peut accepter aucune référence à un droit de retour qui impliquerait un droit d'immigrer en Israël au mépris des politiques souveraines et de l'admission d'Israël ou qui menacerait le caractère juif de l'État.

Toute solution doit répondre à ces deux besoins.

La solution devra être cohérente avec l'approche à deux États - l'État de Palestine comme patrie du peuple palestinien et l'État d'Israël comme patrie du peuple juif.

Dans le cadre de la solution à deux États, le principe directeur devrait être que l'État palestinien soit le point de convergence pour les Palestiniens qui choisissent de retourner dans la région sans exclure qu'Israël accepte certains de ces réfugiés.

Je pense que nous devons adopter une formulation sur le droit au retour qui précisera qu'il n'existe pas de droit spécifique au retour en Israël même, mais qui n'annule pas l'aspiration du peuple palestinien à retourner dans la région.

Je propose deux alternatives :

 

1. Les deux parties reconnaissent le droit des réfugiés palestiniens à retourner dans la "Palestine historique" ou

2. Les deux parties reconnaissent le droit des réfugiés palestiniens à retourner dans leur pays.

 

L'accord définira la mise en œuvre de ce droit général d'une manière qui soit compatible avec la solution des deux États. Il énumérera les cinq foyers possibles pour les réfugiés :

 

1. L'État de Palestine

2. Zones en Israël transférées à la Palestine dans le cadre de l'échange de terres

3. Réadaptation dans le pays d'accueil

4. Réinstallation dans un pays tiers

5. Admission en Israël

 

En énumérant ces options, l'accord indiquera clairement que le retour en Cisjordanie, dans la bande de Gaza et dans la zone acquise dans le cadre de l'échange de terres serait un droit pour tous les réfugiés palestiniens, tandis que la réhabilitation dans les pays d'accueil, la réinstallation dans des pays tiers et l'absorption en Israël dépendront des politiques de ces pays.

Israël pourrait indiquer dans l'accord qu'il a l'intention d'établir une politique de sorte que certains des réfugiés soient absorbés en Israël conformément à la décision souveraine israélienne.

Je pense que la priorité devrait être donnée à la population réfugiée au Liban.

Les parties seraient d'accord pour que cela mette en œuvre la Résolution 194.

 

La fin du conflit :

Je propose que l'accord marque clairement la fin du conflit et que sa mise en œuvre mette fin à toutes les revendications. Cela pourrait se faire par le biais d'une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies qui constate que les résolutions 242 et 338 ont été mises en œuvre et par la libération des prisonniers palestiniens.

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