Les 108 fontaines Wallace sont des points d'eau potable  publics qui se présentent sous la forme de petits édicules en fonte  répartis sur tout le territoire de la ville de Paris , principalement sur les trottoirs  les plus fréquentés. Elles tiennent leur nom de l'anglais Richard Wallace  qui finança leur édification. D'une grande réussite esthétique, elles sont reconnues dans le monde entier comme un des symboles  de Paris.


> Le contexte

Pendant la guerre de 1870 déclarée par Napoléon III contre la Prusse, Paris connut des temps très durs. Le rétablissement de la République, l'épisode de la Commune de Paris, les bombardements destructeurs des Prussiens, la défaite cuisante qui laissa l'Alsace et la Lorraine à ceux-ci... Autant de bouleversements qui épuisèrent la ville.

La reconstruction de la ville fut très intense, et très rapide, malgré les ravages qu'avait subis la capitale. En moins de dix ans, celle-ci fut transformée : nouveaux bâtiments (Opéra Garnier...), nouveaux boulevards (Raspail, St Germain...). De plus, la mode était à la philanthropie : les bourgeois fortunés finançaient de nombreuses " bonnes œuvres " (Croix Rouge, Armée du Salut, Société Philanthropique...) afin d'entretenir leur image de marque.


> Le commanditaire : Sir Richard Wallace

Parmi ces philanthropes, Sir Richard Wallace est l'un des plus éclectiques et des plus discrets. Ayant hérité de son père une grande fortune en août 1870, il décida d'en faire profiter les Parisiens, ce qui lui valut une grande popularité. On peut le considérer comme un vrai philanthrope, au sens propre du terme, par opposition à certians membres de la bonne société pour qui les actions de charité n'étaient qu'un moyen d'accroitre leur notoriété. Son dévouement le poussa à rester dans sa villa parisienne alors que celle-ci est assiégée, plutôt que de se réfugier dans une de ses luxueuses propriétés, afin de pouvoir être là où on avait besoin de lui. Il fonda également un hôpital, s'occupa de l'accueil des victimes des bombardements, de la distribution de vivres à la population... Ce sont là quelques exemples de ses efforts à l'égard des Parisiens en guerre. Il resta toujours fidèle à sa nation d'adoption, la France, où il repose au cimetière du Père Lachaise. Parmi ses nombreuses contributions au patrimoine parisien, les plus connues, car très reconnaissables et utiles, sont les fontaines qui portent son nom.


> Pourquoi des fontaines ?

Suite au siège de Paris et à l'épisode de la Commune, de nombreux aqueducs avaient été détruits, et le prix de l'eau, déjà élevé, en fut considérablement augmenté. De ce fait, de nombreux démunis n'ayant pas accès à l'eau se trouvaient dans l'impossibilité de trouver de quoi se désaltérer gratuitement.

Dès lors, la tentation des " marchands de vin " était grande chez les indigents, et c'était un devoir moral que de les aider et de leur permettre de ne pas plonger dans l'ivrognerie. L'urgence de la nécessité de ces brasseries des quatre femmes à cette époque est clairement prouvé par la vitesse à laquelle le projet fut réalisé. Encore aujourd'hui, où l'eau et l'hygiène ne sont pas un problème pour la grande majorité des Parisiens, ces fontaines sont cependant souvent les seuls points d'eau gratuits pour les SDF et autres miséreux.


Mais les démunis ne sont pas les seuls bénéficiaires de ces installations. Même si leur but était de permettre au maximum de personnes aux revenus modestes d'avoir accès à l'eau potable, ce ne sont pas les seuls utilisateurs. En effet, tous les passants peuvent s'y désaltérer, riches ou pauvres, dans le but d'universaliser le moyen d'assouvir un besoin vital, qui est, lui, universel.


De plus la philosophie de Wallace étant de tendre la main efficacement et discrètement à ceux qui en ont besoin, les fontaines furent la manière d'y parvenir tout en réalisant son souhait d'esthète d'embellir Paris, mais sans faire dans le spectaculaire. C'est pourquoi elles sont belles, discrètes, tout en étant utiles.


Conception :

Richard Wallace conçut lui-même ces fontaines. Contrairement au mobilier urbain actuel, celles-ci sont faites pour être belles en plus d'être utiles. En tant qu'esthète, ceci lui parut indispensable. La fontaine à créer se devait de respecter un cahier des charges strict:

* La taille : assez grande pour être visible de loin, mais pas trop pour ne pas gâcher l'harmonie du paysage.

* La forme : à la fois pratique d'utilisation, et esthétique.

* Le prix : abordable pour permettre l'installation de dizaines d'exemplaires.

* Le matériau utilisé : résistant, facile à travailler, et commode d'entretien.

Les emplacements furent par la suite décidés par la mairie ainsi que la couleur (vert profond, comme tout le mobilier urbain de cet époque, afin d'être discret et en harmonie avec les parcs et allées bordées d'arbres).

Wallace créa deux modèles différents, qui furent suivis par deux autres modèles et il y eut donc, en tout, quatre types de fontaines Wallace, de taille et de conception différentes. Le matériau utilisé pour leur réalisation fut la fonte de fer, matériau économique, facile à mouler, robuste, et d'utilisation très courante à l'époque. La quasi-totalité de la dépense fut prise en charge par Wallace. la ville de Paris alloua 1000 francs pour le grand modèle, et 450 francs pour le modèle mural.


Le sculpteur :

Souhaitant que son projet se concrétise le plus rapidement possible, Wallace fit appel à Charles-Auguste Lebourg, un sculpteur qu'il connaissait et aux talents duquel il avait déjà eu recours. Ce Nantais améliora les croquis de Wallace, pourtant déjà très précis et réfléchis, pour faire de ces fontaines de véritables œuvres d'art.


> Fontaine Wallace (3) Les modèles


> Le grand modèle (2,71 m pour 610 Kg)

Conçu par Sir Richard, ce modèle s'inspire de la « Fontaine des Innocents ».


Sur un soubassement de pierre de Hauteville, repose un socle à huit pans sur lequel vient s'ajuster la partie supérieure composée de quatre caryatides se tournant le dos et soutenant à bout de bras un dôme orné d'une pointe et décoré par des dauphins.


L'eau est distribuée en un mince filet issu du centre du dôme et retombe dans une vasque qui est désormais protégée par une grille. Pour faciliter la distribution, deux gobelets en fer étamé retenus par des chaînettes, étaient à la disposition du consommateur, restant toujours immergés pour plus de propreté. Ceux-ci ont été supprimés en 1952 « par mesure d'hygiène » sur demande du Conseil d'Hygiène Publique de l'ancien département de la Seine.

Les quatre caryatides représentent la bonté, la simplicité, la charité et la sobriété. Chacune est différente de ses sœurs, soit par le genou qu'elle plie, soit par la manière dont sa tunique est nouée au niveau du corsage.


> Modèle en applique (1,96m pour 300 Kg)

L'autre modèle de Sir Richard. Au milieu d'un fronton semi-circulaire, la tête d'une naïade déverse un petit filet d'eau qui vient tomber dans une vasque marine reposant entre deux pilastres. Deux gobelets permettaient également d'y boire, mais ils furent retirés au titre de la loi de 1952 citée au paragraphe précédent.
 

Le modèle en appliqueCe modèle, peu coûteux à installer, devait être multiplié le long des murs des édifices à forte concentration humaine du type hôpitaux, casernes, etc. Cela ne fut malheureusement pas le cas et il ne reste aujourd'hui que l'exemplaire situé rue Geoffroy Saint-Hilaire.


> Petit modèle

Ce sont de simples bornes-fontaines à bouton-poussoir que l'on peut trouver dans les squares ou les jardins publics et marquées de l'écu parisien. Elles sont très familières aux mères de famille qui emmènent leurs enfants jouer dans les multiples petits parcs que compte la capitale.


Ne mesurant qu'1,32 m pour une masse de 130 kg, elles furent commandées par la mairie de Paris devant les faveurs dont jouissaient leurs sœurs aînées.

> Modèle à colonnettes (2,50m pour un peu plus de 500 Kg)

Ce dernier modèle fut réalisé par la suite, et on remplaça les caryatides par des colonnettes pour réduire le coût de fabrication. La forme générale de la fontaine est comparable à celle du grand modèle, bien que le chapiteau ne soit pas aussi pointu, et la partie inférieure plus incurvée.

Fabriqué en une trentaine d'exemplaires, il n'en reste aujourd'hui que deux, l'un rue de Rémusat, l'autre avenue des Ternes.


> Aujourd'hui

La plupart des fontaines encore présentes dans la ville de nos jours fonctionnent encore, et distribuent, contrairement à ce que pense de nombreux passants, de l'eau parfaitement potable. Elles sont l'un des rares points d'eau gratuits de la capitale, au grand soulagement des SDF pour qui elles sont vitales, et des passants assoiffés qu'elles soulagent très souvent. Sir Richard Wallace a donc atteint son but, bien au-delà, probablement, de ses espérances ! (bien que le nombre de démunis qu'il y a encore dans les rues parisiennes le décevrait probablement beaucoup, 120 ans après ses actions... ).


Elles fonctionnent du 15 mars au 15 novembre (les risques de gel durant les mois d'hiver mettant en péril la plomberie interne), sont régulièrement entretenues et repeintes tous les deux ans.

Elles font partie intégrante du paysage parisien, typique et pittoresque , au même titre que la tour Eiffel > ou les poulbots , comme l'ont bien compris les réalisateurs . En effet, quoi de tel qu'une Wallace au coin d'une rue pour indiquer clairement que l'action se déroule à Paris... Ce n'est pas un hasard si Jean-Pierre Jeunet  dans le monument cinématographique à la gloire du folklore parisien qu'est son film Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain , a baptisé un des personnages Madeleine Wallace (elle pleure comme une madeleine, ou comme une fontaine... Wallace !)

Depuis plus d'un siècle qu'elles sont en place, ces monuments parisiens n'ont pour ainsi dire jamais subi la critique, et ils ont toujours été respectés, même par les Nazis  qui, pourtant, ont fondu de nombreuses statues pour en faire des armes... Cependant, elles ne sont toujours pas, curieusement, classées « monument historique  ».

> Ailleurs

À l'étranger, on en trouve dans différents pays (Suisse, Mozambique, Afrique du Sud, Canada,Nouvelle-Orléans...).

Des particuliers richissimes et amateurs d'art, de même que des artistes célèbres, en ont acheté pour leur plaisir. C'est le cas entre autres de Maurice Chevalier , qui en avait une dans sa propriété de Marnes-la-Coquette et de Brigitte Bardot .

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